Comment Adidas est devenue une véritable obsession en Russie

Publié le par Hong-Kyung Kang,

Adidas xGosha Rubchinskiy

Le survêtement de la marque aux trois bandes est aujourd'hui très présent dans l'esthétique post-soviétique. Explication.

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Connaissez-vous les gopniks ? Ce sont ces voyous russes au teint blafard qui traînent en groupe, toujours photographiés assis en squat en bas des blocs. Plus qu’une réalité, ils sont aujourd’hui devenus un cliché tenace, la représentation que nombre de personnes se font de la “racaille” russe.

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Si les gopniks sont devenus aussi identifiables, c’est en grande partie à cause de leur tenue constituée d’un mélange exquis de survêtement, chaussures en cuir, contrefaçons… et d’Adidas. En effet, l’ensemble Adidas, prisé par la plupart des gopniks, s’apparente presque à un uniforme. C’est cette passion pour la marque aux trois bandes qui donne ce charme si particulier à l’esthétique de ces voyous russes.

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Faucille, marteau et trois bandes

(© YouTube – “What is Gopnik ?”)

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La rencontre entre Adidas et la Russie s’est déroulée en 1980, année des Jeux olympiques de Moscou. Pour l’occasion, la marque avait signé un deal avec le gouvernement soviétique pour devenir le sponsor de l’événement, et ainsi équiper les sportifs nationaux. En effet, le savoir-faire d’Adidas était très utile pour l’URSS, qui ne possédait alors pas les techniques nécessaires pour fabriquer des vêtements de sport.

Cependant, le logo Adidas n’était alors pas réellement visible sur les maillots des athlètes soviétiques. En effet, en plein contexte de guerre froide, le gouvernement soviétique ne tolérait pas que des représentants de la nation arborent un logo capitaliste. Sur les trois bandes, signature de la marque sportive, seules deux ont donc été brodées sur les tenues.

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Malgré cela, Adidas a quand même réussi à se faire connaître par le peuple soviétique. De plus, comme elle avait été portée par la plus haute élite sportive, la marque aux trois bandes était devenue le symbole ultime du chic pour les locaux. Porter des vêtements Adidas, qui étaient alors très onéreux et difficilement trouvables en URSS, était devenu un véritable symbole de richesse.

La réappropriation par les gopniks

Et si la rue s’est réapproprié toutes les tendances vestimentaires, cette passion pour Adidas n’allait pas faire exception. Certains voyous issus de la classe sociale la moins favorisée de Moscou, désignés par le terme très péjoratif de “gopniks”, se sont mis à porter des vêtements de la marque aux trois bandes comme signe de richesse et de réussite (oui, un peu comme Ralph Lauren et les Lo-Life).

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Comment les plus démunis ont-ils pu se procurer ces vêtements “de luxe” ? Comme l’explique le youtubeur GouvHD, c’est grâce à… Bernard Tapie. En effet, pour redonner un coup de neuf à la marque dont l’image se faisait vieillissante, l’homme d’affaires décide de changer le logo et remplace le lotus par la pyramide à trois bandes. Afin d’écouler les vieux stocks, les articles estampillés du lotus se retrouvent dans les magasins de seconde main d’Europe de l’Est, à des prix accessibles.

Les gopniks, mais également les autres classes sociales de l’ex-URSS, se sont donc arraché les survêtements Adidas, signe de richesse qui était ainsi devenu accessible. C’est ainsi que cette esthétique si particulière, que d’aucuns qualifieraient de mauvais goût, s’est répandue en Europe de l’Est, pour devenir tellement iconique qu’elle est aujourd’hui connue partout.

Une résurgence de l’esthétique des gopniks

Aujourd’hui, les gopniks, tels qu’on les imagine ou tels qu’ils ont pu exister dans les années 1980, ne sont plus. Ils restent cependant dans la pop culture, représentés toujours en ensemble Adidas, et assis en squat, la clope au bec. Cependant, les codes vestimentaires qui rendaient cette classe sociale si identifiable ont désormais leurs adeptes en 2020.

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Plus généralement, on peut noter, depuis quelques années, une résurgence des symboles soviétiques dans la mode. Par exemple, les lettrages en alphabet cyrillique se font de plus en plus présents sur les vêtements. Quant à la marque aux trois bandes, elle est aujourd’hui devenue indissociable de l’esthétique post-soviétique, comme l’attestent ses nombreuses collaborations avec Gosha Rubchinskiy.

Une histoire qui nous rappelle que l’accoutrement des voyous fait toujours fantasmer le grand public, et que le mauvais goût finit toujours par devenir tendance.