Le rappeur NF (pour Nathan John Feuerstein) n’en est pas à son coup d’essai. Son quatrième album, The Search, sorti le 26 juillet dernier, est son second opus qui se place directement en première place du Billboard, après Perception en octobre 2017. Mais cette fois-ci, il a même battu au dernier moment l’album tant attendu de Chance the Rapper, The Big Day.
À voir aussi sur Konbini
Pourtant, NF est rarement cité parmi les artistes du moment. Il n’est pas non plus visible dans les médias et n’a pas de soutien particulier d’autres grands noms, comme ça peut être le cas avec ce genre de succès.
On peut dire que NF sonne beaucoup comme Eminem et récupère sûrement une partie des fans du Slim Shady, qui peuvent parfois être déçus par ses dernières prestations. NF ne s’en cache pas : l’influence de la star de Detroit est très importante pour lui et a un véritable impact sur sa vision technique et cathartique de la musique.
L’audience de NF a grandi petit à petit, comme celle de Logic par exemple, avec qui il a partagé une tournée en 2018. C’est un rappeur proche de la classe moyenne des petites villes américaines, qui fait de la musique sans artifices, rigoureuse et polie.
Et surtout, NF a un avantage de taille, très important aux États-Unis : il est signé sur la division “Christian Music” de Capitol. Il a donc une étiquette de rappeur chrétien. Mais qu’est-ce que le rap chrétien ?
Cette branche du hip-hop a quasiment toujours existé. Dès 1982, MC Sweet sort l’album Jesus Christ (The Gospel Beat), rapidement suivi par Stephen Wiley et son Bible Break, Dynamic Twins, P.I.D. (pour Preachers in Disguise), Gospel Gangstaz, Michael Peace ou encore T-Bone.
T-Bone est l’un des représentants les plus connus du Christian Rap. Il apparaît d’ailleurs en tant que tel dans le film The Fighting Temptations, aux côtés de Cuba Gooding Jr. et… de Beyoncé, la diva ayant elle aussi commencé sa carrière musicale au sein de la chorale de son église méthodiste.
Parmi les nouvelles stars du mouvement, on retrouve des artistes comme tobyMac en Virginie, Lecrae au Texas ou Dee-1 à la Nouvelle-Orléans. Les sonorités se modernisent et évoluent comme dans le reste du rap moderne. Le rap chrétien n’est pas à part, il a juste une autre direction.
Le rap dit “chrétien” est avant tout une évolution du gospel, joué dans de nombreuses Églises protestantes à travers tous les États-Unis. La soul, qui prend sa source dans le gospel, est aussi l’une des bases du hip-hop et les prêches de certains évangélistes ont pu servir de base rythmique pour des rappeurs. On peut ainsi trouver beaucoup de liens entre la musique d’église et le rap.
L’Église, première école musicale de la rue
Une grande partie des artistes rap ont commencé la musique au sein de leur communauté religieuse, pendant les offices, notamment dans les États du sud. Ils y ont appris le chant ou certains instruments.
Ainsi, un producteur comme Zaytoven, considéré comme le roi de la trap par Future ou Gucci Mane, puise son inspiration et sa musique dans ses passages réguliers à l’orgue de sa paroisse. D’ailleurs, il verse toujours actuellement 10 % de ce qu’il gagne à sa communauté religieuse. Dans certains cas, l’Église est la première école musicale de la rue.
Le rap chrétien n’a pas de style musical particulier, il a plutôt un message et un dessein, celui de répandre la “bonne parole”. Elle est souvent synonyme de rédemption, de spiritualité et de combat personnel aux États-Unis.
Ainsi, “Jesus Walks” de Kanye West, une bonne partie de la musique de Nas, 2Pac, Chance the Rapper ou même la série des “Prayers” de DMX peuvent être considérés comme du rap chrétien. Ce n’est pas vraiment un genre, mais une thématique. Et les Américains en sont friands.
Un espoir plus blues que gospel
Pour NF, cette case de rap chrétien semble trop petite. Le rappeur s’est souvent exprimé sur le sujet, se considérant comme “chrétien” mais pas forcément comme “rappeur chrétien”. Il se voit plutôt comme un artiste et, dans The Search, ses thèmes sont très sombres et souvent éloignés de l’évangélisation ou de la foi à toute épreuve.
NF parle de dépression et de mal-être comme nombre de ses contemporains. On est plus proche du blues lancinant que du gospel solaire. Pourtant, il offre énormément d’espoir et de compassion pour ses nombreux jeunes fans, qui inondent les réseaux de son impact sur leur vision de la vie. NF répand la bonne parole, à sa façon.
Cette étiquette de rap chrétien est finalement très dure à définir ou à coller. La plupart du temps, elle se limite à des références bibliques assez poussées ou à des solutions souvent présentées à travers la religion. Mais finalement, de nombreux rappeurs ont toujours utilisé ces ressorts sans être ouvertement “rappeurs chrétiens”.
Finalement, la seule différence réside peut-être dans l’absence totale d’insultes, même de gros mots ou de blasphèmes dans les textes. Comme une version éditée du gangsta rap.
Amazing Grace
Dans tous les cas, la musique a toujours été importante dans la célébration des Églises protestantes. Et elle a toujours évolué avec son temps et ses paroissiens. Un des plus beaux moments de cette musique religieuse reste l’album live d’Aretha Franklin, enregistré en 1972 dans l’Église baptiste de Watts à Los Angeles.
Un film complet autour de cet enregistrement en live est sorti cette année, intitulé Amazing Grace, et il est poignant de bout en bout. C’est sûrement le plus grand concert filmé jamais vu. Cet album live est d’ailleurs l’album gospel le plus vendu de l’histoire, ce qui fait de lui un incontournable.
Pour finir sur une note d’exception, on vous laisse avec le “Rappin’ for Jesus” de Pastor & Mrs. Jim Colerick. C’est aussi ça, le rap chrétien. Et c’est sûrement son plus grand succès, avec 55 millions de vues sur YouTube. Les voies du Seigneur sont impénétrables.