Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire et le spoiler, c’est toute une histoire

Publié le par Delphine Rivet,

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La bonne nouvelle, c’est que cet article sur les spoilers volontairement distillés dans Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire… n’en contient aucun.

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C’est une stratégie pour le moins audacieuse que de dévoiler en amont ce qui va se produire dans l’épisode. D’ailleurs, si une critique s’aventurait sur ce terrain, sans prévenir avec le traditionnel “Attention spoilers !”, elle serait aussitôt vilipendée par les ayatollahs du “divulgâchage”. Mais alors, pourquoi ce pari fou des Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire ? Et pourquoi on ne leur jette pas des pierres sur le champ ?

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Look away, look awayyyy

Le premier à balancer les spoilers, c’est le comte Olaf. Parce qu’il est affreusement perfide ? Oui, mais pas que. Dès le générique, le grand méchant de l’histoire, incarné par l’acteur transformiste Neil Patrick Harris, nous prévient : “Look away.” Et pendant qu’il nous demande de regarder ailleurs, les images de l’épisode défilent déjà sous nos yeux. Pour chaque épisode, c’est le même rituel, la chanson s’adapte et les photos sur le tableau aussi. C’est le segment du milieu qui subit ces modifications plutôt déroutantes.

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Mais peut-on vraiment parler de spoilers ? Le comte Olaf, lui, a tranché. Dans le générique des épisodes 3 et 4, par exemple, il nous alerte : “Spoiler alert, un méchant va débarquer pour voler et tuer. Donc si j’étais vous, je ne regarderais pas une minute de plus.” En réalité, il s’agit plutôt d’un aperçu, d’une mise en bouche qui n’a qu’un seul but : nous pousser à aller à l’encontre des avertissements proférés. Non seulement on a envie d’en voir davantage mais en plus, la série nous témoigne de son honnêteté la plus totale.

Elle ne nous mentira pas, et ne nous provoquera pas de faux espoirs. D’où ce générique qui annonce la couleur : “Détournez le regard, cette série va ruiner votre soirée, votre vie et votre journée, chaque épisode n’est que consternation.” Bien sûr, la série a axé toute sa communication sur le ton de la dissuasion. Mais c’est aussi une preuve de confiance en nous, et surtout en son pouvoir de retenir notre attention à tel point que, même en nous racontant ce qui s’apprête à arriver, on voudra le constater par nous-mêmes. Un piège digne du comte Olaf, tout simplement machiavélique.

Mais dans ce générique, si c’est bien Olaf qui nous demande de fuir, les mains qui s’affairent sur le tableau et qui font des connexions entre les photos sont celles de Lemony Snicket. Et c’est lui qui spoile le plus.

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A series of unfortunate spoilers

Lemony Snicket, le narrateur (et nom de plume de l’auteur Daniel Handler), est aussi le “Monsieur Loyal” de ce joyeux cirque que sont les aventures des orphelins Baudelaire. Il plante le décor, annonce le numéro suivant et prévient l’auditoire qu’untel va tomber dans un piège ou qu’unetelle a beau être en vie pour l’instant, ça ne va pas durer. Dans n’importe quelle autre circonstance, on serait scandalisé que celui censé nous guider dans cette histoire devance autant l’intrigue. Mais dans Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, ça fait partie intégrante de l’identité de la série.

Mieux encore, c’est intrinsèquement lié à son mode de diffusion. On s’explique : le souhait d’une plateforme de streaming comme Netflix, c’est que les abonnés consomment leurs programmes, qu’une série les amènent vers une autre, qu’un film en appelle un autre et, évidemment, leur cheval de bataille, qu’ils binge watchent. Et, comme de plus en plus de diffuseurs de nos jours, leurs séries et leurs intrigues sont frappées du sceau du secret. Les clauses de confidentialité qu’ils font signer aux journalistes en sont la preuve.

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Mais ils savent aussi qu’une fois mis en ligne, les épisodes attirent immédiatement les gens, qui les engloutissent, et les diffuseurs n’ont plus aucun contrôle sur les spoilers. Du coup, avec Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire, le signal envoyé est assez clair : la série est tellement sûre de pouvoir nous retenir qu’elle n’a même pas besoin de nous appâter avec des artifices. C’est elle qui contrôle désormais les spoilers.

Les cliffhangers au cœur des épisodes sont aussitôt démystifiés par le narrateur qui fait irruption dans la scène, brisant le quatrième mur pour s’adresser directement à nous. Il commente les événements et nous avertit de nouveau qu’il n’y aura pas de happy end. Quand il intervient, on reste coi, en plein pic émotionnel, attendant que la scène s’anime de nouveau pour nous montrer la suite et… Lemony Snicket vient éclater le suspense comme un pauvre ballon de baudruche. Ça vous semble totalement contre-productif ? C’est en fait parfaitement étudié. D’abord parce qu’une partie de l’audience a déjà lu les livres de Daniel Handler, qui sont d’ailleurs très populaires et, pour le reste du public, parce que la série les nargue et les met au défi de continuer en ayant ces informations cruciales.

La série mise donc sur deux choses : la capacité des spectateurs à dédramatiser les spoilers, et l’assurance qu’elle a tellement plus à leur proposer. Vous imaginez bien qu’elle ne grille pas toutes ses cartouches de la sorte ! Il y a plein d’autres surprises dans la saison 1 des Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire.

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