La série Le Jeu de la dame est-elle basée sur une histoire vraie ?

Publié le par Marion Olité,

©Netflix

Beth Harmon est-elle un personnage historique ?

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Hit surprise de cet automne sur Netflix, Le Jeu de la dame a conquis public et critique (assez rare pour être noté !) grâce à un casting familier et juste excellent, une mise en scène créative et une peinture réaliste du milieu fascinant des échecs. Le parcours de Beth Harmon (Anya Taylor-Joy), orpheline et prodige des échecs qui va se hisser jusqu’au sommet au cœur des années 1960, semble si crédible qu’au terme des sept épisodes que compte la mini-série, on peut légitimement se demander si elle ne serait pas tout simplement tirée d’une histoire vraie.  

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On va peut-être vous décevoir, mais la réponse est non : The Queen’s Gambit a été adaptée par Scott Frank et Allan Scott à partir du roman éponyme de Walter Travis, publié en 1983. Allan Scott avait même acquis les droits d’adaptation sur écran dès 1992 ! Le projet a bien failli être un film avec Ellen Page, réalisé par Heath Ledger, mais le destin en a décidé autrement. Il aura donc fallu presque 30 ans pour voir The Queen’s Gambit adaptée sur un écran et devenir cette série acclamée sur Netflix.

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Une dose de fiction, une dose de réalité

Spécialisé dans le roman noir, l’écrivain Walter Travis était un fana de jeux, et a lutté toute sa vie contre l’alcoolisme et la dépression. On lui doit aussi le roman La Couleur de l’argent (publié en 1984), devenu un film culte réalisé par Martin Scorsese. Le romancier était aussi un joueur d’échecs de “classe C”, et si la mini-série a été adoubée par la communauté des joueur·se·s d’échecs et saluée pour sa précision dans la représentation des parties, c’est aussi parce que le matériel de base était déjà extrêmement fouillé, et se base sur la passion de l’auteur pour de grands joueurs d’échecs ayant réellement existé. 

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Ainsi, dans sa note d’auteur accompagnant la publication de son livre, Walter Travis a écrit :

“Les superbes grands maîtres des échecs que sont Robert Fischer, Boris Spassky et Anatoli Karpov font le bonheur des joueurs comme moi depuis des années. ‘The Queen’s Gambit’ étant une œuvre de fiction, il m’a cependant semblé prudent de ne pas en faire des personnages, ne serait-ce que pour éviter toute contradiction avec la réalité.

Je tiens à exprimer mes remerciements à Joe Ancrile, Fairfield Hoban et Stuart Morden, tous d’excellents joueurs, qui m’ont aidé avec des livres, des magazines et les règles du jeu. Et j’ai eu la chance de bénéficier de l’aide chaleureuse et diligente du Maître national Bruce Pandolfini pour la relecture du texte et pour m’aider à le débarrasser des erreurs concernant le jeu qu’il joue si bien.” 

Le Jeu de la dame est donc une fiction, mais qui s’ancre particulièrement dans le réel. Comme le rappelle Entertainment Weekly, la période des années 1950 et 1960 et la reconstitution des tensions entre Russie et États-Unis pendant la guerre froide est absolument réaliste. Et à cette époque, les joueurs d’échecs russes dominaient la compétition sans partage. Par exemple, entre 1952 et 1974, chaque médaille d’or de l’olympiade d’échecs a été remportée par un joueur russe. 

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© Netflix

Quant au personnage de Beth Harmon lui-même, il est fortement inspiré du joueur d’échecs Bobby Fischer selon le spécialiste Dylan Loeb McClain, qui observe dans The New York Times les troublantes similitudes entre les deux, notamment dans le style de jeu agressif, et dans certains mouvements (face à une “défense sicilienne”, les deux choisissent de répliquer par l’attaque “Fischer-Sozin”). Mieux, comme Beth Harmon, Bobby Fischer fut sacré champion du monde d’échecs en venant à bout d’un grand maître russe (Boris Spassky), en 1972, en pleine guerre froide.

L’ironie de l’histoire, c’est qu’il a tenu des propos extrêmement sexistes, estimant notamment que les femmes étaient de très mauvaises joueuses d’échecs. On rêve à ce moment que la fiction rejoigne la réalité et que Beth vienne lui montrer de quel bois elle se chauffe… Mais dans la vraie vie, des championnes comme Vera Menchik, qui a participé à des tournois masculins dès 1929 et a battu plusieurs grands maîtres de l’époque, ont prouvé que ses allégations tenaient du sexisme le plus primaire. 

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