Jean-Pierre Jeunet accuse Guillermo Del Toro de l’avoir plagié

Publié le par Arthur Cios,

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La frontière entre l’inspiration et la copie est souvent ténue. Ce qui constitue pour certains du plagiat sera vu par d’autres comme un hommage, voire comme un heureux hasard. La distinction n’est pas évidente.

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Quand Bruno Mars a nié avoir pompé Breakbot et son tube interplanétaire “Baby I’m Yours”, nous étions face à de la mauvaise foi. Mais ici, l’affaire est un peu différente.

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Interviewé par Ouest-France, notre Jean-Pierre Jeunet national, dont la filmographie a de quoi faire des envieux − La Cité des enfants perdus, Alien 4, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Un long dimanche de fiançailles, etc. −, explique ainsi avoir vu de grosses similitudes entre le prochain Guillermo Del Toro, le sublime La Forme de l’eau, et son premier film, Delicatessen, citant deux scènes en particulier.

La première est une courte scène de danse dans laquelle la protagoniste et son meilleur ami sont assis sur un canapé. Au fil de leur discussion, regardant à la télévision ce qui semble être une comédie musicale muette, ils entament une petite chorégraphie avec leurs jambes. Pour le réalisateur français, cela ressemble bien trop à la scène où Louison (Dominique Pinon) vient tester le sommier du boucher aux côtés de Mademoiselle Plusse (Karin Viard).

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Jean-Pierre Jeunet explique au journal avoir échangé avec Guillermo Del Toro à ce sujet :

“Je lui ai dit : ‘Tu as beaucoup d’imagination, beaucoup de talent. Pourquoi aller piquer les idées des autres ?’ […] Il m’a répondu : ‘On doit tout à Terry Gilliam.’ Selon lui, il ne vole rien aux autres, c’est Terry Gilliam qui nous a tous influencés. Mais bien sûr.

Quand il pique la scène du couple assis au bord du lit qui danse avec les pieds, avec la comédie musicale en arrière-plan à la télé, c’est tellement copié-collé de Delicatessen qu’il y a un moment où je me dis qu’il manque d’amour-propre.”

On vous laisse juger par vous-même :

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Alors oui, on trouve deux personnes assises côte à côte, sur le rebord d’un matelas, avec une télé en fond, qui bougent en harmonie. Mais c’est à peu près tout.

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D’un côté, on a une femme muette dont on explore toujours plus l’amour profond pour la musique et la danse, le tout à travers des séquences qui sont de véritables déclarations d’amour au septième art. De l’autre, une séquence censée être un peu drôle pour alléger le ton grave et la menace qui pèse sur la tête de Louison, toujours à deux doigts d’être charcuté par le boucher. Deux tons différents, deux scènes franchement différentes, amenant à tout autre chose. Bref, pas vraiment du plagiat selon nous.

Jean-Pierre Jeunet a trouvé d’autres similitudes avec son travail, comme la salle de bains inondée, ou, de manière plus discrète, le début du film avec Amélie Poulain : “Effectivement, il y a un petit côté au début avec le peintre, l’appartement, la jeune fille un peu candide.”

S’il est vrai que dans les teintes, la photographie et l’univers, il y a définitivement quelque chose de Jeunet dans le film de Del Toro, il est difficile de parler de plagiat à proprement parler − surtout qu’il s’agit probablement du long-métrage le plus intime et le plus beau que le cinéaste mexicain ait signé jusque-là.

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Heureusement, le Français met un peu d’eau dans son vin, en reconnaissant avoir déjà lui-même emprunté des scènes : “La salle de bains de Delicatessen, elle était déjà dans un vieux Laurel et Hardy. Je ne l’ai réalisé que des années plus tard en le voyant. Donc Guillermo pourrait très bien dire que ça vient de là.”

Mais surtout, le réalisateur ne souhaite pas aller plus loin dans ses accusations :

“Maintenant, je n’en fais pas non plus un caca nerveux, parce qu’il vaut mieux être piqué qu’ignoré. Je ne vais quand même pas attaquer pour plagiat, ce n’est pas mon esprit.”