On a discuté avec Pierre Puybaret, multiple champion de France de bûcheronnage sportif

Publié le par Emma Couffin,

Pierre Puybaret © STIHL TIMBERSPORTS

"Quand j’ai commencé, les Français étaient à la ramasse !"

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Le bûcheronnage sportif est considéré comme le “tout premier sport extrême”, selon Stihl Timbersports. Il s’agit d’une discipline disputée lors de compétitions internationales avec six épreuves, dont trois à la hache et trois à la scie : le springboard (hache à la verticale sur tremplin), le standing block chop (hache à la verticale), le underhand chop (hache à l’horizontale), le stock saw (tronçonneuse de série), le single buck (scie passe-partout) et, enfin, le hot saw (tronçonneuse de compétition).

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Pierre Puybaret est le Français le plus titré dans cette discipline. Entamant sa carrière en 2010, il se démarque tout particulièrement dans l’épreuve dite du passe-partout. Depuis, il enchaîne les championnats du monde, en équipe et en individuel. Six fois sacré champion de France, il est devenu la référence française dans un sport encore trop méconnu.

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Lors du championnat du monde individuel à Munich en octobre dernier, il finit premier en coupant un tronc à la scie godendard en seulement 11 secondes 58, sans aide, détrônant ainsi le néo-zélandais Jason Wynyard dans l’épreuve du passe-partout. “Il y avait un record établi à 9 secondes 39 par Jason Wynyard avec un assistant. Or, depuis deux ans, sur les championnats, ils ont enlevé les assistants, donc je suis devenu le nouveau recordman !”

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Origine(s)

Né à la fin du XIXe siècle entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le bûcheronnage sportif trouve son origine dans les différentes techniques d’abattage et de façonnage des arbres. Aujourd’hui, la discipline s’est étendue en Amérique du Nord puis en Europe. “Quand j’ai commencé, les Français étaient à la ramasse, on essayait de copier la gestuelle des maîtres de la discipline : les Néo-Zélandais et les Australiens. Chez eux, le bûcheronnage est une coutume, ça se transmet de père en fils”, déclare Pierre Puybaret.

Pour lui, tout a commencé un peu “par hasard”. Alors qu’il n’avait jamais entendu parler du bûcheronnage sportif, un de ses amis lui évoque sa passion pour la discipline, et Pierre, alors mécanicien agriculteur, voulut en faire de même : “Je lui ai dit : ‘Qu’est-ce que tu fais à couper des brindilles ?’ Puis finalement, je me suis pris au jeu. On s’est inscrits à plusieurs concours.”

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Passion

Désormais passionné, Pierre Puybaret doit concilier sa vie de champion de sport extrême à son quotidien de père, tout en occupant son poste d’agent de maintenance dans une centrale hydraulique. Pour lui, le bûcheronnage sportif n’est pas qu’un sport, c’est “une passion à part entière, un mode de vie”.

Pour autant, il reste lucide, car ce sport extrême ne s’adresse pas à tous : “La plupart des jeunes qui me contactent ont seulement 16 ans, ils ne réalisent pas qu’il faut faire des kilomètres pour s’entraîner. La motivation ne suffit pas. Les compétitions françaises sont en Savoie, la plupart du temps… Je pense que les jeunes de maintenant ont mieux à faire que de s’entraîner à l’autre bout de la France.”

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Une passion, mais pas un métier. Selon Pierre Puybaret, en 2010, seuls cinq bûcherons sportifs exerçaient en tant que professionnels. Aujourd’hui, il n’y en a plus aucun : “Les primes sont moindres, elles ne permettent pas aux sportifs d’en vivre.”

Préparation physique

Nécessitant de la discipline, de la force et beaucoup de vigilance, la préparation physique aux épreuves de bûcheronnage sportif se travaille tout au long de l’année, entre les championnats. Ainsi, pendant la saison creuse, de novembre à mai, “on fait toute notre préparation physique, et un mois avant la reprise de la compétition, on va taper un peu de bois pour refaire les muscles. La musculature change selon les épreuves, il faut reprendre une gestuelle, améliorer la technique”, déclare le champion. Ayant la chance d’habiter en haute montagne, Pierre s’entraîne en permanence : “Je fais du ski de rando, du vélo et de la course à pied.”

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Il se doit d’exceller, toutes épreuves confondues. “Au niveau mondial, ça se joue sur les six épreuves. Ce qui va me différencier des autres, c’est le cardio et le physique. Les épreuves durent entre 1 minute et 1 minute 30, c’est court mais c’est très intense, il faut de la bonne récupération.”

Compétition

Le bûcheronnage sportif, diffusé en France seulement sur la chaîne L’Équipe, est une discipline très médiatisée outre-Atlantique. La disposition scénique participe à donner au sport un aspect encore plus extravagant et périlleux : “Lors des compétitions internationales, il y a une grande scène, des jeux de lumière, c’est une vraie scène de spectacle. C’était impressionnant. Ce qui m’a perturbé c’est que, au lieu de se concentrer sur ce qu’on a à faire lors de l’épreuve, on a peur de blesser un caméraman ou un photographe !”

Quid des sportives ? En France, les compétitions internationales de bûcheronnage sportif féminin se font rares… “Les compétitions féminines existent depuis longtemps dans d’autres pays. En France, c’est la première fois que les compétitrices ont un calendrier pour cette saison ! C’est une autre mentalité par rapport aux compétitions masculines, elles sont dans l’entraide, elles vont s’encourager et se donner des conseils entre concurrentes, chose qu’on ne fait pas forcément côté hommes.”

Pour Pierre Puybaret, les prochains championnats auront lieu en Autriche, à Vienne, en mai prochain. Les adversaires seront, encore une fois, de taille : “L’Australien Brayden Meyer est indétrônable, c’est un compétiteur de taille depuis trois ans.” Tout se jouera sur l’ordre de passage, selon l’Isérois : “Si on tombe sur une tête de série dès le début, ça démoralise un peu.” On a plus qu’à croiser les doigts…