Transparent s’achève sur un final musical coloré et doux-amer

Publié le par Marion Olité,

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Un dernier tour de piste dispensable mais pas inintéressant.

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Drôle de parcours que celui de Transparent. La série avant-gardiste de Jill Soloway, lancée en 2014, préfigurait les passionnantes discussions post Me Too. Les zones grises de la sexualité, du consentement, les relations abusives, la reconnaissance des personnes transgenres, les interrogations sur les identités de genre… Mais ironiquement rattrapée par la société patriarcale de laquelle elle tentait de nous libérer, Transparent a explosé en plein vol quand l’acteur cisgenre Jeffrey Tambor, personnage principal de la série, a été accusé par plusieurs actrices trans de harcèlement et agression sexuelle. Une attitude évidemment insupportable (on pense aux victimes qui pensaient travailler sur un plateau de tournage extrêmement safe*), qui a aussi détruit au passage ce chef-d’oeuvre de Jill Soloway. Il n’en restera pas moins le témoin d’une époque en pleine mutation.

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La showrunneuse a sans doute appris beaucoup de cette affaire. Elle ne proposera par exemple pas de sitôt le rôle d’un personnage trans à un acteur cis. Pourquoi alors vouloir absolument remettre en scène les Pfefferman pour un dernier tour de piste ? Elle ne voulait sans doute pas laisser le dernier mot à Jeffrey Tambor. Après des mois de complications en coulisse, de décisions créatives, nous voilà face à ce long épisode de conclusion. Comme elle l’avait déjà annoncé, Jill Soloway a imaginé une intrigue autour de la mort de Maura Pfefferman, la “Mopa” des enfants Sarah (Amy Landecker), Josh (Jay Duplass) et Ari (ancienne Ali), qui entre-temps est devenue non-binaire. Une trajectoire qui prend tout son sens, iel s’interrogeant sur son genre et ses préférences sexuelles depuis le début de la série. Ce point de départ est simple, méta et quelque part cathartique. Comprenez en sous-texte que Tambor est “annulé” (cf la “cancel culture” hollywoodienne), il appartient à un passé révolu, dont il faut faire le deuil, d’une manière ou d’une autre. C’est un peu cet état que raconte cet ultime épisode de Transparent, probablement écrit peu de temps après les accusations et le mouvement Me Too. Du coup, il apparait presque anachronique. Aujourd’hui, ce que j’ai envie de voir, c’est comment on imagine le futur, pas comment on fait le deuil du passé. 

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Je me demande aussi pourquoi Jill Soloway a opté pour la forme de la comédie musicale. Si la musique a toujours été présente dans la série – je reste hantée par le “Waiting” d’Alice Boman en saison 2, quand Ali découvre ce qui est arrivé Gittel, une de ses ancêtres, trans, arrêtée par les nazis et probablement morte dans les camps – le genre précis de la comédie musicale a tendance à créer une sorte de recul ou de barrière avec la réalité. Et en même temps, si Transparent possède un ton plutôt réaliste, elle a déjà été plus d’une fois imprévisible, envoyant la tribu Pfefferman en croisière ou mélangeant les timelines. Alors pourquoi pas ? 

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Ce qui est compliqué avec ce final, c’est que Jill Soloway ne s’autorise pas vraiment à parler de tout ce qui a fait la grandeur de Transparent. Elle a déjà presque tout dit des liens familiaux, et si Judith Light est toujours aussi touchante et extraordinaire – la chanson qu’elle clame à ses enfants, “Your Boundary Is My Trigger”, vaut le détouren vérité son personnage s’était déjà révélé dans toutes ses fêlures et ses espoirs dans les saisons précédentes. Les failles et les égoïsmes de chacun·e ont été longuement auscultés et avec tellement de subtilité.  

Cette saison 5 marche sur des oeufs : elle se refuse à explorer le nouveau paradigme post Me Too, les sexualités (un domaine dans lequel elle a eu beaucoup à dire), se contentant de réunir les personnages du show avec lesquels Ari, Sarah et Josh ont eu des histoires romantiques ou charnelles. Cerise sur la kippa, Josh termine avec Raquel, avec laquelle il entretenait une relation impossible depuis qu’elle avait perdu leur enfant. Le format comédie musicale permet de ne pas donner d’autres explications que “les gens fous comme moi choisissent des gens fous comme toi”, ce qui est à la beau et apparait un peu artificiel.

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Cela dit, les chansons signées Faith Soloway (la soeur de Jill) sont assez catchy et on retrouve le goût de la série pour la provoc quand Ari chante “Run from your father’s house” (“Enfuis-toi de la maison de ton père”), elle qui a toujours été proche de feu Maura. Et qu’elle se retrouve momentanément dans une mauvaise sitcom centrée sur les Pfefferman. La maison familiale sera, elle, léguée à l’une des meilleures amies trans de Mopa, Davina (Alexandra Billings). J’imagine que Soloway tente de réparer à sa façon, par la plume, les torts causés par son acteur principal à un show qui aura tant fait (du bien comme du mal sans l’escompter évidemment) pour la représentation des personnes transgenres.

En vérité, et c’est encore plus criant sur ce final, ce n’est pas tant le personnage de Maura qui représentait l’âme de Transparent, mais plutôt celui d’Ali/Ari, incarnée par la toujours troublante Gaby Hoffmann. C’est son cheminement féministe, ses doutes, sa plongée dans l’histoire de sa famille, son voyage en Israël, son identité de genre, ses expériences sexuelles que l’on observe depuis le début. Et sans surprise, c’est iel qui a l’arc narratif le plus intéressant de l’histoire, autour de sa relation à la religion juive. Depuis un bon moment déjà, iel cherche à réconcilier tradition et modernité dans sa relation à sa foi, et caresse l’espoir de devenir rabbin. Le jour des funérailles de Maura – qui a demandé à être incinérée, violant la coutume juive et rappelant comme qui dirait de sombres heures de son histoire – sera aussi celui de la bart mitzvah (on parle de “bat mitzvah” pour les filles, et “bar mitzvah” pour les garçons) non-binaire d’Ari. Ultime appel – plus ou moins heureux – de Jill Soloway à briser les tabous : Shelly, qui trouve que la bar mitsvah improvisée d’Ari est trop tristoune, cherche comment contrebalancer l’Holocauste et son cortège de souffrance pour les personnes juives. Elle se met alors à entonner le titre “Joyocauste”, bientôt repris par tous les invités présents. Ainsi se clôt Transparent, sur une explosion de couleur et une envie d’espoir.   

*D’autres séries dites progressistes ont connu des libérations de la parole similaires, de Louie C.K. à Mad Men… 

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