Westworld : la beauté de Shogun World en 12 plans marquants

Publié le par Adrien Delage,

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L’épisode 5 de la saison 2, “Akane No Mai”, est une plongée saisissante en terres japonaises. Retour sur la magnificence de ce nouveau parc.

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On l’espérait depuis la première saison, on l’attendait depuis les trailers de la saison 2. La série de Lisa Joy et Jonathan Nolan est aussi vaste que l’Ouest américain. Au-delà des frontières de Westworld se trouvent non seulement le monde réel, mais aussi les cinq autres parcs (selon le site officiel de Delos) dont on vient de découvrir le plus violent : Shogun World.

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Comme son nom l’indique, les attractions de Shogun World se situent au Japon, pendant l’époque d’Edo. Le scénario de Westworld et ses androïdes ont été façonnés à partir des arcs narratifs du parc nippon, ce que confirme Lee Sizemore au cours de l’épisode. Les décorateurs et les équipes des effets visuels ont dû se retrousser les manches pour rendre Shogun World visuellement saisissant, historiquement réaliste et esthétiquement éblouissant. Mission accomplie, comme le montrent les plans suivants.

“Avant la diffusion de la première saison, je me souviens avoir parlé avec Jonathan et Lisa à propos de la série, en leur faisant la remarque qu’elle ressemblait à un jeu en ligne massivement multijoueur situé dans le monde réel, compare le réalisateur Craig Zobel pour HBO.

Quand ils m’ont demandé de mettre en scène “Akane No Mai”, nous étions d’accord que le parc serait comme un jeu vidéo refaçonné pour les joueurs hardcore, qui aiment les éléments de Westworld.”

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Contrairement à ce que laissent penser les environnements majestueux de Shogun World, Westworld est majoritairement tournée en Californie, dans les studios de Santa Clarita. La magie des fonds verts et des effets spéciaux fait le reste. Toutefois, l’atmosphère et le climat du parc nippon diffèrent de Westworld, mais aussi de The Raj, l’attraction consacrée à l’époque de la colonie britannique des Indes.

En effet, les membres des effets visuels planchent avec minutie sur la colorimétrie et les contrastes de l’image, comme le confie à No Film School le coloriste de la série, Shane Harris : “Pour Shogun World, je me suis inspiré d’un processus appelé le ‘bleach-bypass’ [processus de blanchiment, ndlr]. Il permet de réduire la saturation et la latitude d’exposition, comme si on posait une image en noir et blanc sur une image colorée. […] Ces mondes ont tous leur propre style, et pour certaines scènes de batailles, on a mis un effet désaturé sympa qui rend les tenues des soldats grises et argentées”.

Au cours de l’épisode, la série s’amuse également des liens entre films de cow-boys et films de samouraïs. Cette référence métafilmique est exploitée autant au niveau des personnages et de la narration (via Lee Sizemore qui a copié les gimmicks et les intrigues de Shogun World pour son parc) que de manière visuelle. Maeve et Akane (la maternité), Hector et Musashi (le courage), Armistice et Hanaryo (le tatouage) sont le reflet l’un de l’autre, et se révèlent aussi attirés que méfiants envers leur sosie.

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Les personnages s’inspirent et apprennent de leur double et inversement, comme le montre la coopération explosive entre Akane et Maeve à la fin de l’épisode. Encore une fois, il s’agit d’une écriture méta qui symbolise le rapport entre les films de John Wayne et d’Akira Kurosawa, ce rapprochement entre film asiatique et western américain (Les Sept Samouraïs qui sont devenus Les Sept Mercenaires avec John Sturges par exemple).

Si le réalisateur Craig Zobel cite évidemment le cinéaste japonais légendaire en tant que source d’inspiration principale (“surtout Le Château de l’araignée), il voulait aussi proposer dans “Akane No Mai” un “souffle aventurier et sympa”. Trouvant Kurosawa un peu trop austère pour Westworld, Craig Zobel a préféré piocher dans les films de Steven Spielberg et relire des mangas japonais des seventies (dont Lone Wolf and Cub) avant de s’attaquer à la mise en scène de l’épisode.

Outre ses intrigues sinueuses et sa perception brouillée du temps qui passe, la force de Westworld réside dans sa mythologie abondante. Shogun World est le deuxième parc d’un ensemble de six selon le site Delos Destinations. Chaque attraction possède ses propres codes et éléments personnalisés qui dépendent d’une période de la civilisation connue. Or, la série se perfectionne dans cette reconstruction extrêmement fidèle à l’histoire.

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Le monde de Shogun World est jalonné de geishas, de samouraïs, de maisons closes (“mariposa” signifie papillon, dans notre langue, qui est également le nom du bordel anciennement détenu par Maeve, d’où le symbole inscrit dans le jardin japonais), de sanctuaires shinto et d’habitations de type Sukiya-zukuri, architecture marquante de l’époque d’Edo. Le village local équivalent à Sweetwater a notamment été construit de A à Z par l’équipe du show.

Les personnages sont également tirés de la culture japonaise. Miyamoto Musashi (incarné par Hiroyuki Sanada) était par exemple un rōnin, écrivain et philosophe reconnu au XVIIe siècle, qui maniait le katana comme aucun autre guerrier et vit encore à travers des œuvres de pop culture (la franchise de jeux vidéo Age of Empires, le manga Vagabond de Takehiko Inoue, les longs-métrages de Tomu Uchida…).

Par ailleurs, les costumiers et décorateurs de la série, soucieux du détail, ont accordé un soin tout particulier aux tenues et accessoires du parc nippon. En premier lieu, on pense aux armes des soldats, dont le tranchant sodegarami manié par Musashi, qui était utilisé par les samouraïs. Celui-ci porte d’ailleurs un kimono noir, qui a été tissé de plusieurs couleurs pour les besoins de Westworld (principalement pour établir visuellement le parallèle avec Hector) et représente l’habit traditionnel des geishas.

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Mais toute cette beauté n’est qu’un arbre pour cacher la forêt, à savoir la vraie splendeur de l’épisode (et l’un de ses mystères les mieux gardés) : Maeve, bien aidée par la partition irréprochable de Thandie Newton. Avec “Akane No Mai”, les scénaristes nous révèlent une information essentielle : Maeve est l’androïde le plus proche de la pleine conscience (en parallèle, Dolores semble prise au piège du scénario de Wyatt), ayant accès à l’esprit bicaméral définit par Robert Ford en saison 1.

Contrairement à ce que pensent certains spectateurs, son super-pouvoir d’autorité n’est pas une intervention divine, mais bien les prémices du contrôle de son esprit sur celui des autres. Pour ce faire, elle utilise simplement le réseau maille (“mesh network”) comme expliqué par un Bernard mal en point dans l’épisode 2. Ce dernier lui permet d’interagir par l’esprit avec les hôtes alentour, comme l’avait étrangement fait Ford en saison 1 alors qu’il déjeunait avec Theresa Cullen.

Outre les scènes de joutes jouissives et la badasserie de Maeve, l’épisode est poignant dans son parallèle entre elle et Akane. Les deux femmes, privées d’enfant, transposent cette frustration (et leur amour) sur un élément qui n’est pas réel (la petite Sakura pour Akane, un androïde pour Maeve alors qu’elle a conscience de sa nature et des lois scénaristiques qui dictent les relations des robots). Comme annoncé dans les images du nouveau générique, la maternité reste l’une des thématiques fortes de cette saison, mais c’est la même tragédie qui semble s’interposer comme un obstacle sur le chemin des deux personnages : leurs filles ne sont qu’un mirage imaginé par les hommes.

Réaliste, violent et poétique, toujours sublimé par une BO remarquable et référencée composée par Ramin Djawadi, “Akane No Mai” incarne la puissance visuelle et symbolique qu’est capable de produire Westworld. Si l’épisode n’échappe pas à quelques longueurs et que le voyage de l’Homme en noir, bien plus captivant et énigmatique pour les spectateurs que l’intrigue de ses camarades mécaniques, crée un déséquilibre narratif entre les différents points de vue de la saison 2, Lisa Joy et Jonathan Nolan prouvent que les débats entre séries du petit écran et grand spectacle dans les salles obscures n’ont plus lieu d’être.

En France, la saison 2 de Westworld est diffusée en simultané avec les US sur OCS City.