Comment Steven Soderbergh a tourné son nouveau film avec 3 iPhone

Publié le par Arthur Cios,

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Le cinéaste le plus novateur du grand Hollywood a frappé fort avec Paranoïa, son nouveau long-métrage angoissant… filmé à l’iPhone.

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Un an après avoir sorti l’excellent Logan Lucky, Steven Soderbergh revient avec le sombre Paranoïa. Sorti en salles le 11 juillet dernier, le film raconte l’histoire d’une jeune femme, incarnée à l’écran par une Claire Foy (The Crown, First Man) absolument royale. Après avoir fui sa ville natale à cause d’une ancienne connaissance qui la harcelait, elle se retrouve placée de force en hôpital psychiatrique. Son passé revient alors la hanter.

Si le film est un coup de force qui maintient en haleine le spectateur, ce n’est pas nécessairement la réflexion sur la santé mentale et sur la folie qui rend l’objet fascinant, mais sa forme : il s’agit de l’un des premiers longs-métrages tournés à l’iPhone. Cela paraît anecdotique, mais c’est loin d’être le cas.

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Le premier film à l’iPhone par un grand réalisateur

Alors oui, ce n’est pas le premier. Techniquement, c’est Tangerine, sorti en 2015 et tourné à l’iPhone 5S. Par ailleurs, d’autres réalisateurs, comme Michel Gondry ou Zack Snyder, ont déjà utilisé le même médium pour confectionner des courts-métrages.

L’importance de Paranoïa réside dans le fait qu’il s’agit du premier long-métrage tourné par un grand réalisateur sur un téléphone portable.

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Avec un budget de 1,2 million d’euros, il n’y avait que Soderbergh pour sauter le pas et à faire comme il l’entend, quels que soient les obstacles. On vous rappelle tout de même que par le passé le célèbre cinéaste américain a décidé de raconter l’histoire du Che en plus de quatre heures dans un double film entièrement en espagnol, a refusé de changer le montage de son biopic sur Liberace comme le demandaient les majors prêts à le distribuer (le film finira sa vie comme téléfilm sur HBO aux États-Unis) – et il est globalement connu pour faire chier les studios.

Quand Soderbergh a une idée, il s’y tient. Surtout s’il s’agit d’innover. Cela fait longtemps que le cinéaste songe à tourner un film sur portable, comme il l’a expliqué à nos confrères du Parisien :

“Il y a 16 ans, j’ai tourné un film avec une des premières petites caméras digitales, et j’ai toujours été partant pour utiliser la technologie disponible afin de mieux illustrer mon histoire. […] Au fur et à mesure que je voyais le développement des nouvelles technologies liées aux smartphones, je savais que je trouverais un projet qui me permettrait de mêler cinéma et téléphone.

[…] Je faisais des petits essais, des tests, voyant comment je pouvais manipuler l’image. Et puis un jour, j’ai reçu un coup de fil d’un scénariste qui m’a parlé d’une idée, et là, je me suis dit que c’était le moment ou jamais. Il m’a appelé en janvier, et j’ai décidé de commencer à tourner le 1er juin suivant. Tout s’est passé très vite.”

Une maniabilité plus importante

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Le tournage de Paranoïa n’a ainsi duré que 10 jours, soit près de 10 fois moins longtemps que pour la plupart des films tournés de manière classique. Cela a demandé un rythme de travail plus soutenu, et pas mal de préparatifs en amont. Ce court timing a été permis par la maniabilité des iPhone que Steven Soderbergh avait à disposition, décuplée par l’utilisation d’un stabilisateur (comme nous le montre la photo ci-dessous, prise pendant le tournage).

Contrairement à une caméra classique de plusieurs kilos, ces caméras tiennent dans le creux de votre main : vous pouvez les manier plus facilement, les accrocher à un mur sans contrainte et trouver des perspectives inédites. Coller la caméra sur la tête de l’un de vos acteurs, pour réaliser une séquence en plan subjectif ? Oui, c’est possible, et le champ des possibles s’élargit.

Trois iPhone 7 Plus pour trois objectifs

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Concrètement, Soderbergh avait en sa possession trois iPhone 7 Plus. Ces machines sont équipées d’un capteur photo 4K. Le réalisateur s’est aussi permis de modifier comme il le souhaitait l’ampleur de l’image, en rajoutant divers objectifs.

En l’occurrence, il avait trois objectifs de la marque Moment : un 18 mm, soit un grand-angle assez basique, qui était l’objectif par défaut ; un 60 mm, pour capturer des images au plus près ; et un fisheye, proche du grand-angle, qui donne un aspect plus arrondi à l’image et avec un angle de champ très grand. Le cinéaste explique néanmoins avoir utilisé par moments l’objectif intégré à l’iPhone (se situant entre un 28mm et un 57 mm avec le zoom x2), “quand la focale était adéquate”.

Il a donc dû filmer les acteurs de bien plus près que d’habitude, les objectifs les plus courants utilisés dans le cinéma étant entre 40 et 50 mm, afin de restituer au mieux la représentation du réel à laquelle nous sommes habitués.

Un contrôle basique des couleurs et du contraste

En outre, il a utilisé diverses applications, comme FiLMiC Pro ou encore Filmmaker Pro, qui permettent d’avoir un contrôle de la vitesse d’obturation, de la netteté et de la température de l’image. Bref, de mieux contrôler l’image qu’avec l’application basique de l’iPhone, qui régule seul la plupart de ces paramètres — et qui peut les modifier à votre insu, si par exemple vous passez d’un endroit lumineux à l’extérieur à un intérieur plus sombre.

Lors d’un entretien à l’occasion de la sortie dudit film, le réalisateur nous expliquait comment il gérait les couleurs, un élément central à sa filmographie, sur ses iPhone :

“Le capteur du téléphone a une réaction très intéressante à certaines couleurs. Quand j’ajustais la température des couleurs, pour voir en temps réel si je voulais que ce soit plus chaud ou plus froid, pendant la préparation, je regardais avec tous les agencements des lumières existantes et je testais toutes les températures de couleurs avec les lumières artificielles contre celle du jour, pour voir le genre de balance que je voulais.

Comme ça, j’allais voir mon assistant de plateau pour lui donner des indications telles que : ‘On part sur cette lumière blanche froide pour cette scène. Puis, pour cette scène, on prend une balance liée à la lumière du jour et pour cette autre scène, quelque chose qu’on ne fait plus trop de nos jours, partons sur une lumière néon à l’ancienne, fluo, un peu verte’.”

Et de conclure : “On avait ce genre de discussions pendant les préparatifs pour que pendant le tournage, tout soit en ordre”.

Des vibrations contraignantes

Évidemment, utiliser un iPhone comporte son lot de galères. La machine est très sensible aux vibrations, par exemple : toutes les scènes en voiture, ou filmées de très loin, ou même celles dans les airs, là où le moindre geste brusque peut plomber toute une scène, ont été shootées avec une autre caméra, similaire.

Le réalisateur est ravi de son expérience, a déjà tourné un autre projet à l’iPhone et ne compte pas s’arrêter là. De là à dire qu’il s’agit de l’avenir du cinéma, il n’y a qu’un pas.

Pour en savoir plus sur Steven Soderbergh, vous pouvez également regarder notre entretien avec le cinéaste, où l’on revient sur quelques-unes des caractéristiques principales de son cinéma, des personnages atypiques aux couleurs, en passant par la musique.