Le policier reste très évasif sur les circonstances du viol présumé qu’il aurait commis, parlant de simple “coup de matraque au niveau des jambes”.
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Grâce à L’Express et BFMTV, nous avons aujourd’hui accès au témoignage de Théodore Luhaka, victime d’un viol présumé lors d’un contrôle de police, et à celui fourni par son agresseur présumé, plus connu à Aulnay-sous-Bois sous le surnom peu élogieux de “Barbe Rousse”. Si les deux versions coïncident à peu près sur le déroulé du début du contrôle, elles divergent très vite radicalement.
Tout commence par le contrôle d’un groupe de jeunes dont certains sont connus des services de police pour leur “implication pour le trafic de produits stupéfiants [sic]“, explique le policier. “Il devait y avoir une dizaine de personnes à contrôler”, détaille-t-il. Théo affirme s’être retrouvé là par hasard, alors qu’il sortait de chez lui et allait saluer des connaissances. Très vite, une bagarre se déclenche alors qu’un membre des forces de l’ordre opère une palpation.
Face à la situation qui dégénère, Théo a le réflexe d’essayer de se placer devant des caméras de sécurité. “Je savais que là où on était il n’y avait pas de caméras, j’ai réussi à me débattre, je suis parti devant les caméras”, explique-t-il. Un geste perçu comme une volonté de résistance de la part des forces de l’ordre, comme l’explique le policier dans sa déposition. “J’ai pas cherché à fuir, j’ai dit aux policiers, ‘vous avez déchiré mon sac’, ils me répondent ‘on s’en fout'”, se défend Théo.
“Pourquoi vous faites ça ?”
Le policier décrit alors une escalade de la violence : “Alors que je venais de lui saisir le bras, je recevais de sa part un coup de poing au niveau de la pommette gauche […]. J’ai compris à ce moment-là que l’individu serait prêt à tout pour se soustraire”.
“Pourquoi vous faites ça ?”, demande Théo qui, pour toute réponse, dit avoir reçu des “injures”. L’un des policiers présents le ceinture et “tous deux basculent au sol de manière très brutale”, selon le violeur présumé, qui aide son collègue en balançant les premiers coups de matraque télescopique dans les jambes du jeune homme.
“Là je le voyais piétiner mon collègue qui était encore au sol dos contre terre et subitement un jet de gaz lacrymogène s’échappait de la bombe du gardien”, relate le fonctionnaire de police – un jet de gaz que Théo n’évoque pas dans son témoignage. “Je suppose alors que ce jet a été causé accidentellement dans l’agitation de l’individu”, continue le policier.
Le viol présumé
Les deux témoignages semblent donc, à quelques éléments près, concorder sur le début des faits : Théo est interpellé de manière musclée et il tente tant bien que mal de se débattre. La suite est une toute autre histoire.
À terre, Théo continue de donner “des coups de pied” et se relève tant bien que mal, explique le gardien de la paix, qui dit utiliser une nouvelle fois sa matraque télescopique :
“J‘ai à nouveau riposté par un coup de télescopique au niveau d’une de ses jambes. À l’issue de cet épisode, Théo est finalement menotté.”
Un simple coup ? Pas d’après Théo :
“Il me regarde, j’étais de dos, mais j’étais en trois-quart, donc je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Il prend sa matraque et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement.”
Loin, très loin du “coup de télescopique au niveau d’une de ses jambes” décrit par le policier.
“Dès qu’il m’a fait ça, je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force”, poursuit le jeune homme. “Là il me dit ‘les mains dans le dos’, j’ai dû mettre mes mains dans le dos, ils m’ont mis les menottes”.
Silence assourdissant sur la fin de l’interpellation
L’agent des forces de l’ordre dit alors procéder à une “palpation de sécurité” sur Théo, avant de remonter “son bas de survêtement, lequel était descendu jusqu’à ses genoux”. Il ne donne aucun élément pour expliquer pourquoi et comment son pantalon s’est retrouvé baissé de la sorte. Un flou qui contraste avec le reste très détaillé de son témoignage.
“Je le plaçais en position assise. Là, il se plaignait d’être installé de façon inconfortable et avoir mal. Il ne disait pas où”, continue le policier, et c’est tout. Aucune déclaration sur la fin de l’interpellation et le trajet vers le commissariat au cours desquels Théo dit pourtant avoir vécu un véritable calvaire :
“Ils m’ont dit ‘assieds-toi maintenant’, je leur ai dit ‘j’arrive pas à m’asseoir, je sens plus mes fesses’, et ils m’ont mis des gaz lacrymogènes dans la tête, dans la bouche, un coup de matraque en pleine tête.”
Violences gratuites et honteuses sur lesquelles le membre des forces de l’ordre n’apporte pour l’instant aucune précision.
Théo est alors transporté vers le véhicule de police. Encore une fois, le policier mis en examen ne dit rien sur le trajet vers le commissariat au cours duquel Théo dit également avoir été la cible d’une avalanche d’insultes : “espèce de salope”, “bamboula”, … (une injure qui, d’après le responsable d’un syndicat policier ci-dessous, reste “convenable“).
Au poste
Ce n’est qu’au commissariat que les policiers constatent la blessure à l’anus du jeune homme. Lors de son procès verbal, celui-ci déclare qu’il ne “désire pas faire l’objet d’un examen médical”, fait troublant d’autant plus que le policier qui l’entend indique qu’il n’est “pas physiquement en mesure de signer”.
Théo se plaint tout de même de douleurs aux fesses. Dans son témoignage, le policier dit avoir regardé “rapidement s’il avait quelque chose au niveau des fesses en tirant son bas de survêtement. Je constatais alors qu’il présentait une plaie saignante”. D’après Théo, cette découverte est l’occasion d’une nouvelle vague de moqueries de la part des agents présents sur place. “Je n’ai aucune idée de la façon dont cette plaie a été faite”, se défend le violeur présumé.
Ce n’est qu’à ce moment-là que les forces de l’ordre se décident enfin à appeler le Samu pour conduire le jeune homme à l’hôpital, où il est opéré en urgence pour une déchirure de 10 centimètres au niveau de l’anus. Il vient seulement d’en sortir, deux semaines après les faits.