Le Brésil est (lui aussi) une terre de fromages d’excellence

Publié le par Robin Panfili,

© Douglas Magno/AFP

"Avant, personne ne venait ici. On achetait notre fromage pour trois fois rien. Maintenant, nous avons beaucoup de visiteurs".

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Pour arriver à la ferme de Rita de Cassia, au milieu des collines verdoyantes du sud-est du Brésil, il faut demander son chemin : il n’y a ni panneau, ni signal GPS. Mais le fromage qu’elle fabrique de façon artisanale vaut le détour. Baptisé “Garrafao” (grande bouteille), il est l’un des 57 produits brésiliens à avoir remporté une médaille lors du Mondial du Fromage et des Produits Laitiers en septembre, à Tours (France).

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Malgré un terroir encore méconnu, le Brésil s’est ainsi hissé au deuxième rang mondial des fromages les plus primés, derrière la France. “Qu’est-ce qu’elles mangent vos vaches pour donner un fromage avec autant de goût ?”, ont demandé, admiratifs, des producteurs français lors du Mondial, selon Debora de Carvalho, directrice de SerTãoBras, association de promotion des fromages artisanaux brésiliens.

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Les réponses se trouvent dans le sud de l’État de Minas Gerais, une région bucolique où est confectionnée avec amour la crème de la crème des fromages brésiliens. Il est notamment fabriqué dans les environs d’Alagoa, petit village niché dans la campagne vallonnée où les colons portugais sont arrivés il y a 300 ans pour chercher de l’or. On y fabrique du fromage depuis l’installation au début du XXe siècle de Paschoal Poppa, un cordonnier italien venu avec une recette de parmesan.

Aujourd’hui, il y a 135 producteurs de fromage à Alagoa : une goutte d’eau parmi les 35 000 professionnels du secteur dans le Minas Gerais, mais un grand nombre d’entre eux ont remporté des médailles en France. Sur la devanture des fromageries du village, on peut voir une Tour Eiffel en carton jaune et verte (deux des couleurs du drapeau brésilien) qui rappelle qu’on peut y trouver “un des meilleurs fromages au monde, primé au Mondial du Fromage”.

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Production rustique

Les médailles remportées en France “ont changé notre vie“, confie Dirce Martins, qui fabrique des fromages depuis 39 ans. “Avant, personne ne venait ici. On achetait notre fromage pour trois fois rien. Maintenant, nous avons beaucoup de visiteurs”, explique-t-elle, désignant les étagères en bois sur lesquelles elle affine son “Fumacé”.

Ses vaches paissent à environ 1 500 m d’altitude, sur des pâturages d’une grande richesse microbiologique. Avec son fils et son mari, Mme Martins, lauréate de plusieurs médailles au Mondial depuis 2017, produit au maximum 60 fromages fumés par jour. Rita de Cassia produit quotidiennement 15 kg de fromage avec une quinzaine de vaches laitières, dont “France, Danemark et Espagne”, toutes baptisées comme des pays européens.

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“C’est un dur labeur, on bosse de 6 heures à 22 heures”, raconte cette enseignante de formation de 32 ans qui ne lève pas le pied, même enceinte de son second enfant. “La concurrence est rude”, précise-t-elle, tout en expliquant comment elle s’occupe elle-même avec son mari de l’insémination artificielle des vaches. “C’est une vraie passion. Le fromage, c’est presque un être vivant”, dit Rita, qui a appris le métier avec son beau-père.

Grâce à la médaille d’argent décrochée en France, elle vend désormais ses produits à des commerçants de grandes métropoles comme Rio de Janeiro ou São Paulo. Ils n’hésitent pas à emprunter un long chemin caillouteux pour acheter sur place ses fromages à la forme arrondie 45 réais pièce (environ 7 euros). “Le Mondial nous a donné beaucoup de visibilité”, résume-t-elle.

Problèmes légaux

“Pour un fromage français, une médaille au Mondial représente une augmentation d’environ 20 % de la valeur marchande. Au Brésil, c’est de l’ordre de 300 à 400 %”, explique Debora de Carvalho. Grâce aux médailles, “les Brésiliens commencent à regarder ce qui se fait chez nous et à mettre en valeur leur terroir”.

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Mais cette excellence reconnue mondialement est entravée au Brésil par une législation très rigide, inspirée des règles sanitaires en vigueur aux États-Unis, avec “plus de 900 normes” à respecter. La plupart des produits de la région ne bénéficient donc que d’une autorisation de vente au niveau municipal. Il est interdit de les commercialiser dans d’autres régions du pays ou de les exporter.

“Nous tentons de faire pression sur le gouvernement pour une légalisation du fromage artisanal au niveau fédéral”, insiste Debora de Carvalho.

Konbini food avec AFP

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