This Is Us s’attaque avec justesse et sensibilité au sujet de l’adoption

Publié le par Marion Olité,

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Hit surprise de la rentrée aux États-Unis, This Is Us n’est pas qu’une série cute sur la beauté des liens familiaux. Elle a aussi le bon goût de soulever des thèmes délicats, peu explorés sur le petit écran.

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L’adoption est le sujet que Dan Fogelman et son équipe de scénaristes ont exploité avec le plus de pertinence durant cette première partie de saison 1. Après la perte de leur troisième enfant, Jack et Rebecca décident d’adopter Randall (incarné à l’âge adulte par l’excellent Sterling K. Brown), abandonné bébé devant une caserne de pompier. À la problématique de l’enfant adopté s’ajoute celle de la couleur de peau. Randall est un enfant noir adopté par une famille blanche.

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La richesse des différences

Lors de l’excellent épisode “The Pool”, les deux parents se retrouvent confrontés à des questions aussi élémentaires que : “Randall a-t-il besoin de crème solaire ?” En rencontrant Yvette, une maman afro-américaine, Rebecca, d’abord méfiante, se rend compte qu’elle a besoin de conseils de base pour bien s’occuper de lui, mais aussi que son enfant ne peut passer tout son temps entouré uniquement de Blancs. Pour construire son identité, il a aussi besoin de fréquenter des enfants afro-américains, d’appréhender une culture qu’il ne peut connaître que très partiellement en grandissant au sein d’une famille blanche.

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Puis dans l’épisode “The Trip”, Jack se rend compte grâce à Yvette que son fils manque de figures masculines noires auxquelles il puisse s’identifier. Malgré la peine que peut lui procurer cet état de fait (il ne “suffit” pas à Randall), le papa emmène son fils dans un dojo, à la rencontre d’un prof très cool, Ray. Dans l’une des scènes les plus adorables de la série (qui n’en manque clairement pas), Jack se plie au rituel de faire des pompes avec Randall sur son dos, pour lui prouver (symboliquement et pour le coup littéralement) qu’il ne le laissera jamais tomber. This Is Us célèbre la richesse des différences, en abordant tous les questionnements qui en découle.

Traitement spécial

“Your mom and me, we always try to treat you kids the same. Always have. Hasn’t always worked because you’re not all the same.”* Si Jack explique à son fils qu’il a toujours essayé de traiter ses enfants de la même façon, c’est sa vision des choses. Le fait est qu’un enfant adopté demande une attention particulière. D’autant plus quand il se révèle être surdoué. Sans le vouloir, car il est évident qu’ils aiment leur “Big 3” de façon égale et inconditionnelle, Jack et Rebecca se sont montrés moins attentionnés envers le jeune Kevin, qui a une tout autre perspective que son père sur ce sujet.

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L’épisode “The Best Washing Machine in the Whole World” revient sur la relation houleuse entre deux frères qui s’aiment, se jalousent, et ne se comprennent pas toujours.

“You always got special treatment, because you’re black and you’re adopted. Just admit that you were more important to her and she wanted to make sure that you felt special every single minute of every day so that you wouldn’t feel like the odd man out.” (Kevin à Randall dans l’épisode 7)**

Jaloux du manque d’attention de ses parents, Kevin a tenu Randall responsable de son sentiment d’abandon, rejetant violemment ses demandes d’amour continuelles (“You treated me like a dog, and just like a dog I kept coming back. I kept coming again and again, just hoping for a scrap from you, like a crumb of affection, of kindness or respect”***).

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En résultent des moments parfois douloureux entre les deux frères, dont ils se souviennent encore, quinze ou vingt ans plus tard. Et une relation malsaine basée sur la compétition. Mais This Is Us est une série foncièrement humaniste, voire idéaliste, qui mise tout sur la communication. Donc les deux frères finiront par s’écouter, pour enfin entendre l’expérience de l’autre, la comprendre, et rectifier une relation mal barrée.

Avec les meilleures intentions

Avec le processus d’adoption arrive l’inévitable question : que dire à l’enfant ? Et si les parents biologiques sont toujours en vie, que faire ? Dans l’épisode “Pilgrim Rick”, Randall apprend une nouvelle dévastatrice : sa mère lui a caché qu’elle connaissait son père biologique, un ancien junkie guéri, qui lui fait comprendre qu’il aimerait reprendre contact avec son fils, alors âgé de neuf ans. Double choc : terrifiée à l’idée qu’on puisse lui enlever Randall, Rebecca a pris la décision unilatérale de ne pas donner suite et de couper tout lien avec le père, William (Ron Cephas Jones).

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Un choix qui a profondément affecté la construction identitaire de son fils, à la recherche de ses racines depuis toujours. Car même en ayant grandi au sein du foyer le plus aimant du monde, quand on ne connaît pas ses origines, on y revient toujours. C’est à la force de sa détermination, à l’aube de ses 36 ans, que Randall rencontrera son père biologique, et tissera des liens avec lui, passant outre sa colère.

Éventuellement, Randall – qui est un homme d’une bonté sans limites – se mettra aussi deux secondes dans les baskets de sa mère et réalisera (grâce à un trip aux champis dans le bien-nommé épisode “The Trip”) à quel point celle-ci avait peur pour sa famille. Et à quel point ce sentiment a pris le dessus sur elle. Mais le coup est rude, d’autant que son père biologique est mourant. Il ne lui reste que peu de temps à partager avec lui. Si on comprend évidemment que Rebecca a pris une décision d’une incroyable gravité, et seule en plus, la série a l’intelligence de ne pas la diaboliser.

Le titre de la série – This Is Us (“C’est nous”) – est plus qu’une promesse. Il est la quintessence d’un show qui alterne les points de vue de chaque membre du foyer (Jack, Rebecca, Randall, Kevin, Kate) sans jamais les juger, par la grâce d’une écriture aussi sensible que d’une grande acuité.

This Is Us est diffusée aux États-Unis sur NBC, et en France sur Canal+ Séries en US+24

* (“Ta mère et moi avons toujours tenté de vous traiter de la même façon. Toujours. Ça n’a pas toujours fonctionné car vous êtes tous différents.”) 

** (Tu as toujours eu droit à un traitement spécial, parce que tu es noir et adopté. Admets juste que tu étais plus important pour maman, et qu’elle voulait que tu te sentes spécial à chaque minute de ta vie, pour que tu n’aies pas le sentiment d’être un étranger.)

*** (Tu me traitais comme un chien, et comme un chien, je n’arrêtais pas de revenir. Je revenais encore et toujours, espérant attraper un petit bout d’affection de ta part, de bonté ou de respect.”)