Alors que les violences envers les femmes font des ravages en Argentine, le parlement du district fédéral de la ville de Buenos Aires a voté une loi pénalisant le harcèlement de rue.
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Enfin ! À Buenos Aires, le harcèlement de rue (dont les femmes sont les victimes les plus fréquentes) est désormais passible d’une amende d’environ 60 euros ou 10 jours de travail communautaire. Le Monde rapporte en effet qu’une loi votée le 7 décembre par le parlement du district fédéral de la ville de Buenos Aires va désormais cibler ceux qui “harcèlent, maltraitent ou intimident”, portant ainsi atteinte à “la dignité, la liberté, la libre circulation et le droit à l’intégrité physique ou morale des personnes, en fonction du genre, de l’identité et/ou de l’orientation sexuelle”.
C’est un grand bouleversement dans ce pays où les piropos (flatteries de rue) sont monnaie courante. Raquel Vivanco, coordinatrice argentine de l’ONG “Mujeres de la Matria Latinoamericana” (Les Femmes de la “matrie latino-américaine”) a présenté devant le Parlement une étude, réalisée dans 10 provinces argentines, aux résultats édifiants. Ainsi, “100 % des femmes interrogées ont souffert, dans leur vie, d’un type de harcèlement de rue, 50 % ont souffert de commentaires sexuels explicites et 47 % ont été suivies par un homme sur la voie publique”. Pour elle “le harcèlement de rue est la forme la plus naturalisée de la violence de genre” et “le fait que les femmes doivent recourir à des stratégies, comme changer de trottoir ou s’habiller discrètement, est une forme de violence sexiste qui illustre l’absence de l’État”.
Un machisme enraciné dans le pays
Si cette décision du Parlement semble être une grande avancée, la plupart des féministes restent sceptiques, souligne Le Monde. L’une d’entre elles, la journaliste Mariana Carvajal, a notamment exprimé ses inquiétudes dans le quotidien de gauche Pagina/12 : “La voie punitive est-elle le chemin pour en finir avec ces ‘micro’ et ‘macro’ machismes, tellement enracinés culturellement dans notre pays ?” Dans un pays où les dirigeants politiques font eux-mêmes preuve de machisme, elle a du mal à imaginer un tel changement. La journaliste rappelle qu’en 2014 le président de centre-droit, Mauricio Macri, avait déclaré que “toutes les femmes aiment les piropos“, quand bien même ils seraient accompagnés d’obscénités. Après de tels propos, venus de la bouche-même du président “le changement social nécessaire semble difficile”, insiste la journaliste :
“Je ne m’imagine pas allant au commissariat pour dénoncer un harcèlement de rue alors que les policiers ne tiennent pas compte des plaintes de femmes qui arrivent avec les yeux en compote à la suite de coups reçus dans leur foyer”, poursuit-elle.
Alors que 230 femmes sont mortes en 2016 de “féminicide”, Mariana Carvajal, affirme qu’il faut penser le problème dans son intégralité pour l’éradiquer. La pénalisation du harcèlement de rue à Buenos Aires est une bonne nouvelle, mais il reste encore du chemin à parcourir pour mettre un terme aux violences faites aux femmes en Argentine.