On a tenté de construire des ordis virtuels sur PC Building Simulator

Publié le par Thibault Prévost,

Dans une convaincante mise en abyme, le jeu vous permet de construire des machines de guerre virtuelles sur Switch, PS4 et XBox.

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Selon les tenants de la théorie de la simulation, la matrice de notre réalité pourrait tout à fait être générée par un processeur informatique d’une puissance inimaginable, qui ferait tourner le logiciel de la matière, des lois fondamentales de l’espace-temps et du grand Tout cosmique avec une fluidité parfaite, sans jamais planter, jamais s’encrasser, et ne jamais avoir besoin d’être démonté pour inspection.

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De quelles pièces pourrait bien être composée une telle machine ? Carte graphique watercooled, SSD pour l’OS et HDD pour le stockage, forcément. Combien de barrettes de RAM DDR4 ? Combien de cœurs logiques pour le processeur ? Overclock, pas d’overclock ? Et puis tant qu’à faire, est-ce qu’on ne lui mettrait pas un liquide de refroidissement un peu stylé, à cette grande tour qui nous simulerait ? Justement, ils font des promos sympas, chez Thermaltake, en ce moment…

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Reprenons. Puisqu’il faut de tout pour faire un univers (vidéoludique) et qu’il existe bien des simulations de football, de courses automobiles, de pêche, d’agriculture, de transport routier et ferroviaire et de vol d’oies, il y a donc PC Building Simulator, développé par Claudiu Kiss et Irregular Corporation. Disponible sur Steam depuis janvier, le titre a débarqué sur consoles le 13 août dernier, et il faut s’asseoir une seconde pour apprécier le degré de méta de la situation. Pour encore mieux l’apprécier (et goûter au plaisir inattendu de se glisser dans la peau d’un réparateur de PC de la rue Montgallet), on a construit et réparé des PC virtuels… sur Switch.

(© The Irregular Corporation)

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Started from Montgallet now we here

À ce stade du test, un disclaimer s’impose par souci d’honnêteté : votre serviteur, bien que passionné par l’informatique, est absolument incapable de monter un PC de ses mains, encore moins d’y trouver du plaisir. Et ça commence plutôt mal puisque le mode Carrière du jeu vous colle entre les pattes l’entreprise de réparation informatique en pleine banqueroute de votre oncle Tim, qui s’est tiré en vacances (probablement pour éviter une perquisition fiscale) en n’oubliant pas de vous taper 15 dollars avant de faire les valises.

Vous voilà dans un atelier tout moche avec de la pâte thermique, une clé USB à diagnostic et une bouteille d’air comprimé, prêt à bâtir un empire de l’informatique. Comme dans tout jeu de gestion, vos débuts seront humbles et laborieux. Vous apprendrez à gérer la petite entreprise de Tonton et à accepter des “réparations” pourries (dépoussiérage, analyse antivirus pour Michel de la compta, changement de disque dur…) pour trois francs six sous. Au début, tout roule. Mais après quelques clients, ça se corse.

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Banqueroute express

Une fois la machine posée sur l’atelier, le jeu – clairement conçu pour les noobs dans mon genre – fait de son mieux pour vous faciliter la tâche sans sacrifier aux phases de montage et démontage de composants. Si un code couleur vous montre où brancher chaque câble (Dieu merci), c’est à vous de cliquer, fastidieusement, sur chaque prise, chaque vis et chaque partie amovible pour la détacher de l’ensemble.

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Et le plus dur commence : chaque composant enlevé atterrit dans votre inventaire, mais au moment de remonter le PC, il faut se souvenir de l’ordre précis de remontage. Au début, ça roule, et puis dès le huitième jour de boulot, c’est le drame : chargé de remplacer le disque dur d’un client, j’oublie de transférer ses données dans le nouveau composant… avant de vendre l’ancien. C’est foutu. Je suis nul.

J’essaie de gagner du temps en décalant la livraison et en ignorant les emails, mais rien n’y fait. Ma situation financière s’aggrave au moment de payer les factures et le loyer (à 500 dollars le cagibi, on doit certainement être dans la Bay Area), ma banque m’accorde un découvert que je brûle, les clients mécontents me laissent des reviews pourries… je décide de fermer boutique et de rejoindre l’oncle Tim sur les îles Vierges. Je ne verrai jamais ma boutique prospérer, mon matériel devenir plus performant et mes clients heureux. Je médite un instant sur mon rôle avorté dans la start-up nation, puis je passe au mode Création.

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Éloge du mauvais goût (à 3 755 dollars)

Une heure plus tard, il faut se rendre à l’évidence : le centre Pompidou miniature qui trône sur mon atelier ne démarrera jamais. “Aucune voie pour la conduite flexible”, m’informe mon assistant personnel chaque fois que j’essaie d’activer le système de refroidissement liquide (vert Matrix, évidemment). J’aurais dû m’en tenir à de bons vieux ventilateurs. La machine de course à 3 755 dollars ne me sert à rien, et mes maigres connaissances en informatique me semblent absolument inutiles. Et le jeu ne bougera pas le petit doigt pour m’aider. Je peux éventuellement viser le prix Pritzker, et encore.

Dommage car jusque-là, la construction d’un PC ne m’avait jamais paru aussi excitante. Fastidieuse, agaçante, rageante même, mais excitante. Le jeu tient ses promesses : le gameplay de construction est clair, les graphismes convenables et la liste de composants suffisamment étoffée (pour un noob). Faire tourner la caméra en zoomant sur ma bécane me fait le même effet que le garage de tuning de Need for Speed Underground quand j’avais 15 ans : sans rien comprendre à ce que je faisais, le résultat de mes créations (à peu près d’aussi mauvais goût que l’amas de métal fluo qui me sert de tour) générait de la dopamine dans mon cerveau. Mais est-ce suffisant ?

Simulacres et simulations

Partant du principe que toute simulation peut être évaluée selon le même barème, le jeu est réussi. Qu’il s’agisse de foot, de pêche ou de combat aérien, que demande-t-on à une simulation au juste ? De véritables marques ? OK (Nvidia, MSI, 3DMark…). Un gameplay didactique ? OK. Du “réalisme” ? OK, mais jusqu’à quel point ? Après tout, combien de fans de Flight Simulator ont leur permis de vol ? Quand on se surprend à être tout excité quand un PC démarre alors qu’on était en pleine impro depuis 30 minutes, au point de se prendre pour un expert (et que c’est aussi ridicule que dans la vraie vie), que faut-il de plus ? La simulation est suffisante, le simulacre convaincant.

Si ça ne tenait qu’à moi, j’encouragerais donc mes semblables – curieux, amateurs, mais absolument pas qualifiés à réparer des PC – à s’offrir PC Building Simulator, ne serait-ce que pour son aspect pédagogique (oui, vous saurez changer une barrette de RAM). Suis-je légitime à le faire ? Moins que les confrères des magazines spécialisés, qui se sont évidemment jetés dessus avec l’intention de lui faire un procès en réalisme.

Au rang des critiques, donc : contenu un peu léger, mode Carrière vite répétitif et surtout, martèle PC Gamer, absence cruelle d’inattendu. La vis qui tombe au fond de la tour. Le câble noué hors de portée du doigt. La sueur qui fait glisser le tournevis dans la paume. Toutes les variables qui font qu’en bricolage, il y a toujours un truc qui foire, PC Building Simulator les efface. De la même manière que passer l’année sur FIFA ne fera pas de vous le nouveau Messi, vous n’apprendrez pas à monter des PC dans la vraie vie. C’est d’ailleurs pour ça que c’est un jeu vidéo, et pas un cours du soir.