Le Scaphandre et le Papillon : l’extraordinaire adaptation d’un authentique cas de “syndrome d’enfermement”

Publié le par Antonin Gratien,

Une dégradation neurologique rarissime réduisant le patient à la paralysie... Tout en laissant intactes ses capacités cognitives.

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Imaginez. Vous percevez votre environnement. Vous entendez les voix des personnes alentour, vous distinguez chaque nuance de leur habit. L’un d’eux vous appelle. Mais impossible de répondre. Votre corps est tétanisé de la tête aux pieds comme momifié.

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Un cauchemar ? Non, la cruelle conséquence du “syndrome d’enfermement”, dit aussi “locked-in syndrome“, qui plonge ses victimes dans un état végétatif sans toutefois attaquer leur système cognitif. Décrire à l’écran la réalité subjective de cette vie sans parole, ni geste cette vie où toute communication semble impossible, c’est à la fois le challenge formel et le fil rouge narratif de Le Scaphandre et le Papillon.

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Soit le troisième film du peintre américain Julian Schnabel, inspiré d’un livre autobiographique de Jean-Dominique Bauby saisissant qui, tout autant que son adaptation cinématographique, pose la question suivante : comment, à partir de l’art, retranscrire une expérience aussi extrême, aussi intime, aussi personnelle qu’un trouble neurologique tel que le syndrome d’enfermement ?

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Une dictée au cil

8 décembre 1995. Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef du magazine Elle, est victime d’un AVC. Sa vie bascule à jamais. Après avoir passé 20 jours dans le coma, il se réveille comme “enfermé” dans son corps. Sa pensée a beau s’agiter, ses muscles, eux, demeurent de marbre. Inexorablement.

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Jean-Dominique Bauby est atteint du syndrome d’enfermement. Les jours passants, il décide de raconter sa condition. Comment ? En mettant sur pied un système qui lui permette d’associer aux mouvements de sa paupière gauche (seule partie de son corps mobile) des lettres. Grosso modo, notre patient dicte des phrases grâce à ses clignements d’œil. 

Le fruit de ce récit s’intitule Le Scaphandre et le Papillon. Rédigé durant l’année 1996, il explore les ressentis du patient. Vis-à-vis d’un quotidien de grabataire, de la difficulté d’interagir avec ses proches. Aussi, et peut-être surtout, le livre décrit, étape par étape, la lutte tragique de l’ex-journaliste pour raconter, malgré tout et comme il l’avait fait pendant des années, une histoire. Son histoire.

Le défi du grand écran

Passé entre les mains de Steven Spielberg et sa société DreamWorks avant d’être acquis par Pathé, les droits d’adaptation du Scaphandre et le Papillon sont finalement confiés à Julian Schnabel, qui a déjà réalisé Basquiat (1996) et Avant la Nuit (2000).

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Pour rester aussi fidèle que possible à l’expérience de Jean-Dominique Bauby, le cinéaste ne peut pas verser dans une esthétique traditionnelle. Afin de raconter l’extraordinaire, il doit innover. Improviser.

Alors, qu’est-ce que ça donne ? Eh bien, une palette d’expérimentations formelles. Pour dire l’enfermement de son personnage (incarné par Mathieu Amalric, époustouflant), il filme l’entièreté de la première demi-heure en caméra subjective. Statique, rigide. Le spectateur découvre alors quelque chose de l’entrave du lock-in syndrome

C’est seulement au moment où la création littéraire s’amorce que la caméra, elle, se déploie à travers l’espace le voilà qui s’envole, le papillon… Mais Schnabel ne s’arrête pas là. Il mobilise tous azimuts le flouté, les flashbacks, le symbolisme visuel, la voix off intérieure… 

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Pour ce parti pris artistique, le réalisateur a été récompensé par le prix de la mise en scène au festival de Cannes en 2007. Mais également par le César du meilleur film et du meilleur réalisateur, ainsi que par un Oscar dans cette même catégorie. Un succès qui a, au passage, permis de visibiliser un mal encore trop méconnu.

Comme l’ont fait à leur tour Une merveilleuse histoire du temps avec la sclérose latérale amyotrophique, et Still Alice concernant la maladie d’Alzheimer. Le cinéma, nouvel outil privilégié de sensibilisation aux troubles neurologiques, comme des handicaps physiques ? Et pourquoi pas.