Comment mon CAP en cuisine m’a abîmé la santé

Publié le par La Zep,

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Jean-Michel a obtenu un apprentissage dans un restaurant chic. Très vite, il a découvert un univers impitoyable et un travail pénible.

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Ce témoignage a été écrit dans le cadre d’ateliers menés par les journalistes de la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média qui accompagne des jeunes à l’écriture pour qu’ils et elles racontent leurs réalités quotidiennes.

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Durant ma première semaine en CAP cuisine, tout le monde était gentil avec moi. J’étais surtout content d’avoir trouvé un apprentissage dans ma ville. C’était chic, un restaurant semi-gastronomique, alors les clients étaient généralement habillés en costard-cravate. Selon moi, c’étaient des cadres ou des gens qui travaillaient dans des bureaux. Le menu le moins cher valait 22 euros, mais ça montait facilement à 60 euros, sans compter les vins.

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Au fur et à mesure, ça ne s’est plus si bien passé. On me demandait de soulever plusieurs cartons en même temps et sans chariot. Il pouvait y en avoir pour 100 kg. Je peinais comme un fou et mon dos me faisait très mal. Tellement mal que le soir, quand j’étais allongé dans mon lit, j’avais du mal à dormir. La douleur me faisait pleurer. Quand j’étais actif, je ne ressentais pas la fatigue. C’était quand je rentrais chez moi et que je m’écroulais dans mon lit que je sentais que je n’en pouvais plus.

Exploité à temps plein

Une des cuisinières et le second de cuisine ont rapidement changé de ton avec moi. Le second m’insultait tous les jours. “Tu es nul, tu es con, tu n’es qu’une pauvre merde, tu ne comprends rien”… Enfin bon, des mots qui ne faisaient pas plaisir à entendre. Je suis allé me plaindre au chef, mais il ne m’a pas cru. Un jour, en plein service, le second s’est mis à me crier dessus et m’a dit une insulte qui m’a fait penser à quand j’étais petit.

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Cela m’a fait très mal. Je suis descendu me réfugier au sous-sol et j’ai fait la plonge en versant quelques larmes. Au moins, personne ne pouvait m’embêter, comme je n’étais pas en train de “rien faire”.

Cela n’est arrivé qu’une fois pendant mon apprentissage qu’on m’insulte aussi durement. Néanmoins, tous les autres jours, ce second faisait exprès de me mettre en difficulté, surtout en plein service. Il me disait : “Va me chercher ci, et ça.”. Si je n’allais pas assez vite, il en profitait pour hausser le ton, me prendre la tête et me lancer des petites insultes. Je prenais sur moi et je ne disais rien.

La boule au ventre au boulot

Le problème d’être apprenti, c’est que les patrons se disent “main-d’œuvre pas chère”. Du coup, ils en profitent pour rallonger nos heures et nous léguer leurs tâches ingrates. Je ne sais pas si les clients pouvaient se douter de tout ça. Aucun cuisinier ne sortait de la cuisine, à part le chef quand il était demandé.

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J’avais 16 ans et, avec ces horaires de folie, je n’avais le temps pour rien d’autre. Le restaurant me faisait venir le dimanche jusqu’à 22 heures. Les semaines où je devais aller au CFA, c’était réveil à 6 heures alors que j’avais bossé la veille. Ils rallongeaient mes heures et me coupaient au milieu de la journée. Par exemple, l’après-midi je rentrais vers 15 h 35, si tout allait bien. Je mangeais, me douchais et me reposais un peu, en mettant mon réveil au cas où, et je repartais à 17 h 20. Je passais mes journées là-bas.

Pour voir mes amis, c’était mission impossible. On me proposait souvent de sortir, au cinéma par exemple, mais le week-end, je travaillais. Je ne voyais quasiment plus mes parents, ni mon frère.

Quand je rentrais le soir, ma maman me demandait si ça allait. Je disais juste oui, puis je montais dans ma chambre. Je pleurais pour évacuer mon stress, pas trop fort, pour pas que l’on m’entende. Un soir, elle est montée dans ma chambre. Quand elle a vu mon état, elle a fermé ma chambre à clé et m’a demandé ce qu’il se passait. Elle n’est pas folle, elle se doutait déjà de quelque chose. Du coup, je lui ai tout avoué. Le lendemain, elle est venue avec moi au travail et a demandé à voir le chef de cuisine. Le contrat d’apprentissage a été résilié à l’amiable.

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Jean-Michel, 19 ans, lycéen, Maintenon