Après Todd Roger, une nouvelle figure du jeu d’arcade, l’ex-superstar de Donkey Kong Billy Mitchell, est accusée d’avoir utilisé un émulateur pour obtenir ses scores.
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Une fois qu’on a vu Billy Mitchell, in persona ou à travers un écran, impossible d’oublier sa dégaine. Le cheveu long impeccablement lissé, la barbe au millimètre, le menton fier, l’œil noir et surtout, surtout, cette inénarrable cravate aux couleurs de la Star-Spangled Banner qui ne quitte jamais son plastron de fier enfant de l’Oncle Sam : si le rêve américain avait son échoppe à souvenirs, on y trouverait des mugs de Billy Mitchell levant le pouce et clignant de l’œil.
Dans l’incroyable documentaire King of Kong (2007), qui narrait la compétition féroce (et les coups bas qui vont avec) entre les différents champions de Donkey Kong pour inscrire leur nom tout en haut du tableau des scores, Mitchell avait le rôle du méchant, prétentieux au possible, carrément méprisant envers ses concurrents, de mèche avec les arbitres de Twin Galaxies et globalement détestable pour toute personne imperméable à la gloire individuelle et aux motivational quotes.
En dépit de ses travers et de l’évolution des scores depuis qu’il a réalisé ses performances, Billy Mitchell restait encore une légende incontestée du Donkey Kong. Sauf que depuis une semaine, l’homme, sa cravate bariolée et ses records sont à nouveau dans la lumière − et pas pour les bonnes raisons.
L’émulateur de la discorde
Alors qu’un autre ex-champion des consoles à l’ancienne, Todd Rogers, vient d’être effacé des tablettes et banni à vie des compétitions de retrogaming par l’organisation Twin Galaxies à la suite de révélations de tricherie, la réputation de Billy Mitchell vacille à son tour. Le 2 février, sur le forum de référence Donkey Kong Forum, le modérateur Jeremy Young, connu sous le pseudo de Xelnia, poste un article de plus de 2 000 mots, extrêmement technique, qui prétend que trois des records de Mitchell supérieurs à un million de points ont été effectués grâce à un émulateur, soit une version modifiée du jeu original.
Sans rentrer dans des détails trop techniques pour le profane − pour ça, il y a Ars Technica −, Mitchell aurait utilisé un vieil émulateur nommé Multiple Arcade Machine Emulator (MAME) qui génère les niveaux du jeu à une fréquence d’image différente de la borne d’arcade. Une différence infinitésimale pour vous et moi, mais un avantage significatif pour les joueurs de très haut niveau, qui peuvent exploiter cette latence à leur avantage. En utilisant des comparaisons image par image des parties de Mitchell avec des parties jouées sur arcade, Young parvient à la conclusion que Mitchell aurait facilement pu tricher, sans jamais se risquer à l’affirmer.
La chute du bad guy
En ajoutant à cela le fait que les trois records à un million de points soumis par Billy Mitchell à Twin Galaxies l’ont tous été via cassette vidéo, qu’il n’a jamais reproduit la performance en public et, surtout, qu’il avouait lui-même ne pas avoir les connaissances techniques pour effectuer un enregistrement live de sa performance, Young a pris la décision d’effacer les records du “King of Kong” du tableau officiel. Jusque-là 20e du classement, il occupe désormais la 47e place avec un record de 933 000 points obtenus… en public.
Pour le moment, Twin Galaxies reconnaît toujours les scores de Mitchell, mais une investigation a été ouverte pour déterminer leur validité. Malgré ses liens de copinage avec l’organisation américaine révélés lors du documentaire de 2007, l’homme à la cravate pourrait se retrouver privé de ses records.
D’autant que Young n’est pas le seul à émettre des doutes : à la suite de son enquête, un autre joueur, Wes Copeland, ancien détenteur du record du monde de Donkey Kong, a présenté à son tour des preuves de manipulation des parties par Billy Mitchell. Cette fois-ci, l’auteur explique que l’ancienne légende, sachant que le nombre de points gagnés à chaque ennemi tué à coups de marteau est assigné de manière semi-aléatoire, aurait rejoué chaque tableau encore et encore jusqu’à obtenir le run parfait.
Et pour clore la semaine pourrie de Mitchell, l’actuel champion du jeu, Robbie Lakeman, améliorait vendredi dernier son propre record du monde à 1 247 700 points. En direct, et sur une borne d’arcade. Le règne du “King of Kong” semble bel et bien toucher à sa fin.