Comment je m’en sors sans Parcoursup

Publié le par La Zep,

© Getty Images

Quand les vœux de Soumaya ont été refusés, elle s’est retrouvée propulsée dans le monde adulte sans passer par la case études supérieures.

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Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.

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J’ai enfin le bac en poche et des rêves plein la tête. Adieu, mon insouciance et cette boule de stress liée à l’examen. Bonjour, le monde adulte, les responsabilités et la fatigue chronique. Parcoursup, notre bon ami. La guillotine est un jouet à côté de cette machine à destruction. On ne le présente plus, ce fabricant numéro 1 d’ados largués juste devant le Crous.

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Assez drôle de se dire que ce petit bout de système informatique détermine notre avenir… J’aurais tant aimé être prévenue de sa violence et du fait qu’il nous laisse totalement perdus une fois la tempête des admissions passée. Je suis l’aînée de ma famille, j’étais donc seule et sans repères, complètement larguée. Je n’ai jamais été bonne élève, j’étais particulièrement oisive et procrastinatrice. Il était évident que mes vœux de double licence, d’école de commerce et de BTS sélectifs allaient être refusés. À vrai dire, je les avais mis dans le seul but de remplir le formulaire.

Perdue dans l’après

L’été prend fin et me voilà donc… déscolarisée. À ce moment-là, je ne suis pas en panique, je suis persuadée que je vais vite remonter la pente. Je cherche une alternance : faut dire que la possibilité d’être payée pour aller à l’école, c’est vendeur. J’ai suivi les conseils de mon prof de marketing, je m’y suis prise des mois à l’avance (n’abusons pas de l’insouciance). Un, deux, trois mois, mais toujours RIEN.

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Les questions de mes parents commencent à se faire de plus en plus insistantes, et là, je réalise qu’une année scolaire s’est écoulée, une année à ne rien faire de concret. Je n’ai pas renouvelé mes vœux Parcoursup car, en plus de ne plus être prioritaire (donc totalement découragée), je suis toujours portée par mon espoir de trouver une alternance.

Une mission d’intérim par-ci, un remplacement par-là, histoire de me faire un peu d’argent. Je suis devenue une charge pour mes parents. Jusqu’ici, je me suis autorisée à refuser certains jobs car trop chronophages, mais là, plus le choix. Me voilà donc dans le fameux monde du travail, et pour le coup en CDI. Eh oui, le vice de l’argent et le besoin m’ont eue. À ce moment-là, je ne le sais pas, mais je suis foutue. Ma nouvelle routine, c’est métro-boulot-dodo. Une première expérience de travail concrète dans le ménage, la deuxième en fast-food, et la dernière ? Autant qu’elle finisse dans un cimetière franchement.

L’alternance comme lueur d’espoir

Janvier 2021, une lueur d’espoir lorsque mon CFA m’appelle pour m’annoncer qu’ils ont enfin trouvé une entreprise pour mon alternance. En entendant le nom, je suis sceptique. Je ne vois pas ce qu’un fast-food peut m’offrir professionnellement. Tant pis, j’ai trop galéré à trouver. Cette expérience est affreuse. Je travaille à une heure et trente minutes de chez moi, les journées sont énormes (de 12 heures à 22 heures) avec des pauses inutilement longues qui cassent la journée. Exemple : début de shift à 12 heures (donc levée à 10 heures), puis pause de 15 heures à 18 heures, et fin de journée à 22 heures. J’arrive à la maison entre 23 heures et minuit. Le temps de faire ce qu’il faut et de réussir à m’endormir, mes nuits sont à peine plus longues qu’une story Insta.

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Santé fragilisée, sommeil décalé, dérèglement hormonal, et tout ça pour être sous-payée. Franchement, je n’en peux plus. Faut le dire, l’alternance, ce n’est pas le contrat le plus avantageux du monde, tu fais un boulot monstre pour 500 à 700 euros. J’ai l’impression de perdre mon temps et je finis par croire que je n’ai plus aucune chance de reprendre les cours. Là, c’en est trop, j’abandonne. Abandon de poste. Je préfère largement une vie de chômage et de précarité à ça, pauvre mais en bonne santé (on dirait que l’insouciance ne m’a toujours pas lâchée). Pas question de retravailler ; bonjour, l’année sabbatique, les grasses mat’ et les journées en pyjama à me gratter les fesses devant Netflix…

Prendre du recul pour mieux rebondir

Une année s’est encore écoulée. Nous sommes en 2022 et je pense qu’il est temps de reprendre un cursus, quel qu’il soit. Formation, école, fac… mais ne me parlez plus d’alternance, pitié ! Avec du recul, ces années ont été utiles et formatrices. Je ne m’en rendais pas compte, mais j’ai acquis maturité et sens de l’organisation. Aujourd’hui, je survis avec quelques humbles aides, mais j’ai enfin un objectif et une raison de me lever, et ça, ça change vraiment tout. À vrai dire, avant, je ne savais même pas ce que je voulais réellement.

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Si je reprends mes études, ce sera en sachant qui je suis, où je vais et, surtout, en étant consciente du poids d’un travail régulier. L’ado indisciplinée et sans assiduité que j’étais a disparu.

Soumaya, 22 ans, en reprise d’études, Paris