Avec Il Miracolo, Niccolò Ammaniti explore notre “humanité fragile” et nos “peurs les plus profondes”

Publié le par Marion Olité,

©Montesi Antonello

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Découverte lors de son passage au Festival Séries Mania, où elle a été doublement primée, Il Miracolo est un projet mené de bout en bout par l’écrivain italien Niccolò Ammaniti. Qui part d’une idée originale : à Rome, la police découvre une vierge qui pleure du sang humain lors d’une descente dans le repaire d’un chef de la mafia calabraise. Ce phénomène inexpliqué va bouleverser la vie des quelques personnes dans la confidence : un prêtre en perdition, le président du Conseil des ministres et sa femme, une chercheuse en biologie qui s’occupe de sa mère mourante, ou encore un général chargé de protéger l’objet.

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La série suit l’enquête autour de ce mystère, mais ceci n’est qu’un prétexte pour plonger dans les âmes torturées des protagonistes. Et une fois n’est pas coutume, le romancier a tout de suite pensé à une traduction visuelle de cette idée. “J’ai commencé à écrire cette histoire de madone qui pleure du sang, mais je me suis rendu compte que le sang, sans lumière, ce n’est pas intéressant. Cette histoire-là avait besoin d’être mise en images, de prendre la lumière”, nous a-t-il expliqué lors d’une rencontre en avril dernier, à Séries Mania.

Pour sa première création originale pour la télé, l’homme est présent sur tous les fronts : à l’écriture (avec Francesca Manieri, Francesca Marciano et Stefano Bises) mais aussi à la réalisation inspirée des huit épisodes, partagée avec Francesco Munzi et Lucio Pellegrini. Et il faut admettre que la sombre Il Miracolo est visuellement saisissante, avec son style baroque et onirique. Les rêves déjantés des protagonistes – comme le général Votta (Sergio Albelli) qui s’imagine en homme fait de pain – méritent le détour. Et puis il y a ce sang, 9 litres qui s’écoulent chaque heure des yeux de cette vierge en plastique. Et le corps suintant de Marcello (Tommaso Ragno, Prix d’interprétation masculine à Séries Mania pour sa performance habitée), cliché du prêtre pourri jusqu’à la moelle, qui remet en cause toute son existence après la vision de ce phénomène que les scientifiques présents ne s’expliquent pas. Rien de tel que l’inexplicable pour créer des crises existentielles en pagaille.

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Alors, pourquoi ce sujet de la religion qui, décidément, ne cesse d’inspirer les créateurs, d’Adam Price avec Au nom du père, à Damon Lindelof avec The Leftovers ? Eh bien, comme ces deux confrères, qui ne se déclarent pas croyants dans leurs interviews, c’est le fait d’être athée, de ne croire en rien, qui les fait s’interroger. La foi ne les réchauffe pas l’hiver, mais le doute les garde éveillés et créatifs.

“Plus je vieillis, plus je me pose des questions sur la spiritualité et sur ce qu’il se passe après la mort, nous confie Niccolò Ammaniti. Je suis profondément athée, mais j’entretiens un lien avec les Évangiles. J’éprouve une grande jalousie envers celles et ceux qui ont la foi. Ne pas pouvoir imaginer ma non-existence est peut-être la preuve qu’un ordre supérieur existe. Je ne peux regarder qu’à travers mon propre esprit et mes propres yeux.”

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S’il s’en défend (“L’idée n’était pas d’analyser les relations entre pouvoir politique et religion en Italie. Il s’agit d’une histoire intime, liée au passé et au présent de ces personnages”), l’auteur explore aussi les blessures de son pays, l’Italie, à travers cette histoire de madone aux larmes de sang. Le protagoniste, Fabrizio Pietromarchi (Guido Caprino), est dans une position politique désespérée : comme le Royaume-Uni et le Brexit de 2016, il fait face à un référendum capital, où les Italiens devront choisir entre rester ou partir de l’Europe. Et c’est vers le scénario catastrophe qu’on se dirige. L’ambiance générale de la série tend plutôt vers une vision de l’apocalypse que du paradis.

Étonnante par sa liberté formelle, Il Miracolo nous donne envie de suivre ces trajectoires intimes de personnages pas franchement aimables, souvent véritablement pathétiques, en surfant sur différents genres – le mélodrame, le thriller, la satire, le bizarre, pour ne citer qu’eux. Ce groupe hétéroclite, qui navigue dans les rues de Rome, forme une sorte d’échantillon non exhaustif de l’état du pays. Autant vous dire que ça ne va pas fort ! Provocante et imprévisible, elle n’a peut-être qu’un vrai défaut : à l’image de son auteur, malgré un goût assumé pour la grandiloquence, Il Miracolo se prend un petit peu trop au sérieux.

Il Miracolo, 8 épisodes sur Arte, du jeudi 10 au 24 janvier, à 20 h 55 et sur arte.tv jusqu’au 23 février.

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