Veronica Mars est de retour dans une saison complexe et explosive

Publié le par Marion Olité,

©Hulu

A long time ago, we used to be friends...

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Il est vivement conseillé d’avoir visionné l’intégralité de la saison 4 de Veronica Mars avant de lire cette analyse. 

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Cinq ans après le retour doux-amer de Veronica Mars dans le film éponyme de 2014 – plaisant mais dispensable –, la détective badass qui a accompagné tant de jeunes filles vers l’âge adulte au début des années 2000 effectue un nouveau come-back, sous la forme d’une saison 4 composée de huit épisodes. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, elle a été lancée en avance ce week-end sur la plateforme Hulu, lors de la Comic-Con de San Diego.

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Au-delà de l’amour inconditionnel d’un noyau de fans fidèles et de l’effet nostalgie, la série de Rob Thomas a en réalité bien des arguments de son côté pour justifier un retour. Comme quelques autres en son temps (wink wink Buffy), elle était avant-gardiste aussi bien sur le fond que sur la forme. Parler des violences faites aux femmes et du white privilege, y ajouter une bonne dose d’humour mais aussi une enquête catchy qui donne forcément envie de s’avaler la saison en un week-end… Le tout sur fond d’ambiance néonoire. Bien des années plus tard, Riverdale a repris une recette assez proche, en plus aseptisée. 

Si Veronica Mars a complètement sa place en 2019, elle n’a en revanche plus 17 ans. Et pourtant, peu de choses ont changé dans son univers. Au début de ce revival, elle vit à Neptune depuis plusieurs années, avec un Logan souvent en déplacements top secrets (il est officier dans le renseignement militaire américain) et elle partage un bureau avec son daddy Keith, chez Mars Investigation. Veronica va plonger dans une nouvelle enquête aux ramifications multiples, qui débute par un attentat à la bombe durant le Spring Break.

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Comme annoncé par Rob Thomas, cette nouvelle saison s’est recentrée sur les racines du genre “film noir” de Veronica Mars. Les explosions dans la chaleur estivale de Neptune et les fausses pistes s’accumulent au sein d’un récit bien troussé, qui rend la série plus binge-watchable que jamais. Cette nouvelle enquête, sur fond de gentrification, nous permet de revoir quelques têtes connues, notamment “Big Dick Casablancas”, le père de Dick, et Cassidy, sorti de prison et impatient de refaire fortune dans l’immobilier et de virer la classe pauvre et moyenne de la ville en périphérie. Mais aussi son fils, Dick (Ryan Hansen), Wallace (Percy Daggs III) ou encore Weevil (Francis Capra). Si les deux premiers ne servent pas à grand-chose dans l’intrigue, les scènes entre notre gangsta malgré lui et Veronica sont toujours aussi intenses. Les deux se reprochent à peu près la même chose qu’il y a 15 ans. Ils ont aussi gardé la même rage face à l’injustice (oui, on est à deux doigts de les shipper). 

(© Hulu)

Le fan service est donc rempli à ras bord, mais on vous laissera découvrir les différents caméos de personnages croisés au gré des trois premières saisons. Notre clin d’œil préféré reste ce moment où Matty tombe par accident dans une planque des Fitzpatrick, cette famille de criminels irlandaise avec qui Veronica a eu maille à partir. Elle explique plus tard à l’ado : “Ils sont 14 enfants. 13 criminels. Un prêtre”, reprise d’un dialogue entendu dans la saison 2. En parlant de criminels, Rob Thomas nous a ajouté un joli duo d’hommes de main mexicains, tantôt ultraviolents tantôt drôles et attachants. Comme si des personnages de Breaking Bad s’étaient tapés l’incruste, mais qu’en se retrouvant dans le monde de Veronica Mars, ils n’avaient plus envie de partir. 

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D’autres nouveaux personnages font leur entrée : Matty Ross (Izabela Vidovic), une “mini-Veronica” en quête de vengeance, un ancien taulard sympathique mais potentiellement dangereux (incarné par l’excellent J. K. Simmons) qui va entretenir une relation amicale sur le fil avec Keith Mars, ou encore Nicole (Kirby Howell-Baptiste), nouvelle amie de Veronica mêlée à l’enquête. Le père et la fille vont ainsi expérimenter de nouvelles amitiés, plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord. Comme toujours dans la série, les apparences sont trompeuses. Et pour agrémenter une enquête sinueuse où police, FBI (l’occasion de revoir Leo) et détectives privés se tirent la bourre, Rob Thomas ajoute un groupe de nerds, les “Murderheads”, qui se réunissent par Skype pour tenter de résoudre des enquêtes. Ils deviennent évidemment obsédés par l’affaire du poseur de bombe de Neptune. Patton Oswalt incarne Penn Epner, un livreur de pizza et leader des Murderheads, qui manque d’y passer lors du premier attentat. On peut complètement voir ce groupe de joyeux weirdos comme un clin d’œil savoureux des scénaristes aux fans très actifs de Veronica Mars

Who’s your daddy ?

(© Hulu)

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Comment faire du neuf avec du vieux ? En conservant ce qui faisait le charme de la série originale, en y ajoutant aussi de nouveaux ingrédients, et en n’ayant pas peur de faire évoluer ses héros. Prenez la relation père/fille, colonne vertébrale du show depuis ses débuts. Veronica a toujours pu compter sur son “super papa”, seul élément stable de sa vie, pour la comprendre sans la juger, et venir à son secours à la moindre alerte. Leur relation est aussi basée sur une bonne couche d’humour. Dans cette saison, Veronica ne cesse d’appeler son père “old man” pour conjurer le sort. Parce qu’elle n’y croit pas elle-même.

En mettant la santé de Keith (Enrico Colantoni) en jeu cette saison, ainsi que ses compétences (il est victime de trous de mémoire inquiétants), Rob Thomas a permis de donner une nouvelle dimension à l’une des relations filiales les plus touchantes du petit écran. Tout change, même si tu ne le veux pas, Veronica. Avoir la trentaine, c’est entre autres assister, impuissante, aux premiers signes d’alerte du vieillissement de nos parents. Et ne pas trop savoir comment réagir : dans une scène très émouvante, Keith explique les larmes aux yeux à Veronica qu’il doit raccrocher avant de mettre leur vie en danger, à tous les deux. Elle reste interdite et réagit en niant sa condition actuelle. Elle ne veut pas voir son père ainsi. Il doit rester ce roc, ce super daddy immortel. 

Tout comme Logan (Jason Dohring) doit rester ce bad boy jaloux qui lui donne des sensations fortes. Ce qui apporte à cette relation amoureuse une nouvelle dimension. Alors que lui décide d’évoluer, de faire face à ses traumatismes et à ses accès de colère en se lançant dans une psychothérapie, Veronica non seulement refuse de l’aider mais recherche parfois sciemment le Logan qui l’a tant fait souffrir. Il va vers l’apaisement. Et cette saison nous montre que ce n’est pas vraiment un état que recherche Veronica. Pour continuer à assumer son rôle de femme forte qui peut encaisser, elle doit rester… en colère. Et elle le restera longtemps, au vu du twist final concocté par Rob Thomas, dans lequel Logan semble trouver la mort (les théories vont bon train, sachant qu’on ne voit pas sa mort à l’écran), dans une dernière explosion fomentée par le poseur de bombe.

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Un dénouement à la Kill Bill – comment ne pas y penser – qui pour le coup sent le réchauffé. Alors que toute la saison mettait en scène une Veronica qui ne veut pas se marier et ne semble pas du tout envisager d’avoir un enfant (cf. cette scène où elle se retrouve, horrifiée, à enchaîner les conversations “crèches” avec les amis de Wallace), elle décide finalement de convoler en justes noces avec Logan. Un retournement de situation décevant : ce n’est pas souvent qu’une série met en scène une héroïne trentenaire qui dit non au mariage, aux enfants, donc non aux normes de la société dans laquelle nous vivons. On retrouvait là un peu du féminisme avant-gardiste de Veronica Mars, qui fait défaut dans ce revival. Si certaines storylines des premières saisons ont clairement préfiguré le mouvement Me Too, cette nouvelle livraison a relégué le sujet des violences faites aux femmes au second plan. Il est rapidement abordé à travers le personnage de Nicole, une survivante de viol devenue reine de l’autodéfense, qui applique la tolérance zéro aux hommes de son établissement. 

Veronica reste marquée au fer rouge des “personnages de femmes fortes” d’il y a 15 ans. Elle ne peut pas être heureuse en amour. Il fallait donc un dernier twist dévastateur, autant pour elle que pour les fans. Cette saison oscille entre humaniser son héroïne – moins “parfaite” qu’à l’accoutumée, elle peut se montrer assez insensible, commettre des erreurs… – ou au contraire en faire une super-héroïne dont les pouvoirs seraient ses dons de détective. Le dernier épisode tend vers cette deuxième interprétation, alors qu’on avait plutôt envie de rester avec la première, la Veronica qui doit gérer ses traumatismes, qui hésite entre grandir et rester la même ado, en guerre contre les injustices de ce monde. Cette fin en demi-teinte laisse en tout cas la porte grande ouverte à de nouvelles aventures pour notre détective, cette fois peut-être hors de Neptune.