Toutouyoutou : la rencontre, improbable mais jouissive, entre aérobic et espionnage industriel

Publié le par Delphine Rivet,

© OCS

Un pitch un peu fou pour une série délicieuse sur l’émancipation de femmes au foyer désespérées.

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Si vous êtes né·e après les années 1980, le titre de cette étonnante série ne vous parlera peut-être pas. Du coup, petit cours d’histoire du PAF en accéléré : de 1982 à 1986, Antenne 2, l’ancêtre bien kitsch de France 2, diffusait tous les dimanches matin un programme d’aérobic baptisé Gym Tonic, présenté par deux icônes en justaucorps et microshort en Lycra, Véronique (la blonde) et Davina (la brune).

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Le générique, à base de “Toutouyoutou”, est devenu culte et a inspiré une série de spots de pub, quelques décennies plus tard, pour le numéro des renseignements téléphoniques : 118 218. Certain·e·s spectateur·rice·s de l’époque se souviennent encore avec émotion des dernières images de Gym Tonic dans lesquelles les deux profs d’aérobic se douchaient énergiquement après l’effort, les seins à l’air, sur une chaîne publique. C’était une autre époque… dans laquelle ont choisi de nous (re)plonger le créateur et la créatrice de Toutouyoutou, dernière production en date estampillée OCS Signature.

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Nous sommes au début des années 1980, dans la petite ville de Blagnac, près de Toulouse. Karine (Claire Dumas) est une épouse et mère de famille ordinaire, à la vie plutôt morne. Son quotidien se résume aux tâches ménagères, à gérer son ado de fille et à servir son mari, employé dans une usine aéronautique. Son seul petit plaisir, c’est de retrouver ses copines à la salle de sport du coin où elles vident leur sac et se marrent plus qu’elles ne flexent les biceps. Un jour, dans son quartier pavillonnaire où jamais rien ne se passe, une nouvelle voisine débarque.

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Jane (Alexia Barlier), une Américaine, belle et blonde, célibataire sans enfant, enseigne l’aérobic, une nouvelle discipline de fitness qui cartonne dans son pays natal. Ni une ni deux, Karine enrôle ses amies, Mapi (Sophie Cattani), Violette (Apollonia Luisetti) et Naïma (Souad Arsane), pour tester ce sport inédit. Les filles en bavent, mais y prennent goût. Du harcèlement scolaire teinté de grossophobie à la misogynie en passant par la charge mentale, il faut dire qu’elles en ont gros sur le cœur. Entre gym et développement personnel, cet aérobic venu des States pourrait-il être la clé de leur épanouissement ? Mais plus elle sue, plus Karine commence à soupçonner sa déesse de prof d’avoir des motivations troubles… Jane serait-elle une espionne venue récolter des informations sur le projet 37, un dossier top secret sur lequel travaille le mari de Karine ?

Découverte en avant-première à Séries Mania, le festival lillois qui s’est tenu du 18 au 25 mars derniers, Toutouyoutou séduit d’abord par son pitch, qui a indéniablement piqué notre curiosité. Une comédie mêlant aérobic et espionnage industriel au début des années 1980, a priori, on est là. Créée par Géraldine de Margerie et Maxime Donzel, le duo derrière les pastilles cultes Tutotal sur Arte, Toutouyoutou tranche donc d’emblée par son synopsis. Deux épisodes plus tard, on a entre les mains une vraie petite pépite qui ne glisse jamais dans la parodie facile et nous dresse le portrait de femmes sur le chemin de l’émancipation.

© OCS

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Pour Karine et ses copines, cela passe d’abord par l’aérobic, mais c’est en réalité bien plus profond que ça. Jane, qu’elle soit véritablement une espionne ou non (elle l’est, c‘est même avéré assez rapidement), est l’élément déclencheur qui fait dérailler le train-train de Karine. Soudain, il se passe quelque chose dans sa vie. Quelque chose d’excitant, de flippant, de dangereux peut-être… Elle renaît, mettant enfin à profit les cellules grises qu’elle avait remisées, contrainte et forcée, dans son placard à balais. Ce désir d’émancipation, qui est au cœur de la série, s’éveille alors doucement en chacune de nos héroïnes qui parviennent même à faire (presque) fi du regard des autres et déambulent dans les rues de Blagnac, encouragées par Jane, en justaucorps et collants en Spandex.

Géraldine de Margerie et Maxime Donzel, qui ont été épaulés à l’écriture par Benjamin Adam, nous livrent ici une belle comédie, d’une tendresse folle pour ses personnages. Ces héroïnes qui décident de rompre l’ennui et d’envoyer bouler la charge mentale sont campées par une galerie d’actrices merveilleusement drôles et émouvantes, et qui n’ont pas eu peur de transpirer pour la cause. Elles ont d’ailleurs eu droit, telles des cascadeuses dans un film d’action, à des entraînements et des séances de visionnage intensif d’aérobic. On ne déconne pas avec l’échauffement, un claquage est si vite arrivé.

Pour ce qui est de la reconstitution des années 1980, exercice coûteux s’il en est, la production ne déçoit pas et les moindres détails ont été pensés, en évitant soigneusement de tomber dans le pastiche. On y croit, et c’est bien là le principal. La mise en scène de Julien Patry vient parfaire ce savoureux mélange où espionnage et aérobic ne sont que des prétextes à l’émancipation féminine.

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Il semble que la tendance récente de certaines séries françaises à regarder dans le rétroviseur (Au service de la France, Ovni(s), 3615 Monique, toutes dans des genres très différents) réussit plutôt à nos productions hexagonales. Lors de la cérémonie de clôture de Séries Mania, qui a eu lieu le vendredi 25 mars dernier, Toutouyoutou a reçu le prix de la Meilleure musique originale, composée par Clément Doumic, Antoine Wilson et Sébastien Wolf du groupe Feu! Chatterton.

Enfilez vos plus belles jambières, inspirez, expirez, Toutouyoutou débarque le 8 septembre sur OCS.