Les clés de Locke & Key déverrouillent un monde à la Harry Potter

Publié le par Adrien Delage,

Ⓒ Christos Kalohoridis/Netflix

Une adaptation mitigée qui peut compter sur son fort récit de base pour devenir addictive. Attention, spoilers.

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L’adaptation des comics Locke & Key, œuvre majeure du 9e art signée Joe Hill et Gabriel Rodriguez, est un projet de longue haleine. Déjà en 2011, la 20th Century Fox avait tenté sa chance avec un pilote, dans lequel Miranda Otto, le chanteur Jesse McCartney et Sarah Bolger occupaient les rôles principaux. Finalement, les coûts de production trop élevés et les refus successifs des chaînes pour diffuser la série eurent raison de cette première tentative.

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En 2014, c’est au tour des studios Universal d’ouvrir le manoir de Key House. Cette fois, la firme américaine imagine un film en plein boom des grosses sagas de geek (le reboot de Star Trek, Transformers, The Amazing Spider-Man). Après un hiatus de plusieurs années, c’est finalement Netflix qui récupère les droits d’adaptation et embarque à bord Joe Hill en tant que scénariste. La série est supervisée par trois producteurs dont Carlton Cuse, un habitué du petit écran (Lost, Bates Motel, Jack Ryan).

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Le 7 février 2020, l’adaptation de Locke & Key voit enfin le jour sur la plateforme de streaming. L’histoire reprend avec fidélité le récit de base : après le meurtre sanglant du père de famille, les Locke emménagent dans la bourgade tranquille de Lovecraft pour se ressourcer. Ils héritent du manoir familial, une étrange bâtisse gigantesque qui abrite des clés magiques. Tyler, Kinsey et Bode, les trois enfants du foyer, vont découvrir un champ de possibilités infinies mais aussi se frotter à une entité maléfique, qui cherche à s’emparer des clés pour ses propres desseins.

Une adaptation en demi-teinte

Ⓒ Christos Kalohoridis/Netflix

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Depuis le début de la Peak TV, on reproche chaque année aux networks leur manque d’originalité. En cause, des séries formatées qui se reposent sur une recette à succès sans jamais la réinventer. Et pourtant, Netflix applique le même système ces derniers temps et Locke & Key n’échappe pas à la règle. À la base, il faut savoir que le comics de Joe Hill et Gabriel Rodriguez est reconnu pour son cadre noir, sa tonalité horrifique, ses explosions de violence sanglantes et son rythme haletant.

Malheureusement, les fans hardcore de l’œuvre ne s’y retrouveront pas avec cette adaptation. La plateforme de streaming a ainsi opté pour une version aseptisée des comics, afin de rendre le tout beaucoup plus familial. Si les personnages, les clés, leurs pouvoirs et le manoir emblématique de Locke & Key sont de la partie, force est de constater que la narration est bien moins radicale et incisive.

Netflix a clairement voulu rentrer la série dans une case, celle de Stranger Things, Perdus dans l’espace et Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire. Sauf que l’adaptation n’a pas le cachet de la première, le budget de la deuxième et l’esthétisme de la troisième. Toutefois, Locke & Key évite la catastrophe grâce à ses jeunes acteurs talentueux, ses twists narratifs intelligents et un scénario à énigmes de base tout simplement envoûtant.

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Ⓒ Christos Kalohoridis/Netflix

Si le géant américain sait faire quelque chose à merveille, c’est caster de jeunes inconnus prometteurs. Connor Jessup, Emilia Jones et Jackson Robert Scott, qui incarnent respectivement Tyler, Kinsey et Bode, sont très convaincants dans leur partition. La production a également prêté un soin particulier à la ressemblance entre les personnages de la BD et leurs interprètes. Avec cette narration étalée sur plusieurs épisodes, les scénaristes en profitent pour ajouter une dose de teen drama pas désagréable mais pas franchement originale non plus, qui a au moins le mérite de rendre nos trois héros attachants.

Pour rendre hommage au style coloré et cartoonesque de Gabriel Rodriguez, Carlton Cuse et ses collègues ont dû faire quelques ajustements. Si la production design est plutôt solide, elle ne peut répéter à la lettre les pouvoirs magiques des clés. Ainsi, la clé de Tête, qui permet littéralement d’ouvrir un crâne en deux, est devenue un refuge personnalisé pour chaque utilisateur qui n’est pas sans rappeler la magie d’Harry Potter. Dans le même style, la clé du Miroir, très peu présente dans les comics, nous offre un passage kaléidoscopique visuellement très réussi.

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Mais la force de Locke & Key tient surtout de son histoire d’origine, extrêmement addictive. Joe Hill cultive le mystère comme un J. J. Abrams au top de sa forme, si bien qu’on ne veut plus lâcher les trois enfants. À chaque épisode la découverte d’une nouvelle clé, qui rend le concept du binge-watching franchement redoutable. On sent ici l’expérience de Carlton Cuse pour distiller à petites doses des réponses, pendant que la liste de questions s’allonge : la Femme du puit, Sam Lesser, le mystérieux Rendell Locke, tout est pensé en fonction d’une mystery box qui avait déjà fait ses preuves en comics (et fut récompensée par un Eisner Award en 2011).

Comme Kinsey avec sa peur, Netflix a ôté des éléments primordiaux dans cette adaptation qui ressemble en fin de compte à une version familiale et épurée de The Haunting of Hill House. Le fantastique a pris le pas sur l’horrifique, le politiquement correct sur la brutalité parfois absurde de la BD et la cruauté de cet univers a été édulcorée. Reste que la série, dont le développement de la saison 2 est déjà lancé, reste agréable dans l’ensemble et pourrait même se bonifier avec le temps si elle déverrouille la porte qui la retient dans son cadre trop formaté.

La première saison de Locke & Key est disponible en intégralité sur Netflix.

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