The One revisite (mollement) le thème du grand amour sous algorithmes

Publié le par Marion Olité,

©Netflix

It’s a match !

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Depuis le succès de l’épisode de Black Mirror “Hang the DJ” (S4E04, diffusé en 2017), les séries qui proposent des variations sur le même thème – une intelligence artificielle trouve la personne parfaite pour nous – se multiplient. Osmosis, Love Alarm, Soulmates… et maintenant The One. Lancée sur Netflix le 12 mars dernier, cette série anglaise créée par Howard Overman coche un peu le bingo du genre : une nouvelle technologie, basée sur des recherches ADN, permet de vous appareiller (quel délicieux terme !) avec “la bonne” personne que vous allez aimer et désirer du jour au lendemain, et pour toujours. Il suffit d’envoyer un bout de cheveux à la société The One et boom, votre match apparaît sur l’application quelques jours plus tard. À vous le doux sentiment amoureux et la sensation d’être enfin pleinement heureux·se. À la tête de la firme florissante, Rebecca Webb vend du rêve à coups de conférences Ted Talk, exhibant fièrement son match en fin de discours. Mais un grain va venir enrayer la machine quand le corps d’un de ses proches est repêché. Ben Naser, son ancien coloc, est décédé dans des circonstances bien mystérieuses…

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Ce pitch formaté – inspiré du roman éponyme signé John Marrs – est à l’image de The One : il manque cruellement d’originalité et de chaleur, un comble pour une fiction censée nous parler d’amour. Le problème ne vient pas du cast : Hannah Ware assure dans le rôle de la CEO prête à tout pour réussir. Elle incarne une antihéroïne crédible, qui accumule les doss sur ses ennemis pour rester à son poste coûte que coûte. Sans être exceptionnel, le reste du casting – notamment Dimitri Leonidas et Stephen Campbell Moore – accompagne bien cette figure tragique, qui vend de l’amour mais ne peut pas elle-même profiter de sa découverte, ou si peu. C’est du côté de l’écriture que le bât blesse, avec des intrigues grossières et cousues de fil blanc. En fait, on a du mal à adhérer au concept même de base, trouver son match à travers la science et l’ADN, à l’heure où les réflexions autour du genre et de l’orientation sexuelle démontrent que notre milieu socioprofessionnel et notre construction sociale tiennent une place bien plus prépondérante dans nos affinités amoureuses que la biologie. Alors que l’on repense de fond en comble le sujet du couple, de sa construction hétéronormée et patriarcale, où l’on sait plus que jamais que le prince charmant est un fantasme de fiction, Rebecca Webb semble venir d’un autre temps, en laçant à la cantonade : “Nous méritons tous et toutes un conte de fées.”

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L’amour mérite mieux

La mise en scène de ces rencontres entre personnes ayant matché ne fonctionne d’ailleurs pas et révèle la supercherie. Ces moments se veulent magiques, comme un coup de foudre, mais on se croirait en train de regarder la dernière pub d’Apple. On a légitimement du mal à s’attacher à ces personnages qui manquent de chair et de désir. À l’exception peut-être de Hannah (Lois Chimimba) et Mark Bailey (Eric Kofi-Abrefa), qui incarnent un couple marié et heureux sans avoir utilisé l’application, et dont la jalousie de la première va conduire à bouleverser l’équilibre.

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©Netflix

Il y a aussi la flic Kate (Zoë Tapper) : chargée de l’enquête autour de la mort de Ben Naser, cette femme bisexuelle matche avec une femme, Sophia, mais elle n’a même pas le temps de la rencontrer que cette dernière est victime d’un terrible accident. La série se retrouve à deux doigts de reproduire le trope “bury your gays” (de Buffy à The Walking Dead en passant par The 100, il consiste à tuer soudainement un personnage LGBT, en particulier lesbien, alors en relation amoureuse avec une autre protagoniste). La série ne plonge donc pas complètement dans ce cliché, mais Rebecca et Sophia sont constamment empêchées d’être ensemble tout au long de cette première saison. Le clou du spectacle étant de faire matcher une deuxième fois Kate… avec son frère ! Histoire de bien rappeler qu’elle est bisexuelle. Too much ? Définitivement.

Avec ses gros sabots, The One fait figure d’éléphant entrant dans un magasin de porcelaine. On attendait plus punchy, plus provoc ou plus parodique de la part de Howard Overman, à qui l’on doit la si fun et imprévisible Misfits. Mais la série tombe dans le piège de la plupart des fictions qui ont tenté jusqu’ici de nous emporter dans un monde d’amour sous algorithmes : elle est trop froide et enfile les clichés. Sa vision de la technologie comme de l’amour, deux domaines où tout devrait être possible, s’avère bien étriquée. Sur des prémisses similaires, on remarque toujours le même type de schéma : les scénaristes déshumanisent ce type de relations qui débutent sur des applis, comme si elles étaient davantage prédéterminées que celles qui ont lieu dans la vie. Encore une fois, il s’agit d’une vision technophobe et conservatrice des applis de rencontre.

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La première saison de The One est disponible sur Netflix.