Damnation : un duel fraternel et politique dans l’Amérique pastorale

Publié le par Adrien Delage,

© USA Network

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Ces derniers mois, le genre du western est exploité à toutes les sauces dans le monde des séries. Jonathan Nolan et Lisa Joy ont (re)lancé la mode (big up à Deadwood) en le mixant avec la science-fiction de Westworld, avant que Steven Soderbergh nous offre son point de vue plus classique mais terriblement efficace avec Godless. Très créative depuis le succès de Mr. Robot, USA Network a tenté sa chance avec Damnation, un drame américain se déroulant dans l’Amérique pastorale qui s’arrête malheureusement au bout d’une saison.

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Netflix a acquis les droits internationaux et l’unique saison de Damnation est disponible sur la plateforme. Le pitch assez rare pour être noté : au début des années 1930, dans une petite ville de l’Iowa, les fermiers sont en grève. Insatisfaits du gouvernement, esclaves des banquiers crapuleux et payés avec des miettes, ils mettent tout en œuvre pour attirer le regard des leaders américains. Le mouvement gréviste est mené par Seth Davenport (Killian Scott, Calvary), un criminel au passé obscur qui se fait passer pour le pasteur de la bourgade.

Pour stopper cette rébellion, un magnat de la finance engage un cow-boy solidaire et impitoyable, Creeley Turner (Logan Marshall-Green, brillant dans Quarry) qui s’avère être le frère de Seth. Pour une raison inconnue, leurs liens familiaux sont brisés et des divergences idéologiques les opposent dans cette lutte pour l’égalité et la liberté des travailleurs.

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Un western dans les années de crise américaine

Le pilote de Damnation présente d’entrée de jeu la série comme un slow burner. Pour étirer leur récit, les scénaristes ont créé des personnages liés aux deux frères, via leurs actions dans l’Iowa ou leur passé. Problème : ces intrigues secondaires peu reluisantes alourdissent un récit qui n’est déjà pas très subtil dans sa manière de traiter le sujet de la discorde. Les conflits se règlent souvent de la manière la plus simple : une balle dans la tête, amenant à des scènes sanglantes mais pas franchement palpitantes.

Cette polarisation du show est également malmenée par les jeux inégaux des acteurs. Si les deux interprètes des frangins assurent et apportent une intensité palpable dans leur relation compliquée, certains rednecks de l’Iowa pêchent sur cet aspect. En revanche, l’agente envoyée par le gouvernement parvient souvent à voler la vedette à ses deux homologues.

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Sortie de nulle part et campée par Sarah Jones (Sons of Anarchy), Amelia apporte un vrai vent de fraîcheur dans le genre et casse les codes du western en incarnant la vraie méchante de l’histoire, qui tue de sang-froid des grévistes en colère. Un atout féminin certain qui tranche avec le conflit sous testostérone qui anime le cœur de la série.

Damnation bénéficie d’une belle mise en scène qui se démarque des vastes plaines du grand Ouest américain, pleine de poésie et d’une sensation de liberté vertigineuse. Ici, tout est bloqué, fermé à double tour, symbole de la condition de ces travailleurs oubliés par le système qui leur vendait la Lune. Aucun d’entre eux ne décide de quitter la ville pour voir si l’herbe est plus verte ailleurs, comme s’ils étaient prisonniers de leur condition et incapables de briser la roue de leur destin.

Pour autant, le show ne joue pas à fond la carte de la série noire voire de l’empathie. Damnation est un crime drama efficace et bien produit, qui ne révolutionne pas le genre mais a l’avantage de se dérouler dans un contexte rarement étudié sur le petit écran. Mais en n’exploitant qu’en partie la fracture sociale qui frappe l’Amérique, en préférant sortir les muscles plutôt que le décryptage politique d’une époque en crise, Damnation n’est pas parvenue à trouver sa place dans le monde saturé des séries.

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Damnation est disponible en intégralité sur Netflix.