Strip-tease : mais au fait, pourquoi c’est culte ?

Publié le par Antonin Gratien,

Il n’y a que ce show pour consacrer (sérieusement) un docu sur les préparatifs de voyage d’un agriculteur direction… le cosmos.

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Filmer la vie de gens ordinaires au plus proche du réel. Avec leurs incongruités, leurs fantaisies – leurs excès, aussi. Tout ça sans le moindre commentaire, la moindre contextualisation. Une vérité documentaire crue, en somme. Voilà le principe maître de Strip-tease, un show franco-belge lancé en 1985 qui, au fil de 418 épisodes (tout de même) concoctés en près de 25 ans d’épopée audiovisuelle, a su séduire les foules grâce à son parti pris radical. Sans manquer, parfois, de susciter de vives broncas.

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Retour sur l’étonnante histoire d’une des émissions les plus cultes de l’histoire de la télévision, notamment (re)découverte grâce à la mise en ligne gratuite de 250 épisodes en 2020. Et dont une partie de la production est désormais accessible sur Prime Video. Pour notre plus grand bonheur, évidemment !

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Des témoignages, rien que des témoignages

Back in the 80’s, un tandem décide de sortir des sentiers battus, en matière d’émission audiovisuelle. D’étonner, de captiver. De surprendre. L’auteur-réalisateur Jean Libon et le journaliste Marco Lamensch, puisqu’il s’agit d’eux, accouchent d’un programme documentaire dont les sujets se veulent “pris dans les faits de société”, et au format… détonnant.

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En rupture totale avec le reste du paysage télé, le duo mise sur l’effacement du commentaire journalistique au profit du récit, de l’attitude, des habitudes des protagonistes filmés. Pas de voix off. Pas de musique, non plus. Le spectateur est plongé sans “filtre” dans l’intimité des personnages de Strip-tease. Un concept d’effeuillage, donc, qui a donné son titre au show.

Tout ça pour un résultat souvent déroutant. Entre des dizaines de perles rares, ces reportages “plus vrais que nature” nous entraînent par exemple aux côtés de Jean-Claude Ladrat, un agriculteur affairé à construire la soucoupe volante qui devrait l’entraîner vers les astres d’ici l’automne prochain. Cultissime. Jugez plutôt :

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L’enfiévré du ciné, des largués du numérique et… un médecin autodidacte

Strip-tease, c’est aussi l’exploration de l’intense malaise d’une délégation parlementaire belge envoyée dans la Corée du Nord de Kim Jong-il. La rencontre d’un jeune producteur de ciné en pleine folie des grandeurs. La découverte d’un fan de tuning à la langue bien pendue, d’un médecin de campagne “autodidacte” recommandant chaudement le mélange d’antibiotiques avec du pinard qui tache. Un vrai florilège de profils à la fois tellement atypiques, et si familiers.

Question thématique, le show brasse large. Fracture numérique, fossé culturel, embrigadement fasciste… Toujours avec, pour principe, l’absence de commentaire. Et une plongée frontale dans l’intimité des intervenants. Si cette ligne éditoriale fait indubitablement l’originalité de Strip-tease, elle a aussi été parfois accusée de faire sombrer petit à petit le show du côté du voyeurisme. Le trash, le glauque. Comme si l’émission s’était lancée dans sorte de quête effrénée de sujets sans cesse plus borderline. La chasse au choquant, quoi. Ces critiques répétées se sont vivement exprimées, notamment, après la diffusion en 2012 de l’épisode “Recherche bergère désespérément”.

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Polémique et (fausse ?) postérité

Le reportage traite du problème de la misère affective et sexuelle dans les campagnes. On y suit les traces d’un éleveur célibataire dont les grands-parents, désirant œuvrer pour son épanouissement, font appel à une agence matrimoniale. L’idée ? Organiser la rencontre avec l’âme sœur, bien sûr. Seulement voilà, l’entremetteuse sollicitée organise la venue… d’une jeune Roumaine. Elle est jeune, et ne parle pas mot de français. Très vite le rêve d’idylle s’effondre – et l’équilibre psychologique de l’éleveur en mal d’amour avec lui.

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Dès le soir de la diffusion de l’épisode, Twitter s’enflamme. “Indécence”, “téléréalité pour bobo”… Les internautes n’ont pas de mots assez durs pour fustiger un épisode jugé trop intrusif, pas assez distancié. Une dérive ? Auprès de Franceinfo la réalisatrice du documentaire, Véronique Houth, rétorque avoir saisi “la réalité telle qu’elle est”. Rien de plus.

Sans lien de causalité établie avec la polémique, l’émission s’arrête en 2012. Cinq ans plus tard les papas du show lâchent Ni juge, ni soumise. Un long métrage documentaire sidérant (sidérant) autour du travail d’une juge d’instruction bruxelloise au caractère bien trempé : Anne Gruwez. Les fans de Strip-tease n’ont pas manqué d’y voir avec enthousiasme une forme de résurrection du programme.

Moins grand était l’engouement lors de l’annonce, en 2019, d’une salve de nouveaux épisodes tournés sans la participation des créateurs historiques. Derrière ce faux espoir pour les aficionados de l’émission, la cession des droits du show par la RTBF à une société de production bruxelloise. En réaction à cette manœuvre, les réalisateurs historiques n’ont pas manqué de dénoncer dans une tribune un inacceptable “ersatz”Strip-tease, une référence culte imitée – mais pas égalée ?