Vous n’avez rien compris à ce qu’il se passe entre la Russie et l’Ukraine ? On vous explique

Publié le par Pauline Ferrari,

SERGEY BOBOK / AFP

La tension ne cesse de monter entre les deux pays, sous l’œil attentif de l’Europe et des États-Unis.

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Les diplomates des différents pays marchent sur des œufs depuis plusieurs semaines afin d’éviter une nouvelle crise. Entre l’Ukraine et la Russie, la tension est palpable, alors que les États-Unis et l’Europe mettent Vladimir Poutine en garde contre toute tentative d’invasion. Entre interdictions de chaînes YouTube séparatistes et militaires rassemblés à la frontière, la crise tente d’être contenue.

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Depuis deux mois, des militaires russes sont regroupés à la frontière ukrainienne, ce qui a contribué à raviver les tensions entre les États occidentaux et Vladimir Poutine. Les deux camps s’accusent de vouloir déclencher un conflit armé, et d’envahir le territoire de l’Ukraine. Si les États-Unis et l’Europe ont déclaré leur soutien au gouvernement ukrainien et sont prêts à riposter en cas d’invasion, la Russie reste évasive sur les raisons de son déploiement militaire.

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Que s’est-il passé ?

Au mois d’octobre 2021, les responsables américains du renseignement s’aperçoivent de forts mouvements de troupes militaires russes à la frontière ukrainienne. Ces mouvements ont été documentés et des vidéos circulent sur les réseaux sociaux montrant des trains et des camions russes transportant des tanks et des missiles.

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Les chefs de la diplomatie américaine et française dénoncent l’activité russe, invitant les responsables occidentaux à faire pression sur Moscou. Malgré ces appels au calme de différents pays, la Russie choisit de ne pas désarmer ses troupes ni de quitter la frontière. Les forces de Vladimir Poutine atteindraient aujourd’hui plus de 100 000 hommes.

La Russie est considérée, malgré ses dénégations, comme l’instigatrice de la guerre séparatiste qui a éclaté dans l’est de l’Ukraine en 2014, après l’annexion russe de la péninsule de Crimée en représailles à une révolution pro-occidentale chez son voisin.

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Elle est désormais accusée en Occident de préparer une invasion du pays, ce que Moscou dément, se disant au contraire sous la menace de l’Otan qui en trente ans s’est élargie jusqu’à ses frontières. Le Kremlin considère que la désescalade autour de l’Ukraine passe par un retrait de l’Alliance d’Europe de l’Est, exigence qui a été rejetée.

Le géant américain YouTube a fermé des chaînes des séparatistes prorusses en guerre dans l’est de l’Ukraine, en pleines tensions russo-occidentales autour de ce conflit, tandis que la guerre de l’information fait rage entre les deux pays, par chaînes de télévision interposées.

Pourquoi l’Ukraine est-elle ciblée ?

En massant quelque 100 000 hommes et en multipliant les manœuvres aux frontières de l’Ukraine, Vladimir Poutine entend arracher aux Occidentaux des garanties de sécurité pour la Russie et par ricochet préserver l’influence russe dans l’ex-espace soviétique. “Ce que veut Poutine, c’est arrêter l’élargissement de l’Otan, c’est que la Russie retrouve voix au chapitre sur la sécurité européenne”, estime Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou.

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Le maître du Kremlin est-il prêt, pour cela, à aller jusqu’à une intervention militaire en Ukraine, dont le souhait d’entrer dans l’Otan constitue une ligne rouge absolue pour Moscou ? “La Russie veut soumettre l’Ukraine une fois pour toutes […], la transformer en zone-tampon, avec une souveraineté limitée, afin de se protéger contre l’élargissement de l’Otan et ce qu’elle perçoit comme des ingérences étrangères”, considère Mathieu Boulègue, expert au centre de réflexion britannique Chatham House.

L’Ukraine est entre autres un pays déjà fragilisé par de nombreuses crises internes. Volodymyr Zelensky, président du pays, oscille entre impopularité croissante, volonté d’attirer des investisseurs étrangers et incertitude à sa frontière orientale. D’autant que le pays tente d’adhérer à l’Otan, ce qui n’est pas au goût de Poutine. Face à la crise, il veut préserver son pays et réduire tout risque d’une guerre avec la Russie. Mais il sait aussi que toute concession significative à la Russie conduira à une crise interne.

L’Ukraine abrite aussi la république autoproclamée de Donetsk, qui compte deux millions d’habitants, et celle de Lugansk, et son 1,5 million d’habitants. En vertu des accords de Minsk, Kiev doit accorder un statut spécial aux deux entités, vivement contesté toutefois par les Ukrainiens, ces deux républiques étant dirigées par des séparatistes parrainés par la Russie. Ces séparatistes accusent Kiev d’alimenter les tensions pour obtenir un soutien militaire des Américains et réclament des armes offensives à la Russie.

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Que viennent faire les États-Unis dans cette histoire ?

Le président américain Joe Biden, qui concentrait toute son attention sur la Chine, se retrouve brutalement projeté au cœur d’une confrontation sans précédent avec Moscou depuis la fin de la guerre froide. Mettant à son tour la pression, il promet un “désastre” à la Russie si elle envahit l’Ukraine et martèle que les États-Unis sont “prêts quoi qu’il arrive”. Outre la menace de sanctions “massives”, il a annoncé l’envoi de 3 000 soldats américains en Europe de l’est tout en se gardant de faire de même en Ukraine.

Cette posture permet à Joe Biden de “compenser sa faiblesse sur l’échiquier politique interne et ça rassure les pays les plus atlantistes en Europe”, notamment de l’Est, estime Cyril Bret, enseignant à Sciences po Paris et expert à l’Institut européen Jacques Delors. “Il y a le sentiment très vif à Washington que la puissance américaine, la capacité [de Joe Biden] à gérer une crise sont testées”, renchérit Jonathan Eyal au Royal United Services Institute (RUSI) de Londres. Tout en appelant à la désescalade, les États-Unis et l’Otan ont mis des contre-propositions sur la table des négociations en matière de contrôle des armements, qui pourraient aussi intéresser les Russes.

Quel est le rôle de l’Europe ?

Emmanuel Macron, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, multiplie les contacts pour relancer la mise en œuvre des accords de paix de Minsk dans l’est de l’Ukraine, où un conflit entre Kiev et les séparatistes prorusses a fait plus de 13 000 morts depuis 2014. Il a échangé deux fois en trois jours avec Vladimir Poutine, va lui reparler jeudi ainsi qu’à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, et n’exclut pas de se rendre à Moscou et à Kiev.

“La Russie ne souhaite pas parler à Bruxelles. En Allemagne, la nouvelle coalition n’a pas encore bien pris ses marques. Donc Macron est la voix de l’Europe dans le dialogue avec Poutine”, résume Tatiana Kastouéva-Jean, experte à l’Institut français de relations internationales (Ifri). “Si les accords de Minsk sont par terre, on n’a plus rien dans l’est de l’Ukraine. Même la Russie en sera atteinte. C’est probablement la raison pour laquelle elle continue à parler à Macron”, esquisse-t-elle.

Le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz, a jeté le trouble en refusant de livrer des armes à l’Ukraine et en entretenant un certain temps le suspense sur le sort du gazoduc Nord Stream 2 en cas d’attaque de l’Ukraine. Mais, depuis, il serre les rangs avec les alliés et doit se rendre à Moscou le 15. “C’est bien sûr un problème parce que toutes ces mesures sont censées avoir un effet dissuasif […], mais l’Allemagne a été centrale dans le consensus sur les sanctions et elle reste le plus gros pays donateur de l’Ukraine”, fait observer Sarah Pagung, experte au German Council on Foreign Relations (DGAP).

Vers une résolution de conflit ?

Si les diplomates tentent par tous les moyens de résoudre les conflits, l’issue semble être le statu quo. Les États-Unis devraient répondre à la demande russe de ne pas inclure l’Ukraine dans l’Otan, et Moscou relâcherait ainsi sa pression militaire à la frontière. Cependant, Joe Biden a déjà balayé cette question, et a décidé de déployer 3 000 soldats en Europe de l’Est, prêts à intervenir.

C’était sans compter sur la Chine, très proche du pouvoir russe. Vladimir Poutine s’est entretenu avec Xi Jinping à l’approche de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. La Chine et la Russie ont publié vendredi une déclaration commune pour dénoncer l’influence américaine et le rôle des alliances militaires occidentales, l’Otan et AUKUS, en Europe comme en Asie, les jugeant déstabilisatrices.

Dans ce document, les deux pays se disent “opposés à tout élargissement futur de l’Otan”, dénoncent “l’influence négative pour la paix et la stabilité dans la région de la stratégie indo-pacifique des États-Unis” et se disent “préoccupés” par la création en 2020 de l’alliance militaire des États-Unis avec le Royaume-Uni et l’Australie (AUKUS).

Si la crise reste pour l’heure stable, le risque d’un basculement n’a jamais été aussi proche : certains parlent même d’une troisième guerre mondiale, si l’Europe et les États-Unis ripostent à une éventuelle invasion de l’Ukraine.

Konbini news avec AFP