Bac de français : on te sauve si t’as pas lu Alcools d’Apollinaire

Publié le par Michel Sarnikov,

(© Konbini)

Un résumé et surtout des clés pour mieux comprendre l’œuvre d’Apollinaire.

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Tu as “oublié” de lire Alcools et le bac de français, c’est demain ? Pas de panique, on te résume le livre, et au passage, on te donne quelques pistes de lecture qui feront, à n’en point douter, leur petit effet auprès des interrogateurs.

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Alors…

En 1913, la France bouillonne. Bon, la Première Guerre mondiale approche, mais ce n’est pas la seule raison : l’art et les esprits sont en totale effervescence avec des mouvements artistiques comme le cubisme de Braque et de Picasso, qui donnent à voir un nouveau monde, déstructuré, redéfini et instable. Bref, les choses changent.

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Dans les villes qui grandissent et se modernisent, la technologie, elle aussi, progresse à une vitesse folle – assez littéralement, puisque les moyens de transport rapides, comme les avions, les trains ou les voitures, connaissent un grand essor. Aujourd’hui, on se plaint de ne pas bien capter la 5G dans notre Ouigo à 20 centimes, mais à l’époque, les gens étaient refaits de pouvoir faire Paris-Marseille en seulement treize heures.

Au milieu de tout ça, Guillaume Apollinaire se gratte la tête et se demande ce qu’il advient de la poésie dans un monde comme ça, en ébullition, comment préserver la beauté de notre héritage poétique tout en embrassant la vitesse, le progrès, la modernité. Sa réponse, c’est Alcools, un recueil de poèmes écrit sur seize ans.

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Ça parle de…

Beaucoup de choses de beaucoup de différentes façons. Pour être tout à fait franc avec vous, c’est un peu le bordel. Mais dire que c’est le bordel, c’est déjà bien, parce qu’en fait, c’est censé l’être : “l’esprit nouveau”, comme dit Apollinaire, “est celui du temps même où nous vivons. Un temps fertile en surprises”. Du coup, il semble assez naturel qu’Alcools soit le miroir de son temps, c’est-à-dire chaotic as fuck, avec plein d’images, de visions, de thèmes dans tous les sens.

C’est pour ça que le recueil commence par le poème “Zone”, une ode au changement, à la vitesse, à la ville. C’est le passage de l’ancien temps à la nouveauté, à la modernité, mais aussi à la liberté : le poème est en vers libres. C’est-à-dire qu’il en a rien à foutre, en fait, Apollinaire : s’il veut pas faire d’alexandrins, il fait pas d’alexandrins, et c’est tout.

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Mais une fois passée cette excitation première pour l’”esprit nouveau”, il reste quoi ? Eh bien, comme toujours avec les poètes, il nous reste un sadboi. Parce que Guillaume, c’est vraiment un sadboi.

Après “Zone”, il y a trois sections.

D’abord, “Rhénanes” : au début du XIXe siècle, Apollinaire a une vingtaine d’années et se trouve en Allemagne. Là-bas, il tombe amoureux d’une gouvernante anglaise, Annie Playden. Ça fricote, ça se dit des “je t’aime”, ça se fait des promesses, mais voilà, la réalité les rattrape : Guillaume doit rentrer à Paris et Annie à Londres. Chez lui, Apollinaire ne parvient pas à reprendre une vie normale et repense sans cesse à son idylle allemande. Un jour, il décide de se rendre à Londres pour retrouver son Annie.

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Sur place, il arpente les rues, toque à toutes les portes, et enfin, c’est elle qui ouvre. Il lui dit alors qu’il n’a jamais cessé de penser à elle, qu’elle hante ses jours et ses nuits, que jamais il n’aimera aucune femme autant qu’elle, et elle répond que ce n’est pas sérieux, que ce qui se passe en Allemagne reste en Allemagne, qu’elle ne veut pas s’engager. Il rentre, penaud, en France et écrit “Rhénanes”, une série de poèmes lyriques teintés de regrets et d’amertume.

Ensuite, il y a “À la santé”. Fun fact : en 1911, la Joconde est volée et certains pensent qu’Apollinaire est dans le coup. On l’arrête, l’interroge, et finalement, il n’a rien fait mais dans le doute, on l’accuse quand même de recel.

Il est condamné à six jours de prison pendant lesquels il écrit les six poèmes de “À la santé” – parce qu’il est incarcéré à la prison de la Santé. Got it? C’est un jeu de mots. Santé, à la san… Bref, il s’ennuie, les journées n’en finissent pas, c’est l’angoisse. Mais bon… il sort au bout de six jours, ça va.

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Et enfin, il y a “Marie”, son histoire avec Marie Laurencin, une artiste, ou Mareye Dubés… On ne sait pas vraiment et peu importe : au fond, les poètes sont plus amoureux de l’idée même de l’amour qu’autre chose. Et ici, “Marie” peut tout à fait incarner le concept même de l’amour : c’est la vierge Marie, la femme totale, voire une anagramme du verbe aimer.

Un vrai petit cœur d’artichaut, ce Guillaume.

C’est intéressant parce que…

C’est nouveau.
Avec Alcools, Apollinaire se libère du poids des conventions poétiques. C’est une émancipation radicale qui passe par de nouveaux thèmes, comme la ville, la vitesse, le monde industriel, et par une nouvelle forme : des vers libres et une absence de ponctuation. Cette aventure poétique ressemble à celle des surréalistes : dégager les obstacles et libérer l’imaginaire. Apollinaire a soif de liberté.

Mais ça n’oublie pas la tradition.
En trame de fond du recueil, la mythologie, la Bible ou des thèmes issus de la poésie lyrique rappellent le bagage poétique de l’auteur. À cet égard, le poème “La Chanson du mal-aimé” est exemplaire, entre son thème de l’amour malheureux, l’exaltation lyrique des sentiments du poète, les allusions à Ulysse et Pénélope ou à l’Ancien Testament.

Ça questionne la modernité.
Le titre “Alcools” renvoie, comme chez Baudelaire, à la liberté et à l’expression des sentiments que permet la bistouille. L’”esprit nouveau” qu’invente Guillaume Apollinaire joue l’équilibriste entre le passé et le futur : il puise dans l’héritage poétique commun tout en invoquant de nouvelles images, de nouvelles formes, de nouveaux horizons. Et c’est peut-être ça, la modernité : puiser dans le passé et s’inspirer du futur pour mieux embrasser le présent.