WikiWars : dans les bars, Wikipédia donne lieu à des duels de rapidité

Publié le par Pierre Schneidermann,

Votre mission, si vous l’acceptez: partir de la page "asticot" pour arriver à la page "Nadine Morano" en naviguant de lien en lien

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L’événement a lieu au moins deux fois par mois, dans des bars parisiens. Seize participants, inscrits sur Internet, se livrent à des duels sans merci. On n’a le droit ni aux pistolets, ni aux claviers, à l’exception du Ctrl + F, le célèbre raccourci permettant de chercher un mot sur une page. Autour, le public crie, boit des bières, observe avec attention les écrans qui retransmettent la partie.

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Le principe d’une WikiWar est simple : il s’agit de naviguer de page en page, en allant de lien en lien, d’une notice Wikipédia de départ (mettons : “asticot”) à une notice d’arrivée (mettons : “Nadine Morano”). Le plus rapide des duellistes qui s’affrontent a le droit de continuer le tournoi, le perdant retourne à sa basse condition de spectateur.

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Chaque affrontement dure cinq minutes maximum. Si aucun des deux joueurs ne trouve le chemin, c’est la “mort subite” version WikiWars : on donne un challenge hyper facile, solvable en quelques secondes – aller de “Trump” à “stupidité” par exemple. Mais on arrive rarement à cet extrême. Le temps réglementaire suffit souvent. Il n’est d’ailleurs pas rare que l’affaire soit pliée en moins de deux minutes.

Jusqu’à ce jour, personne n’en est venu aux mains. L’atmosphère est bon enfant, la compétition bienveillante. On accueille à bras ouverts les débutants qui ont, chose rare, des chances de gagner contre des personnes (sur)entraînées (oui, il y en a). Le jeu est gaiement encadré par les bénévoles d’une association dédiée à la cause, qui possède son site Web et sa page Facebook avec l’annonce des prochains tournois.

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Des Pépites sur le Net à une association

Cela fait deux ans que l’événement existe en France. À l’origine, il s’agit d’une idée américaine dénichée puis importée par les animateurs de Pépites sur le Net, un programme de Canal+ aujourd’hui en sommeil. WikiWars voit le jour sous forme de live sur la page Facebook du programme. Quatre anciens de Pépites, Nicolas Wan, Julien Dubois, Guillaume Barrot et Mickaël Laplaud, rejoints par Julien Tanay et Cécile Moret, matérialisent le concept en association.

Comme au sein de chaque asso, pour l’organisation d’un événement aussi barré qu’une WikiWar, les bénévoles se répartissent les tâches : communication, identité graphique, réalisation technique de l’événement, préparation des duels (les notices de départ et d’arrivée ne sont pas tirées au hasard mais soigneusement choisies) et, le jour J, la lourde charge d’animer les duels avec micro, jingles et stock de bonnes blagues.

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Kit prêt à l’emploi

Lentement, WikiWars s’étoffe. Les dates se multiplient. Les fidèles reviennent et entraînent leurs potes. L’association met son nez hors des bars. Début octobre, la fondation Wikimédia France, séduite par le concept, invite les fondateurs à Grenoble pour ambiancer sa convention annuelle. Les wikipédiens, les vrais, ont adoré le jeu et en ont plutôt très bien tiré leur épingle. Lorsque l’un des compétiteurs est arrivé sur la notice d’Isaac Newton, quelqu’un dans l’audience a même dit : “C’est moi qui l’ai écrite celle-là.” Baptême du feu réussi haut la main.

WikiWars se prête d’autant mieux à l’exportation qu’il est possible de circonscrire l’événement à une thématique donnée. “On pourrait par exemple sensibiliser les enfants aux sciences en les faisant naviguer sur des notices scientifiques”, explique Olympe Meissonnier, en charge (bénévolement, il va sans dire) de la communication. C’est ce qu’il s’est passé à Grenoble, avec les adultes : les points de départ correspondaient à des notices de femmes scientifiques et étaient accompagnées d’un petit speech de sensibilisation pour chacune d’entre elles, prononcé par le partenaire de l’événement. Ludique et pratique.

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Tout un chacun, à condition de ne pas en faire n’importe quoi, peut demander le “kit” WikiWars à l’association, comprenant logiciels libres et charte graphique. Un premier tournoi dans un bar et hors Paris devrait ainsi bientôt avoir lieu à Cannes. “On pourrait facilement imaginer un système avec des ambassadeurs qui transmettraient le flambeau”, continue Olympe Meissonnier.

Un cocktail bar/bière/cris, oui, mais qui ne doit pas masquer la rondelle de philosophie. WikiWars, c’est aussi l’éloge de Wikipédia et de tout ce qui va avec : la culture Web, la connaissance gratuite, l’Internet libre. Nos confrères Usbek & Rica, qui avaient défriché le terrain avant nous, rappelaient, à juste titre, qu’il était pertinent de corréler l’initiative avec la directive européenne sur le droit d’auteur, qui pourrait bouleverser l’utilisation du bon vieux lien hypertexte. La base de WikiWars.

En parlant d’élévation et de l’âme et d’hyperliens, saviez-vous que si l’on suit le premier lien de n’importe quelle notice, on arrive forcément sur le mot philosophie ? Même avec le mot bière (boisson alcoolisée > boisson > liquide > phase > thermodynamique > Ludwig Boltzmann > physicien > scientifique > science > connaissance > philosophie). Coïncidence (ou pas) qui en dit long sur la nature profonde de l’encyclopédie participative.

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