Comment Aya Nakamura cartonne aux Philippines grâce à la data qui transforme durablement l’industrie musicale

Publié le par Konbini avec AFP,

© Aya Nakamura

L’exploitation des données est devenue indispensable dans le monde de la musique via les tendances TikTok et les setlists de concerts.

A voir aussi sur Konbini

Saviez-vous qu’Aya Nakamura marche aux Philippines ? qu’Ed Sheeran choisit ses chansons en fonction du lieu du concert pour bénéficier d’un effet retour en streaming ? La data, exploitation des données, est une partition incontournable dans l’industrie musicale.

Publicité

Elle permet tout d’abord de savoir “comment la musique se déplace”, résume Minh Loan Paturle, directeur du développement international chez Warner Music France, rencontré lundi par une poignée de journalistes à Paris.

Publicité

Aya Nakamura, artiste francophone la plus écoutée dans le monde, réserve bien des surprises. La chanteuse a touché des audiences très loin des bassins naturels pour des titres en français (Suisse, Belgique, Québec, Antilles, Afrique du Nord et de l’Ouest, Polynésie).

Le morceau “Copines” (2018) s’est ainsi hissé dans le Top 5 Asie de Spotify, en partant d’une chorégraphie postée depuis les Philippines sur TikTok, pour essaimer ensuite en Thaïlande, Birmanie, Indonésie, etc. Un morceau souvent référencé par le titre “Pota Pota” aux Philippines par les internautes.

Publicité

“Ça nous fait sourire encore aujourd’hui. Dans sa chanson, Aya dit ‘Trop tard, trop tard’, devenu à l’oreille là-bas ‘Pota Pota’, mot un peu osé”, s’amuse Minh Loan Paturle.

La data ne permet pas qu’une traçabilité, mais aussi une réactivité commerciale. Ainsi, un autre titre d’Aya Nakamura, “Nirvana” (2020), remixé par un DJ des Îles Marshall dans l’Océanie, crève un jour l’écran sur TikTok. Label et maison de disques le contactent alors pour une commercialisation de cette nouvelle version, avec l’accord de l’artiste.

“Entre trois et six semaines”

“Il ne voulait pas nous croire au début, il pensait qu’on blaguait”, se souvient William Edorh, directeur de Rec. 118, un des quatre labels locaux de Warner Music France. Il ne faut pas traîner, insiste Minh Loan Paturle : “On a entre trois et six semaines pour profiter” d’une tendance TikTok avant qu’elle ne s’essouffle et ne soit chassée par une autre.

Publicité

La data permet aussi de faire des projections. “Avec notre projet Hype Habits, on montre comment le choix de morceaux en concert dans une zone géographique va avoir ensuite des conséquences dans cette zone sur le streaming de certains titres après le show”, expose ainsi David Mahieux, chef du pôle data de Warner Music France, créé il y a quatre ans et qui compte quatre membres au total aujourd’hui.

Et de montrer sur son ordinateur une vidéo interne où Ed Sheeran s’avoue “fasciné” par ce développement qui lui permet d’optimiser les écoutes sur les plateformes après un concert, différemment à Paris ou Porto Rico. “Ça se joue au choix entre un ou deux morceaux près pour un artiste comme Ed Sheeran, ce n’est qu’une aide à la décision qui revient à l’artiste, on ne veut pas d’artiste-robot”, souligne David Mahieux.

“Économie de l’attention”

La data, c’est un outil dans “l’économie de l’attention”, comme le dit Alain Veille, président de Warner Music France. Ou comment monétiser au mieux l’attention quand elle est captée chez un public de plus en plus sollicité entre médias traditionnels et nouvelles plateformes.

Publicité

“Ed Sheeran a toujours été attiré par ces questions. Je me souviens qu’il y a quelques années, dans mon bureau, il avait sorti son téléphone et m’avait demandé pourquoi ça marchait sur les plateformes pour tel ou tel artiste en France”, raconte encore Alain Veille.

Les majors du disque comme Warner ne sont pas les seuls à s’appuyer sur la data. En 2020, lors d’une présentation des résultats à l’export d’artistes produits en France, la structure indépendante Ekler’o’shock expliquait comment, grâce à l’analyse des écoutes des plateformes en Amérique du Sud, elle ciblait des salles pour le duo électro Polo & Pan, et pas forcément dans les villes qui viendraient en premier à l’esprit.

“Quand de gros artistes internationaux qui remplissent les stades passent par la France, on peut leur dire parfois de ne pas s’arrêter qu’à Paris mais d’aller aussi à Bordeaux, Lyon ou Marseille”, concède d’ailleurs David Mahieux.

Publicité