Décidément, personne ne fait du rap comme Triplego

Publié le par Brice Miclet,

© Brice Miclet

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Leurs derniers projets : le long EP 2020 sorti l’an dernier – à l’occasion duquel on s’était baladé avec eux à Montreuil – et l’EP, plus concis, Eau Max, sorti en 2016, leur ont assuré une fanbase fidèle, leurs “potogos” comme ils les appellent.

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Leur dernier né, #EnAttendantMachakil, toujours sous le signe du talent, nous a poussés à les rencontrer de nouveau pour poursuivre la conversation.

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Coupe du monde 2018

Leur ville natale, Montreuil, est presque coupée en deux entre le haut et le bas de ville, entre la partie HLM et la partie gentrifiée. La limite entre les deux se situe quelque part près de la mairie de Montreuil, avec sa belle esplanade et le cinéma Georges Méliès, très moderne. Le temps d’échanger avec Sanguee, rappeur, et MoMo Spazz, producteur, sur la vivacité des scènes rap marocaine, italienne, hollandaise… On a bien sûr en tête leur propre musique, très visuelle, esthétique, sombre et que personne d’autre ne fait en France. Tout simplement. Mais très vite, la discussion dévie sur le foot.

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Il faut dire que Sanguee a des origines marocaines et MoMo Spazz égyptiennes. Les deux pays sont été qualifiés pour la Coupe du monde de football 2018. Ça n’est pas rien. Résultat, le premier titre de #EnAttendantMachakil se nomme “#MarocEgypte2018”. Si le foot est présent dans le texte, le propos est ailleurs : “Le titre parle de conquête, de quête de soi, le foot est une métaphore“, explique MoMoSpazz, le plus footeux des deux. D’ailleurs, alors que tout l’EP est en langue française, ce premier titre s’ouvre par la voix de Sanguee chantant en darija (arabe dialectal). C’était déjà le cas sur le premier morceau d’Eau Max, intitulé “Sahara”, et sur celui de 2020, le superbe 50. “Machakil” signifie “les problèmes” en darija. Le rappeur explique :

“Je trouve que c’est une bonne façon d’introduire notre univers, d’annoncer ce qui va arriver par la suite. C’est un peu une signature, les meilleures intros possibles. Ça permet de mettre en avant ces musiques qui nous tiennent à cœur, et d’essayer, sans prétention, de faire avancer la musique orientale vers un autre univers que ce qu’on lui connaît.”

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Les narvalos

À l’évocation de l’un des meilleurs titres de leur nouveau projet, Medellín, la conversation bascule sur la ville de Montreuil et sa complexité. Car ça n’est pas Pablo Escobar, homme le plus fameux de la cité colombienne, qui est la source d’inspiration de ce morceau : “Escobar est devenu une référence pop, mais pas pour nous, explique Sanguee, rappeur. C’est plutôt la ville de Medellín elle-même qui nous inspire, l’aspect favelas.” MoMo Spazz continue : “Même notre cité, à Montreuil, quand il fait beau, a des allures de favela. Tout le monde est torse nu, il fait chaud… On se reconnaît dans cette image. Comme Montreuil, Medellín est une ville paisible, mais avec ses vices.

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On ressent Montreuil dans leur musique, et ça n’est pas nouveau. Leur titre Cali, sorti en 2017 en featuring avec un autre rappeur local, Prince Waly, était une ode à la ville. Aujourd’hui, sur Ma Potogo, on entend Sanguee prononcer le mot “narvalo” : “Si tu suis une discussion entre nous, on va dire ‘narvalo’ quinze fois par phrase. Tout le monde le dit ici, c’est le terme qui définit les Montreuillois de base. On emploie beaucoup de mots gitans, les mots en ‘-ave’ aussi. C’est le dialecte montreuillois. Ici, on a de grosses personnalités, c’est une ville très décomplexée. On grandit avec Paris juste à côté, on connaît donc le haut et le bas. Dans des banlieues plus lointaines, il n’y a pas cette proximité avec Paris. On a un langage à nous, on est chauvins, et l’identité est très marquée.”

MoMo Spazz ajoute : “La communauté gitane fait partie intégrante de la culture de Montreuil. Ils ont leur mode de vie, mais ils font partie de l’histoire de la ville. On a grandi avec des Gitans, depuis l’école primaire. C’est comme les arbres, ils sont plantés là, et on vit tous très bien.

Montreuil arrive

Machakil sera leur prochain projet. Ils ne s’épanchent pas trop sur le sujet pour le moment, mais #EnAttendantMachakil est une manière de faire patienter leur public en attente de cette plus grosse sortie. Il y a largement de quoi attendre : les très bons titres “Connect”, “Internet”, “Medellín” et “#MarocEgypte2018”, mais aussi “Vakesso”, produit par le beatmaker Myth Syzer, l’un des boss en son domaine actuellement. La rencontre entre le groupe et lui s’est faite au Maroc via Ikaz Boi.

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Il n’est d’ailleurs pas le seul producteur invité à distiller ses prods sur le projet. Faire appel à d’autres faiseurs d’instrus fait aussi grandement évoluer leur son, sans le dénaturer : “Après 2020, on a voulu continuer à faire ce qu’on fait mais avec de nouvelles skills, raconte MoMo Spazz. On écoute beaucoup de sons, on vit beaucoup de choses, on évolue en tant qu’hommes, et ça se ressent dans la musique.

Sanguee le promet, on entendra de plus en plus le rap montreuillois dans les années à venir : “Ça va changer bientôt. Dans nos quartiers, tous les rappeurs sont réveillés. Et puis il y a la nouvelle génération, les petits, qui commencent à prendre la relève. Il y a beaucoup de talent, et dans plusieurs genres de rap différents. Les rappeurs qui percent tirent les autres vers le haut, c’est logique. Pour l’instant, la scène rap de Montreuil n’est pas représentative de ce qu’il se passe ici. Ceux qui sont mis en avant ne sont pas représentatifs de ce lifestyle. Il y a la partie gentrifiée, et celle des HLM, des blocks. C’est dans la deuxième qu’il y a du rap de fou. C’est une question de temps, d’organisation, de structures, d’apprendre à faire des clips etc. Mais ça change.

Triplego maîtrise déjà tout cela, et il n’est pas étonnant de les voir grandir. Tranquillement, certes, mais sûrement. Et vu #EnAttendantMachakil, on a hâte d’entendre Machakil. Il se murmure que ça arrivera en 2018… En tout cas, le mot de la fin est pour MoMo Spazz : “Allez le Maroc et l’Égypte 2018 ! On va le faire.