Avec Nos âmes d’enfants, Joaquin Phoenix nous embarque dans un road-movie plein d’espoir

Publié le par Manon Marcillat,

Épuré et minimaliste, le nouveau long-métrage de Mike Mills donne de la voix à une génération qui changera le monde.

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Le nouveau film de Mike Mills, sorte de Greta Gerwig au masculin, se dévoilait il y a quelques mois dans un premier trailer énigmatique, avec en haut de l’affiche un garçonnet de 11 ans aux boucles brunes et, à ses côtés, la superstar Joaquin Phoenix, récent interprète du Joker et futur Napoléon pour Ridley Scott.

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Entre ces deux performances exigeantes, l’acteur s’est apaisé le temps d’incarner Johnny, un journaliste de radio mélancolique et sans aucune expérience de paternité qui emmène son neveu sillonner les États-Unis avec lui pour tendre son micro à une jeune génération d’Américains clairvoyants.

La complexité de la jeunesse

L’éducation, l’héritage et la transmission intergénérationnelle sont des sujets chers à Mike Mills, qu’il explorera à trois reprises, dans Beginners en 2010 puis dans 20th Century Women six ans plus tard et aujourd’hui dans Nos âmes d’enfants. “On apprend tous des uns des autres et chacun comprend qui il est vraiment par ses interactions avec les autres.”

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Avec Beginners, il entamait une sorte de trilogie inspirée de son histoire familiale, en ouvrant le bal avec son père qui tira sa révérence après avoir fait son coming out, à l’âge de 75 ans. Face à l’échec de sa vie amoureuse, Oliver, interprété par Ewan McGregor, autopsiait ses échecs sentimentaux par le prisme de l’histoire de ses parents.

Dans 20th Century Women, c’est à sa mère que Mike Mills rendait hommage à sa manière. Santa Barbara, à l’orée des années 1980 : Jamie est élevé par sa mère célibataire, épaulée d’Abbie, une artiste punk qu’elle loge, et Julie, la meilleure amie de Jamie dont il est secrètement amoureux. Ensemble, le trio travaille à son éducation intellectuelle et sentimentale.

Avec ces deux longs-métrages prometteurs, le réalisateur décortiquait les relations entre générations au sein de la cellule familiale. “Mes films sont à la foi personnels et extrêmement impersonnels.” Avec Nos âmes d’enfants, une nouvelle fois inspiré de sa vie et de sa relation avec son propre fils, il sonde la notion de transmission à plus grande échelle et prend la température de toute une génération qui, au micro de Johnny, interroge le monde que les parents transmettent.

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Joaquin Phoenix et Woody Norman, qui interprètent Johnny et Jesse.

“Je voulais mettre mon histoire personnelle au service d’une histoire plus grande et partagée collectivement. La vision de ces enfants sur notre monde, c’est comme le terrain sur lequel est construit le film.”

Ces interludes ancrés dans le réel sont issus de véritables entretiens que Joaquin Phoenix a réalisés, en amont du film, avec de jeunes Américains, adoptant à son tour la position de celui qui pose les questions, une posture qu’habituellement l’acteur méprise. Cette matière documentaire vient s’insérer dans la fiction pour lui donner un nouvel écho et, grâce aux paroles éclairées de cette jeune génération réfléchie, ce road-movie délicat se mue en un long-métrage porteur d’espoir.

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Si Johnny est le journaliste de l’histoire, il est souvent poussé dans ses retranchements par son perspicace neveu qui est celui qui lui pose les véritables questions – “pourquoi maman et toi vous êtes fâchés ?”, “pourquoi tu n’es pas marié ?” – sans l’intermédiaire d’un micro. Par Woody, Mike Mills nous prouve sa foi inébranlable en la jeunesse d’aujourd’hui et compte sur la génération à venir pour se poser les bonnes questions.

“Je voulais m’éloigner de cette image que l’on a habituellement des enfants, souvent considérés comme des petits êtres innocents. Je ne pense pas que les enfants soient plus intelligents que les adultes, mais je pense qu’on minimise qu’ils le sont vraiment. J’ai essayé de montrer leur part à la fois sombre et complexe.”

Back to basics

À la ville, Mike Mills est également graphiste et vidéaste. Il a notamment imaginé des pochettes d’albums pour Sonic Youth et les Beastie Boys et signé des clips pour Air ou encore Yoko Ono. Dans Beginners et 20th Century Women, il entrecoupait ses récits de photos et de dessins ou les appuyait d’images d’archives pour illustrer les grands événements de la vie de ses parents, les combats en faveur des droits des homosexuels d’un côté ou les contestations d’une Amérique en pleine métamorphose de l’autre, qui brossaient le portrait d’un pays en miroir de l’histoire familiale.

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Avec Nos âmes d’enfants, le réalisateur revient à l’essentiel dans un film en noir et blanc sous l’influence de Wim Wenders, épuré au maximum et resserré sur ce duo aux relations faites de quotidien, d’angoisses, d’espoirs et de partage.

Dans ce quatrième long-métrage, les mots prennent également leur revanche sur l’image et célèbrent la radio, ce vieux média à la fois intime et minimaliste, qui, via un simple micro, autorise toutes les confidences. Cette fois, plus de dessins ou de photos en superposition au récit, mais seulement les voix des enfants interviewés qui esquissent, eux aussi, un portrait de l’Amérique contemporaine à travers les yeux de ceux qui la feront demain.

Alors qui, après son père, sa mère et son fils, sera la prochaine “victime” de Mike Mills ? “Mon chien, il est très émotif, ça ferait un bon sujet de film.”

Nos âmes d’enfants sort en salles aujourd’hui.