Mangez-vous vos sushis de la bonne manière ?

Publié le par Jeanne Pouget,

(© Greg Williams/Flickr)

Il fallait vous le dire : il est fort probable que vous ayez tout l’air d’un plouc en mangeant vos sempiternels sushis.

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J’ai travaillé en tant que serveuse dans un restaurant japonais de sushis (un kaiten, ou bar à sushis) pendant près de sept ans. À mes débuts, en 2007, je n’avais jamais mangé de sushis de ma vie. Une vraie novice en la matière, quoi.

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Petit à petit, je me suis familiarisée avec la carte du maître sushi qui officiait au restaurant à l’époque. Loin d’être une experte en la matière, j’ai néanmoins pu constater que beaucoup de nos clients faisaient un peu n’importe quoi, de mélanges improbables au mauvais usage des sauces. Attirant le désespoir de notre pauvre chef.

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Sans jamais le leur dire (bienséance oblige), mais aussi par cupidité (coucou les pourboires), j’ai néanmoins toujours gardé un œil critique envers les gens qui “adooorent les sushis”, mais ne font pas du tout hommage à ces mets si raffinés. Et comme le client – qui plus est, français – a toujours raison… Voici donc un petit précis non exhaustif des règles de bonne conduite du sushi, à mettre dans toutes les poches.

Bonne conduite

Déjà, vous apprendrez peut-être que maître sushi est plus qu’un métier, c’est un art. Un apprentissage qui dure dix ans et se transmet selon des codes très précis, de maître à élève, et dont le titre suprême n’est obtenu qu’après des années d’entraînement. Il y a donc fort à parier que les sushis que vous avez l’habitude de manger ne respectent pas cette tradition japonaise originelle.

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Ensuite, manger des sushis ne résume en rien la richesse de la gastronomie japonaise, que beaucoup réduisent pourtant à cela. Dire “on va manger japonais” pour dire “on va manger des sushis” revient un peu à dire “on va manger français” pour aller manger des cuisses de grenouilles. C’est un raccourci un peu cliché. Mais entrons sans plus tarder dans le vif du sujet.

Non, on ne racle pas ses baguettes

Séparer ses baguettes et les frotter l’une contre l’autre, comme si on aiguisait des couteaux, est malvenu. Pour faire un parallèle, c’est un peu comme si vous essuyiez vos couverts au restaurant avant de commencer : cela sous-entend qu’ils sont sales. Avec les baguettes, c’est pareil. Les racler pour enlever les possibles échardes signifie implicitement qu’elles sont de mauvaise qualité et donc que vous mangez dans une enseigne douteuse.

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Au mieux, ça fait plouc, au pire, c’est clairement insultant. Par courtoisie, aucun Japonais ne se risquera à vous le faire remarquer, respect oblige. Mais maintenant, vous le savez. Si, malgré tout, le doute persiste, dégustez simplement vos sushis avec vos doigts, c’est une autre méthode tout à fait courante et acceptée.

La sauce sucrée est réservée au bol de riz

Adepte de la sauce sucrée, vous apprendrez qu’elle n’est pas destinée à assaisonner les sushis, mais un éventuel bol de riz en accompagnement. Mettre de la sauce sucrée sur ses sushis, c’est un peu comme si vous saupoudriez votre côte de bœuf de sucre : ce mariage des saveurs n’a aucun sens et c’est un sacrilège. Le poisson se sale si on veut, mais ne se sucre pas. La sauce salée est de rigueur pour déguster vos sushis.

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On ne fait pas baigner ses sushis dans la sauce

Inutile de faire prendre un bain à ses sushis, le poisson a suffisamment pris l’eau avant votre intervention. C’est donc le dessus du sushi, avec la tranche de poisson, que l’on trempe très légèrement dans la sauce (salée !) par une élégante inclinaison du poignet, et non pas le dessous qui contient le riz.

Pourquoi ? D’abord, tout simplement parce que le riz trempé dans la sauce risque de s’imbiber rapidement et de se scinder, laissant une partie de votre sushi tomber dans la petite coupole de sauce. Ce serait donc gâcher. Ensuite, parce que la sauce est, rappelons-le, un assaisonnement, et est donc à utiliser avec parcimonie pour ne pas couvrir le goût du poisson.

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On ne croque pas ses sushis

Une bouchée, tu feras. Que ce soit un maki ou un sushi, tout cela se mange en une seule fois et ne se croque pas en deux étapes. Déjà parce que c’est plus pratique et plus raffiné (la plupart des gens qui essayent en deux fois en mettent un peu partout), et ensuite parce que procéder en deux étapes, c’est tremper un aliment déjà croqué (et donc ayant été en contact avec votre salive et a fortiori, vos bactéries) dans un bol de sauce commun et y déposer vos miasmes. C’est un peu la même règle que le double dip avec les chips, si vous voulez un raccourci.

Le wasabi ne se mélange pas à la sauce

Autre erreur plus que courante : le mélange du wasabi à la sauce salée dans une espèce de soupe approximative. Une fois encore, cette méthode est erronée : le wasabi se dépose, si on le souhaite, en petites touches sur le poisson pour en relever le goût, mais ne se mélange certainement pas avec la sauce. Un mythe s’effondre… Mais vous ne mélangez certainement pas votre mayonnaise à votre vinaigrette vous, si ?

Le gingembre n’est pas un topping

Pour résumer sa fonction de manière assez prosaïque, le gingembre est là pour “rincer” votre palais entre deux types de sushis aux poissons différents, afin de remettre les papilles à zéro et d’apprécier au mieux chaque saveur. Il se déguste donc seul, entre deux variétés de sushis. Cessez donc de l’empiler en masse sur vos makis (avant de les tremper dans votre sauce sucrée mélangée au wasabi) : ce n’est pas un sandwich, les gars !

Le California roll est… américain

Comme son nom l’indique, le California roll est une invention américaine issue de la cuisine fusion, popularisée à Los Angeles par des chefs japonais immigrés. De façon à démocratiser les sushis en Amérique à leurs débuts, quand les gens avaient encore du mal à apprécier les algues et le poisson cru.

Au secours, le cheese partout !

Maki cheese, California cheese, yakitori bœuf fromage… Le fromage n’est pas un aliment courant de la cuisine japonaise (c’est la France, le pays du fromage) et encore moins un mélange audacieux à faire avec du poisson cru et de qualité. À l’époque, le chef japonais du restaurant dans lequel je travaillais refusait catégoriquement de mettre du fromage dans ses sushis, un véritable sacrilège !

Puis, bon gré mal gré, le chef s’est fait une raison face à la demande insistante de la clientèle. Néanmoins, sachez-le : il s’agit d’une adaptation culinaire destinée à satisfaire la demande. Un peu comme ce jour où j’ai vu un foie gras cuit au Nutella à la carte d’un palace américain… Authenticité, quand tu nous tiens.

Après cet inventaire de l’anti-guide de dégustation du sushi, libre à vous de manger japonais comme vous l’entendez, mais n’allez pas vous moquer des Américains “qui n’y connaissent rien”. Au pire, on est tous le beauf de quelqu’un, n’est-ce pas ?