Comment survivre à la mort de nos proches ? Quand les objets cicatrisent la douleur du deuil

Publié le par Lise Lanot,

© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman

Chemise élimée, bracelet, brosse à cheveux… Depuis dix ans, Jody Servon et Lorene Delany-Ullman documentent les objets de personnes décédées conservés par leurs proches.

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Avez-vous déjà retenu vos larmes face à un yaourt abandonné dans le frigo d’un·e proche décédé·e, dont la date de péremption dépasse la durée de son existence ? Étouffé un pleur face au tissu élimé d’un vêtement ayant appartenu à un parent disparu ? Si oui, la lecture de Saved: Objects of the Dead devrait vous toucher dès les premières pages. Sinon, l’accumulation des images et témoignages rassemblés par l’artiste Jody Servon et l’autrice Lorene Delany-Ullman devrait tirer quelques émotions aux plus récalcitrant·e·s.

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Depuis plus de dix ans, la première immortalise des objets ayant appartenu à des personnes décédées et conservés par leurs proches. À partir de ces images, la seconde rédige de courts poèmes en prose, inspirés des confidences des proches en question. Le duo a rassemblé ces objets et mots afin de donner corps au deuil et de rappeler que ce dernier peut aussi être empreint de nostalgie et de joie. De plus, rappelle la maison Artsuite, qui édite le livre, l’ouvrage rappelle que “les possessions matérielles aident à abriter les souvenirs”.

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La brosse d’Alan. C’était dans ses gènes : Alan avait des bons cheveux. Il ne quittait jamais chez lui sans ses cheveux brossés et laqués. Sa femme, Grace, affirme qu’il avait sa brosse depuis plus longtemps qu’il ne la connaissait elle, plus de 25 ans. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)

Ces récits visent également à renverser l’idée occidentale selon laquelle le deuil se vit seul·e. Le partage de souvenirs est généreux et instructif, plus que tire-larmes. Prise individuellement, chaque image serait potentiellement trop dure à soutenir mais, collectivement, elles partagent plutôt un message d’espoir, une lumière qui rappelle que, si deuil il y a, c’est bien parce qu’il y a toujours de la vie.

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La chemise de scout de papa. Un scout est propre : au dernier lavage, un écusson est tombé, le tissu s’est effiloché. Plus elle le porte et le lave, plus il se désagrège. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
Le bracelet porte-bonheur de maman. Un bracelet porte-bonheur est un mélange de choristes, de voix d’enfants. Un cliquetis de bijou. Les premiers étaient faits en os ou en coquillage. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
La passoire de Toosa. Cette humble passoire, ses trous en forme de diamant – c’est cet objet du quotidien que l’arrière-petite-nièce de Toosa chérit plus que toute autre chose jamais achetée à la Chicago World’s Fair. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)

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Le diplôme de Mo. Ensemble, mère et fille ramassaient et écossaient des pois ; la fraîcheur des pois représentait une bénédiction dans la chaleur floridienne. Mo réutilisait des collants et des sacs de congélation, refusait d’acheter du savon liquide. Gâcher était l’équivalent de briser un des Commandements. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
Les fourchettes de Vati. Il n’a jamais parlé des fourchettes que son fils a trouvées dans son appartement bavarois, bien qu’il fût très bavard. Maintenant, elles ne sont plus aussi brillantes qu’avant. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
Les lampes de Gunga. Blair aimait faire danser les lampes, faisait s’enlacer les couples apprêtés, le ménage à quatre s’amusait dans son imagination. Elle faisait très attention à la porcelaine vernie, les accents dorés peints à la main, leurs visages délicats. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)

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La jambe de papa. Papa trouvait différentes utilisations pour sa jambe. Au parc, elle se transformait en oreiller tandis qu’il faisait la sieste à l’ombre d’un arbre, une mousse douce sous sa tête. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
Le scapulaire de maman. Maman était obsédée par les visions de la Vierge ; elle conduisait notre famille jusqu’à Nancy Fowler, une femme qui voyait des apparitions de la Vierge Marie dans sa ferme ou dans le soleil. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
Le racleur de Papi Sam. Ce n’est même pas un si bon racleur. En plastique, sans lame rétractable, c’était le préféré de papi Sam. Son garage était un trésor d’outils avec lesquels son petit-fils pensait qu’il était possible de tout réparer. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)

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La machine à sous d’Oncle Ebby et Oncle Reese. Sur leur bar, à côté du bourbon et de la vodka, il y avait les machines à sous et une cruche remplies de pièces. Oncle Ebby disait toujours ce qu’il pensait, que ce soit bon ou pas. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)
L’étoile d’Elaine. À son premier jour de travail au Metropolitan Museum of Art, Elaine portait son long manteau de vison vintage. Avec ses lèvres rouges et ses cheveux blonds brillants, elle aimait la compagnie des œuvres d’art. (© Jody Servon et Lorene Delany-Ullman)

Le livre Saved: Objects of the Dead de Jody Servon et Lorene Delany-Ullman est publié chez Artsuite.