“Damn” sortait il y a 5 ans : 5 choses à savoir sur l’album de Kendrick Lamar

Publié le par Hong-Kyung Kang,

Le classique du rappeur, qui peut s’écouter dans les deux sens, fête déjà ses 5 ans… et on ne s’en lasse toujours pas.

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Damn, le quatrième album studio de Kendrick Lamar, célèbre déjà ses cinq ans. La sortie de ce monument du hip-hop, qui n’a jamais quitté nos playlists, semble dater d’hier, tant les morceaux qu’il contient continuent de marquer notre esprit, d’une nouvelle manière à chaque écoute. À travers ce projet grandiose, qui a été certifié trois fois disque de platine, K-Dot démontre une nouvelle fois sa capacité à se renouveler en tant qu’artiste, et confirme qu’il est peut-être le rappeur le plus influent de son époque.

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Si certains détracteurs reprochent un manque de profondeur au projet, Damn n’en reste pas moins fascinant, en servant un propos complexe dans son apparente simplicité. Un album intime, qui nous livre le cheminement de Kendrick Lamar vers une forme d’ataraxie, qui ne lui est pas permise par ses démons. On vous propose de revivre ce voyage spirituel, à travers cinq faits marquants autour de ce chef-d’œuvre.

1. Des morceaux enregistrés pendant To Pimp a Butterfly

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Une preuve que Kendrick Lamar est un vrai stratège qui sait réfléchir sa musique. Alors que l’écriture de son précédent album studio, le flamboyant To Pimp a Butterfly (2015), n’était pas encore terminée, le rappeur de Compton esquissait donc déjà la suite. En 2016, un an après la sortie de ce troisième projet studio, K-Dot dévoilait Untitled Unmastered, un disque mystérieux composé de huit chutes de studio, rappelant ainsi au monde entier qu’il ne s’enfermait dans aucun format prévisible.

Le parcours de Kendrick Lamar montre que si ces albums suivent une direction artistique à chaque fois différente tant dans le fond que dans la forme, chacun de ses projets s’inscrit avec cohérence dans sa discographie, et occupe la place qui lui est échue.

2. Le clip “Element” est inspiré du travail de Gordon Parks

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Kendrick Lamar sait que pour marquer son époque, il doit s’inspirer de ce qui est fait de meilleur. Outre sa musique, le rappeur accorde une attention toute particulière à son univers esthétique, en construisant un monde qui lui est propre, profondément imprégné par la culture. Le clip du titre “Element”, notamment, réalisé par Jonas Lindstroem et The Little Homies, rend un hommage vibrant au travail du photographe Gordon Parks.

Les plans de la vidéo sont travaillés comme de véritables tableaux, magnifiés par une photographie impeccable. Une violence qui n’est rendue esthétique que par son premier degré total, et qui dénonce les conditions des quartiers populaires occupés en masse par la communauté afro-américaine. Comme Gordon Parks le fait si bien à travers ses clichés, Kendrick Lamar offre une réalité implacable, dont l’existence suffit à déranger les esprits.

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Et c’est un cercle artistique vertueux qui est complété. En effet, le clip de “Element” a inspiré à son tour la Fondation Gordon Parks, qui a organisé une exposition photographique portant le même nom que la chanson, qui s’est tenue entre juin 2017 et février 2018 à New York. Plusieurs images dressant le portrait de l’Amérique noire ont donc pu être admirées à cette occasion.

3. La naissance de Kung Fu Kenny

Si le rappeur avait auparavant pour habitude de se faire surnommer “K-Dot”, c’est désormais sous le nom de “Kung Fu Kenny” qu’il se présente à son public. Une référence évidente au personnage du même nom du film Rush Hour 2. Kendrick Lamar a même invité Don Cheadle, l’acteur du personnage, dans le clip de son morceau “DNA”.

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Kendrick Lamar s’inspire fortement de l’esthétique des films d’arts martiaux hongkongais, qu’il reproduit jusque dans ses tenues et sa scénographie. En effet, le rappeur s’est même livré à des représentations de combats lors de ses concerts. Kung Fu Kenny est un personnage surprenant, qui peut paraître loufoque de prime abord, mais qui résume bien le nouvel état d’esprit du rappeur. Une identité déplacée de son contexte et de son époque, que Kendrick embrasse pour devenir invincible face à ses démons.

4. Kendrick Lamar raconte comment son père a failli être tué

Une histoire folle qui aurait pu changer l’existence du rappeur de Compton. Ce dernier raconte comment Anthony Tiffith, fondateur de TDE, a failli assassiner son père, dans le titre “DUCKWORTH” (intitulé ainsi à partir du nom de famille du père de Kendrick), qui conclut l’album. À travers des rimes toujours aussi acerbes, K-Dot nous narre comment Top Dawg (Tiffith) a braqué le Mac Donald dans lequel travaillait Ducky (son père).

Heureusement, alors même qu’il avait une arme pointée sur lui, Ducky a su gérer la situation avec calme, ce qui lui permit de garder la vie sauve. Kendrick Lamar décrit ainsi la situation :

“Ducky était au courant, ils avaient volé le manager et tiré sur un client l’année passée/Il s’est dit qu’il amadouerait ces N*ggas en leur offrant du poulet à chaque fois qu’Anthony ferait la queue/Deux biscuits en plus, Anthony l’apprécia et le laissa tranquille/Ils ne l’ont pas tué, en fait ils avaient l’air d’être les derniers à survivre”

Un drame horrible qui a donc été évité de justesse. Un événement qui rappelle à tous que le destin ne s’embarrasse jamais de rien, et se montre souvent ironique et cruel. Que se serait-il passé si Anthony Tiffith avait mis fin aux jours du père de Kendrick ? L’existence de Kung Fu Kenny aurait sûrement été drastiquement différente, et le monde n’aurait peut-être pas eu la chance d’apprécier l’œuvre d’un tel artiste.

5. L’album est une quête qui peut s’écouter dans les deux sens

Damn est considéré par beaucoup comme trop simpliste dans la forme et dans le fond, par rapport aux deux albums précédents de Kendrick Lamar. Pour cause, le rappeur avait habitué son public à des œuvres beaucoup plus engagées politiquement, et avec l’élection de Donald Trump qui avait eu lieu peu auparavant, les fans attendaient de l’artiste qu’il balaie le monde de son regard toujours aussi critique.

Et pourtant, s’il reprend bien des thématiques sociales qui lui sont chères, comme la condition des Afro-Américains, la lutte que mène Kendrick Lamar dans Damn semble d’une tout autre nature. L’album s’ouvre sur un prélude dans lequel le rappeur nous explique qu’il a perdu la composante la plus fondamentale de son identité : sa vie. Kendrick reprend le mythe du juif errant qui, ayant perdu la mort, ne peut plus perdre la vie. À l’instar de ce personnage légendaire, Lamar est condamné à errer, avec ses pensées comme seules compagnes.

Et c’est ce cheminement dans sa conscience que le rappeur nous invite à suivre. Un voyage parfois tortueux, lors duquel K-Dot subit à nouveau toutes les injustices dues à sa condition d’Afro-Américain. Or cette fois, l’artiste essaie de s’en détacher, et tend vers la spiritualité, à travers des titres très introspectifs comme “Feel”, “Lust” ou “Fear”, pour aboutir à une spiritualité complète en la présence de Dieu, dans le morceau “God”.

Si le propos de Damn ne semble pas aussi engagé que celui de To Pimp a Butterfly, et moins organisé que dans Good Kid, M.A.A.D City, il n’en reste pas moins profondément intime et sincère. Pour échapper à ses démons, Kendrick Lamar essaie de s’affranchir de son mal-être, afin que la souffrance cesse enfin à travers la spiritualité. Tout l’album retrace la quête de l’artiste vers l’ataraxie… une quête que l’on peut vivre dans les deux sens, en écoutant l’album du dernier morceau au premier pour une deuxième lecture qui fait sens. Pour toutes ces raisons, Damn pourrait bien être le meilleur album de Kendrick Lamar.

Article publié le 15 avril 2020 et mis à jour le 15 avril 2022.