Léo* a 17 ans et, cette année, il ne pourra pas participer à l’élection présidentielle. À défaut de pouvoir le faire, pour Konbini, il a écrit aux jeunes qui auront eux la possibilité de mettre un bulletin dans l’urne. Ce message s’adresse particulièrement aux “primo-votants” de ce scrutin présidentiel. Mais pas seulement.
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On connaît tous notre quotidien, nos journées dites “classiques” : on se lève, on s’habille, on prend notre bus. Zut, on est en retard. On se précipite, on oublie de faire notre lit, on prend la première paire de chaussettes qui vient, on met nos chaussures. On a oublié de mettre notre cahier d’histoire dans notre sac, mais surtout pas de prendre nos écouteurs. Pendant le trajet de bus, tout le monde est à moitié amorphe. Il y a juste ces deux filles assises à deux rangées de la nôtre, qui rient à gorge déployée ; ça nous énerve. On monte le son pour ne plus les entendre. On descend du bus, on fait la bise aux personnes que l’on croise, on leur sourit vite fait. On fume notre clope nerveusement, nos mains tremblent à cause du froid. On va en cours, on a oublié de réviser notre espagnol. On est crevé, on a faim. Le cours finit enfin. Très vite, la journée aussi.
On reprend le bus. On rentre chez nous, on salue nos parents et on fonce dans notre chambre. On joue sur notre portable, on envoie quelques snaps, on va regarder nos notifications sur Facebook et Twitter. On va manger. On retourne dans notre chambre. On met un petit épisode de notre dernière série du moment. On oublie nos devoirs, on envoie des messages jusqu’à minuit, sans sentir le temps passer. Puis on s’endort, sans prévenir.
Bien évidemment pendant cette journée, on a entendu parler de tout et de rien, mais aussi de la dernière connerie d’un politique. Inévitablement, on a été mis au courant, en écoutant d’une oreille une discussion dans les transports ou tout simplement par un pote. Et là, on se rappelle que, dans une dizaine de jours, on aura la possibilité d’aller voter. A priori on ne va pas le faire, parce qu’on se dit qu’on y comprend rien à leur grand cirque et à leurs mensonges.
Pourtant, vous n’avez aucune idée de l’importance de votre (futur) geste. Aujourd’hui, les seniors votent en masse : selon l’institut Ipsos, 87 % des électeurs de plus de 60 ans ont voté au second tour de la présidentielle de 2012. Et ce ne sont a priori pas eux qui vont voter pour des reformes modernes, conformes à nos attentes… Les jeunes votent, eux, beaucoup moins (selon une enquête réalisée par l’Ifop en mai 2016, 48 % des 18-25 ans déclaraient ne pas compter voter au premier tour de la prochaine présidentielle, ndlr). Car oui, nous nous sentons trop éloignés de cette classe politique qui s’en met plein les poches en nous promettant monts et merveilles. Nous ne votons pas parce qu’il y a un décalage entre eux et nous. Pourtant, nous, la jeunesse, sommes les premiers à pâtir du choix de ceux qui votent. Certes, notre avenir s’annonce plutôt morose avec un taux de chômage assez préoccupant, mais malgré tout, il faut aller voter.
Les propositions de certains candidats sont un danger pour nous. Si nous votons pour eux, nous avons le fort risque de subir une régression sociale. Voulez-vous réellement voir un membre de votre famille fonctionnaire être licencié parce qu’il faut faire des “économies” ? Voulez-vous tourner le dos à des migrants qui fuient la guerre et la misère ? Êtes-vous en faveur d’un recul des droits des femmes, notamment en matière d’IVG ? Et cette planète sur laquelle nous vivons, qui se dégrade d’année en année, comment comptez-vous expliquer plus tard à vos enfants que vous n’avez rien fait pour améliorer les choses ?
Nous sommes jeunes, nous sommes en plein développement. Le mélange des cultures n’est que bénéfique pour nous. Les gens que nous accueillons en Europe ne sont pas là contre nous, ils fuient les mêmes personnes que nous combattons, celles qui nous attaquent. Et peut-être que dans cinquante ans, ce seront nous et nos enfants qui fuiront les bombes.
J’écris ces mots parce que je suis un lycéen comme vous, mais que moi je ne pourrai pas voter, parce que j’ai 17 ans. Vous êtes certes – et à juste titre – préoccupés par votre bac, votre future orientation et vos problèmes familiaux. Mais s’il vous plaît, allez voter. Nous passons des heures sur nos téléphones portables à combler l’ennui. Les 23 avril et 7 mai, prenez une petite demi-heure de votre temps pour vous déplacer et mettre vos bulletins dans l’urne. En le faisant, je suis certain que l’on doit ressentir le sentiment d’avoir un peu grandi. Contribuons à notre avenir même si ce monde politique nous semble abstrait, qu’on le veuille ou non, ce sont ces politiques qui tiennent les manettes de notre avenir.
* Son prénom a été modifié