“Je ne fais pas de cinéma parce que je suis homosexuelle” : pourquoi Muriel Robin a raison

Publié le par Flavio Sillitti,

© France Televisions

Invitée de l’émission Quelle époque !, l’actrice et humoriste Muriel Robin s’est livrée sur le rejet du monde du cinéma pour les personnes publiquement homosexuelles.

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“Mais on est à l’ancien temps !” se défend Muriel Robin, actrice et humoriste française bien connue du grand public, lorsque l’on tente de minimiser son propos sur le plateau de l’émission Quelle époque ! sur France 2. Ce propos, c’est celui de l’impossibilité de sa carrière au cinéma du fait d’être “la seule actrice au monde à dire son homosexualité”, comme elle le martèle sur le plateau de Léa Salamé.

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Un discours qui fait réagir et qui donne de la profondeur à un débat souvent stérile, avec des arguments que l’on sent réfléchis et ruminés durant de longues années. Des “mots forts” que Muriel Robin sélectionne soigneusement “pour bien comprendre de quoi on parle” et qui traduisent l’importance de cette prise de parole pour elle, l’urgence d’être entendue, mais aussi une certaine douleur, qu’elle dit apaisée mais qu’elle souhaite éviter à la jeunesse homosexuelle qui aspire à faire carrière dans le cinéma.

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Les risques du coming out

Alors, bien sûr, une simple recherche Google vous apprendra que non, Muriel Robin n’est pas la seule actrice homosexuelle du monde. Léa Salamé s’empresse d’ailleurs de lui rappeler la carrière prolifique de Jodie Foster, actrice américaine emblématique dont l’identité sexuelle a été rendue publique en 2013 à travers un discours mémorable aux Golden Globes. Mais cet exemple sert justement d’argument fort au propos de Muriel Robin : Jodie Foster fait son coming out à 50 ans, après quarante-trois ans de carrière, dont une trentaine durant lesquels elle a toujours évité d’aborder cet aspect privé de sa vie, moins par souci d’intimité que de sécurité.

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Ailleurs, d’autres noms apparaîtront sans doute dans votre recherche, à l’instar de Sarah Paulson ou Neil Patrick Harris, mais force est de constater que depuis leurs coming out respectifs, les deux figures hollywoodiennes ont été privées de premiers rôles au cinéma ou se sont retrouvées cantonnées à des rôles queers et/ou dans des productions de réalisateurs queers, comme Ryan Murphy, dont Sarah Paulson est la muse dans American Horror Story, par exemple.

À ce propos, Muriel Robin partage :

“Je connais les acteurs homos français. Ils se taisent sinon on ne leur mettra plus jamais une femme dans les bras. Citez-moi un acteur ou une actrice [homosexuel·le, ndlr] qui fait une grande carrière, y en a pas !”

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Dans un retweet de la séquence, l’humoriste français Tristan Lopin déplore d’ailleurs le fait qu’on lui ait à plusieurs reprises reproché le fait d’être “trop identifié gay”. Car le coming out public, comme l’argumente avec ferveur Muriel Robin, n’est pas dénué de risque. L’actrice française cite d’ailleurs Jodie Foster qui, au moment de s’ouvrir publiquement sur son homosexualité, déclarait :

“Tant pis si mes films ne sortent plus dans 3 000 salles, mais je vais pouvoir vivre mon amour au grand jour.”

Et ce risque serait bien réel. En saisissant l’exemple d’Ellen DeGeneres, présentatrice star d’un talk-show à son nom, Muriel Robin rappelle que cette figure de la télévision américaine était l’héroïne d’une sitcom aujourd’hui méconnue intitulée Ellen. Après qu’elle a fait son coming out en 1997, la série a perdu en popularité et s’est arrêtée une saison plus tard. L’actrice s’est alors vue privée d’apparition sur petit ou grand écran, se tournant donc vers le format talk-show – avec succès.

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Mais alors, qu’est-ce qui empêche les personnes publiquement homosexuelles d’être sollicitées au cinéma ?

“Si on est homosexuels, on n’est pas désirables”

Là où la plupart des débats sur le sujet s’arrêtent au constat affligeant, Muriel Robin ouvre une nouvelle dimension qui donne de la substance à son propos : les homosexuels ne sont pas “pénétrables”. Par cela, il faut comprendre que les homosexuels ne correspondent plus au désir hétéronormé qui transcende encore le monde du cinéma : les femmes doivent rester désirables pour les hommes qui les regardent, et vice versa. Sauf qu’une femme homosexuelle n’est pas pénétrable, “et quand on n’est pas pénétrables dans cette société et dans le cinéma, on ne vaut rien”, avance Muriel Robin.

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Le cas de Kristen Stewart est relevé dans sa prise de parole, attestant de la désirabilité de l’héroïne de la saga Twilight, aujourd’hui ouvertement bisexuelle, mais qui s’est fait connaître dans le cadre d’un couple star hétérosexuel avec la vedette Robert Pattinson. “Donc elle a le tampon ‘hétérosexuelle’, et son homosexualité est un peu sexy, un peu rock”, et donc toujours désirable. Kristen Stewart reste désirable, pénétrable, du fait qu’on l’a d’abord connue “hétérosexuelle”.

“Ce n’est pas la peine qu’ils fassent ce métier, ils ne travailleront pas”

“J’ai pleuré tous les jours toutes les larmes de mon corps”, confie Muriel Robin, revenant sur ses trente années de carrière, après une formation distinguée au cours Florent, durant lesquelles l’actrice ne s’est vu proposer que trop peu de partitions au cinéma. “Est-ce que vous m’avez vue [dans un film] ? Je sais dans combien de comédies j’ai été : deux. J’ai reçu huit [propositions] en trente ans.”

Muriel Robin se dit aujourd’hui “tranquille”, bien que l’émotion qui se dégage de sa prise de parole semble tout de même exprimer une certaine révolte – à juste titre. Une révolte qui se traduit notamment par une conclusion défaitiste et réaliste, conseillant aux jeunes générations de prendre conscience de l’hostilité du monde du cinéma envers les personnes homosexuelles.

“Il faut que les producteurs, les réalisateurs, les actrices, […] disent [aux jeunes acteurs homosexuels que] ce n’est pas la peine qu’ils fassent ce métier, ils ne travailleront pas.”

Un décryptage intéressant de l’utilisatrice X/Twitter @SoldatLouise va plus loin et énumère les nombreuses raisons qui nous poussent à croire que tout ce que Muriel Robin a dénoncé sur le plateau de Quelle époque ! est tristement fondé, d’une vérité aussi déplorable qu’essentielle à pointer du doigt.