Avec ses grandes toiles vibrantes, Enfant Précoce donne vie aux histoires silenciées des migrations

Publié le par Lise Lanot,

© Enfant Précoce/193 Gallery

Le peintre autodidacte raconte son enfance au Cameroun, son arrivée en France, les espoirs et les désillusions de son trait si reconnaissable.

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Les grandes toiles colorées d’Enfant Précoce accueillent actuellement le public de la 193 Gallery et le font voyager dans les méandres du lieu et des réminiscences du peintre. L’artiste, qui peint en autodidacte depuis ses 24 ans, raconte dans ses œuvres les souvenirs de son enfance au Cameroun, son arrivée en France à ses 9 ans, et les questionnements qui ont suivi.

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Il se représente à son premier jour d’école en France habillé “comme un diplomate” alors que “tout le monde est en sneakers”, raconte-t-il à Time Out, lorsqu’il s’est fait traiter de “blédard” par ses camarades. Il peint aussi des “mamans [noires] qui promènent des enfants blancs”, ayant l’impression à l’époque “qu’elles les avaient adoptés” avant de se rendre compte qu’elles étaient leurs nounous.

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Enfant Précoce, Blédard ! Je suis nouveau à l’école, 2024. (© 193 Gallery)

Ces observations et réalisations personnelles s’accompagnent de réflexions ouvertes sur le monde et la question des migrations. Son immense toile Les Naufragés montre par exemple un bateau rempli de personnes dont certaines se noient. Leurs silhouettes sont en noir et blanc, laissées vides, tandis que les bleus du ciel et de la mer inondent le tableau, semblent l’engloutir tout entier, en même temps qu’ils engloutissent ces “naufragés”.

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Amoureux des couleurs et des contrastes, des jeux de perspectives biscornus et d’un trait qui hume bon l’enfance, Francis Essoua Kalu (de son vrai nom) met en exergue les parcours et quotidiens de personnes immigrées, “appelant à regarder ceux qui sont essentiels pour notre société et qui souffrent d’un système qui les exploite et les cache à la vue. Il tient à les illustrer non seulement dans le drame, mais surtout dans leur résilience, qui fait leur dignité et leur force”, souligne la 193 Gallery, qui organise l’exposition “Oasis d’Abondance” d’Enfant Précoce jusqu’au 27 avril.

Enfant Précoce, Les Naufragés, 2024. (© 193 Gallery)

À travers l’antithèse que contient ce titre, il se joue des paradoxes, donne des couleurs aux drames et de la vie aux tragédies afin de s’accrocher à l’authenticité et de ne jamais verser dans le manichéisme. Enfant Précoce évoquera le fantasme de l’Europe, une utopie pour ceux qui fuient un pays qui a cessé de les considérer, et l’effondrement du rêve. Parce que la France est loin d’être l’eldorado supposé”, décrit la galerie parisienne.

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Les scènes de vie oniriques imaginées par le peintre invitent le public à se délester de ses a priori, à entrer dans des histoires qu’il connaît peu ou, au contraire, à trouver des représentations de son vécu. Avec ses tableaux, l’artiste nous convainc de retrouver nos yeux d’enfant – parce que ceux-là “ne voient pas le mensonge”, selon ses propres termes – pour observer le monde, nous le réapproprier et donner vie aux histoires silenciées. Il donne de sa voix pour relayer celles que l’on n’entend pas, de son pinceau pour prêter des corps à celles et ceux que la société invisibilise.

Enfant Précoce, Château Rouge, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, Oasis d’Abondance, 2023. (© 193 Gallery)

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Enfant Précoce, Route vers le paradis, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, À la porte de la chapelle, Oasis d’abondance, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, Champs-Élysées, 2024. (© 193 Gallery)

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Enfant Précoce, Esua Esua a yabe, Essoua Essoua est née, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, le Louvre, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, Maman, Monument Vivant, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, Titty et Coucou au marché, Saint-Denis, 2024. (© 193 Gallery)
Enfant Précoce, Tata et le vieux, 2024. (© 193 Gallery)

L’exposition “Oasis d’Abondance” d’Enfant Précoce est visible à la 193 Gallery jusqu’au 27 avril 2024.