L’Événement, un film nécessaire à ne pas manquer

Publié le par Lucille Bion,

Audrey Diwan signe un film fort (et politique) sur un avortement clandestin.

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Elle a été journaliste, éditrice, scénariste et s’impose désormais comme l’une des réalisatrices les plus prometteuse des années à venir. La Franco-Libanaise Audrey Diwan vient de sortir en salles son deuxième film, L’Événement, ce mercredi 24 novembre et il n’y a rien de plus fort à l’affiche cette semaine. 

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Auréolée d’un Lion d’or à Venise à la rentrée, la cinéaste propose un film cru, une expérience visuelle inoubliable. Son héroïne, une élève brillante et très indépendante, s’enferme dans le mutisme lorsqu’elle apprend qu’elle est tombée enceinte, à quelques semaines des examens de fin d’année. Nous sommes en 1963, dans une France où la loi Veil n’est pas passée, où le Manifeste des 343 n’est pas publié, où la légalisation de la pilule contraceptive arrivera dans quatre ans. 

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Ce combat romancé et incarné par la merveilleuse Anamaria Vartolomei s’inspire en réalité de l’épreuve traversée par Annie Ernaux, lorsqu’elle avait 23 ans. Alors étudiante à Rouen, la future écrivaine voit sa vie bouleversée. Elle tient un journal qui l’accompagnera tout au long de cet événement, et décidera plus tard d’en faire un roman, publié en 2000. C’est cette histoire qu’a décidé d’adapter Audrey Diwan. 

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Une question de survie

Connue pour avoir réalisé Mais vous êtes fous, Audrey Diwan délaisse les crises de couple sur fond de cocaïne pour s’emparer d’un sujet politique qui fait tristement écho à une réalité encore largement prégnante à l’échelle internationale.

Près de cinquante ans après que la Cour suprême a reconnu le droit des Américaines à interrompre leur grossesse, l’avortement reste un sujet très délicat aux États-Unis, comme on a pu le voir récemment au Texas. En septembre, une loi est entrée en vigueur, qui interdit d’avorter une fois que les battements de cœur de l’embryon sont détectés – soit vers environ (seulement) six semaines de grossesse. Une mesure qui s’applique également dans les cas de viol et d’inceste. Dans la foulée, l’actrice Uma Thurman avait courageusement pris la parole pour raconter son avortement lorsqu’elle avait 20 ans. 

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Mais il n’y a pas que sous le soleil texan que l’IVG est proscrite. Au début du mois de novembre, des dizaines de milliers de Polonais sont descendus dans la rue après la mort d’une femme enceinte, victime de la législation en vigueur depuis le début d’année qui interdit pratiquement tout avortement, selon les ONG de défense des droits des femmes. Ce pays, majoritairement catholique, possède une des lois les plus restrictives en matière d’avortement en Europe. Les organisations féministes affirment qu’environ 200 000 IVG sont réalisées illégalement ou à l’étranger chaque année.

Avec L’Événement, Audrey Diwan montre que choisir ou non de mener à terme sa grossesse, c’est aussi une question de survie et un acte de résistance. Cette tragédie sociale concentre divers enjeux de société, du féminisme à la représentation d’une jeunesse au sommet. 

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La loi et les femmes

Anne et ses amis mènent une vie d’adolescentes plutôt banale, évoquant la révision des déclinaisons latines ou leurs premières expériences sexuelles. La cinéaste filme les déambulations de son héroïne en format 1.37, rendant son parcours bien plus intimiste pour le public. Grâce à ce parti pris, le processus d’identification opère. Ses angoisses, son sentiment d’abandon, sa détresse, sa douleur… C’est avec les mains moites, le cœur qui bat fort et les jambes sciées que l’on quitte la salle, après ce combat intérieur d’1 h 40. 

La cinéaste a invité sur son plateau une bande de filles brillantes, d’Anamaria Vartolomei, pressentie pour décrocher le César du Meilleur espoir féminin, à Luàna Bajrami découverte en tant qu’actrice dans Portrait de la jeune fille en feu et en tant que réalisatrice sur la Croisette avec La Colline où rugissent les lionnes. En pointant les limites de la sororité dans une société conservatrice, Audrey Diwan dénonce également un système patriarcal où les lois sont pensées par des hommes pour la santé des femmes… et leur liberté. 

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Lorsque la jeune fille tente de se tourner vers un médecin pour abréger ses souffrances et poursuivre son éducation, elle se retrouve face à une équipe soignante composée d’hommes qui menacent de la dénoncer, quand ils ne songent pas à lui prodiguer des médicaments renforçant la viabilité de l’embryon. Seule, face aux médisances de ses proches, à la passivité de son amour d’été qui l’a mise enceinte et au jugement des docteurs, l’héroïne tente d’abattre toutes ses cartes pour avorter. Mais plus les jours passent, plus l’espoir de se débarrasser de ce ventre rond disparaît. 

Par son récit haletant et son sujet sensible, L’Événement était l’un des films les plus attendus de cette fin d’année, faisant rayonner un peu plus le cinéma français à l’international. Si Audrey Diwan était en lice pour représenter la France à l’Oscar du Meilleur film étranger, c’est un film tout aussi audacieux qui lui est passé devant, à savoir Titane, qui a décroché la Palme d’or à Cannes cette année. Si l’industrie en doutait encore, il est clair que 2021 sera un grand cru pour les réalisatrices françaises, et L’Événement est à la hauteur d’un millésime qu’on n’oubliera pas de sitôt.