À Hong Kong, la grenouille Pepe ressuscite en icône pro-démocratie

Publié le par Thibault Prévost,

“Fighting Pepe”, la résurrection de l’icône

Vouée aux gémonies aux États-Unis et en Europe, la mascotte de l'extrême-droite se réinvente en symbole de liberté.

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Demandez à qui vous voulez sur Internet de ce côté-ci du monde ce qu’est exactement cette drôle de grenouille verte aux yeux globuleux et au sourire espiègle, qui pullule sur les forums et dans les résultats Google Images, et vous aurez immédiatement droit à un avertissement : reste loin, très loin de Pepe la grenouille.

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Entre 2016 et 2017, l’innocent batracien inventé par Matt Furie il y a près de dix ans est devenu une icône monstrueuse, utilisée ad nauseam par la droite suprémaciste blanche américaine sur 4chan ou Reddit pour étaler sa puissance discriminatoire pendant la campagne présidentielle américaine.

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Intégrée à la liste des symboles de haine par la puissante Anti-Defamation League, une ONG américaine de lutte contre les discriminations, désignée infréquentable par Facebook puis métaphoriquement tuée par son créateur, Pepe l’antisémite coulait des jours tranquilles dans le purgatoire des mèmes. Et puis, raconte le New York Times ce 19 août, on l’a vu réapparaître sans prévenir, très loin de son étang habituel : dans les manifs hongkongaises, des slogans libéraux plein la bouche.

“Fighting Pepe”, la repentance graphique

Sur des affiches cartonnées, en pochoir peint à l’arrache sur des façades, sur des stickers à moitié collés, dans les messageries électroniques : de ce côté-là du monde, Pepe l’infâme est un rempart démocrate contre l’influence étouffante de Pékin. Mais alors, les Hongkongais seraient-ils des racistes par association ? Des sympathisants de l’alt-right ? Rien de tout cela, mais une histoire de relativisme culturel.

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Aussi étrange que cela puisse paraître dans un monde où l’information est mondiale et instantanée, les manifestants interrogés par le quotidien américain ignorent les connotations adossées au batracien et à son sourire sarcastique. Ils n’y voient, assurent-ils, que la mascotte pour enfants datée de l’univers MySpace. Quant à ceux qui savent, ils assument, et répètent que la réputation toxique du personnage n’a jamais atteint les rivages du Web hongkongais.

Résultat : sur Telegram ou Whatsapp, Pepe se rachète une morale en “Fighting Pepe“, casque de chantier sur le crâne, masque de street medic sur la bouche et col roulé de black bloc bien en évidence. Est-ce suffisant pour faire oublier la cohorte de casseroles qu’il traîne de notre côté du monde ? Pas sûr. Ici, le mal qui a été fait est irréparable. Mais à Hong Kong, Pepe la grenouille est restée tel qu’imaginée par son créateur : un personnage flegmatique, enfumé, qui défend ses idéaux pacifiquement. À tout le moins, il nous rappelle que la mondialisation culturelle n’a pas autant eu lieu que ce que l’on pourrait croire. Et puis après tout, les icônes aussi ont droit à une seconde chance.