La version live action de Cowboy Bebop rivalise-t-elle avec l’anime original ?

Publié le par Marion Olité,

Ⓒ Netflix

Adapter un monument de la pop culture nippone en live action, Netflix l’a fait !

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C’était peut-être l’idée la plus casse-gueule de l’année du côté de Netflix : adapter un anime culte en live action. Côté pour : une histoire déjà connue et un noyau de fans probablement perplexes à cette annonce, mais qui seraient néanmoins présents pour jeter un œil au produit fini. Côté contre : les mêmes fans au final vénères qu’on ait massacré leur anime préféré, et des références et un style trop particuliers pour attirer un public plus large.

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Et puis, bon, on le sait : adapter un dessin animé, un anime qui plus est, en version live action, c’est la plantade quasi assurée. Retranscrire en prises de vues réelles certaines expressions faciales des protagonistes animés ou scènes d’action complètement over the top, c’est une mission impossible. Ayant totalement conscience de toutes ces réserves, Netflix a donc tout de même donné son feu vert à une adaptation live action de Cowboy Bebop.

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Ce chef-d’œuvre inclassable des nineties, scénarisé par Keiko Nobumoto, réalisé par Shin’ichirō Watanabe et designé par Toshihiro Kawamoto, prend place en 2071 et raconte les aventures de l’équipage du vaisseau spatial Bebop. Ses membres, appelés des “cow-boys” (synonyme de chasseurs de primes), sont composés au début de l’histoire de Jet Black, capitaine et propriétaire du vaisseau, un ancien officier de l’agence de police interplanétaire ISSP, mais surtout de Spike Spiegel, un ancien membre d’une organisation criminelle reconnaissable à son costard bleu et sa passion pour la bouffe.

© Netflix

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À la suite d’un triangle amoureux qui a mal tourné avec son ancien coéquipier Vicious et la mystérieuse femme fatale Julia, il s’est fait passer pour mort et a intégré le Bebop. Les deux hommes, qui sillonnent la galaxie pour arrêter les criminels dont la tête est mise à prix, vont faire la connaissance de l’arnaqueuse professionnelle Faye Valentine, une jeune femme cryogénisée et amnésique, à la recherche de ses origines. Viendra s’ajouter Ein, un Welsh Corgi Pembroke et un “chien data” à l’intelligence super développée recueilli lors de leurs aventures, puis Ed, une hackeuse de 13 ans au mystérieux passé.

Copie (un peu mais pas trop) conforme

La version live action a conservé à peu près les mêmes personnages – sauf Ed, qui point le bout de son nez à la toute fin de la première saison et rejoindra le cast si une saison 2 est bien accordée par Netflix. Au vu de la densité de la mythologie mise en place par l’anime, réussir à transposer ce récit dans une version live action sans déperdition et sans tomber dans une exposition plombante n’était pas une mince affaire.

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À ce compte-là, la série ne s’en tire pas si mal. On plonge au cœur de l’action dès le premier épisode, qui se déroule dans un casino de l’espace. La réalisation est soignée, inventive, les scènes d’action bien rythmées et l’ambiance mi-western (l’intérieur du vaisseau, un des lieux phares, est assez réussi), mi-space opera, mi-film néo-noir sur fond de partition jazzy respectée.

Si les scènes de flash-back dans les tons bleutés donnent un résultat plus cheap que romantique, on retrouve en bonne partie l’humour et l’action qui ont fait le succès de l’anime Cowboy Bebop. Cette adaptation américaine, développée par André Nemec et écrite par Christopher Yost, a aussi eu la très bonne idée de s’adjoindre les services de Yōko Kanno, la géniale compositrice de l’anime original, qui revisite notamment elle-même son générique culte. Les petits messages de fin d’épisode, “See you space cowboy”, comme le découpage en “session” (hommage à l’amour du jazz présent dans la série) apparaissent également.

Un plan identique entre la version live action à gauche et l’anime ‘Cowboy Bebop’ à droite. (© Netflix)

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Évidemment, on peut se livrer au jeu des sept erreurs et décortiquer comment telle intrigue de l’épisode 3 de l’anime se retrouve dans la série plus tard ou collée à une autre intrigue de la série originale. Cette version live action a pioché où bon lui semble dans le déroulé du matériau de base, reprenant ici et là une scène, un dialogue ou un plan tel quel, imaginant des twists (on pense au face-à-face dans l’église entre Vicious et Fearless), laissant de côté certains méchants et réimaginant certains protagonistes.

Une adaptation réussie ne peut que trahir – au moins un peu – l’original, sans quoi elle ne sera qu’une pâle copie oubliable. Les personnages dans leur version de chair et de sang se révèlent logiquement assez différents de leur version animée. Le trio de tête, interprété par John Cho (Spike), Mustafa Shakir (Jet) et Daniella Pineda (Faye), fonctionne assez pour qu’on ait envie de suivre ces cow-boys dans leurs péripéties. Le fameux costume bleu sied à merveille à l’acteur américain d’origine sud-coréenne. John Cho n’a certes pas les cheveux vert foncé en pétard (il aurait juste eu l’air ridicule, et il était de toute façon compliqué d’atteindre la coolness du Spike Spiegel original), mais il réussit tout de même à rendre Spike cool et attachant.

Il faut s’habituer en revanche à un acting un poil surjoué, comparé aux habituelles productions américaines, et à des scènes d’action plutôt cool mais plutôt très gores aussi. Le sang coule à flots, tout autant que des situations assez trash de violences conjugales ou d’immigré·e·s exploité·e·s par le Syndicat (la mafia de l’histoire). C’est que la série tente au maximum de coller au style de l’anime, mais on perd la distance que permet l’animation en passant en live action. Certains passages ne fonctionnent que très modérément, comme celui où Spike est jeté du haut d’une église (encore elle) et survit un peu trop facilement. Il en va de même pour sa Némésis, Vicious.

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Ce Cowboy Bebop-là a dû aussi négocier son arrivée dans le XXIe siècle, moderniser certaines intrigues ou déstéréotyper au maximum ses personnages féminins par exemple. On note ainsi un petit effort dans la représentation queer, avec une histoire lesbienne (Faye s’interroge sur sa sexualité après avoir flashé sur une mécano) et la présence d’un personnage secondaire non-binaire, Gren (Mason Alexander Park). Difficile en revanche pour le personnage de Julie (Elena Satine), objet du désir de Spike et Vicious, de ne pas tomber dans l’archétype de la femme fatale, doublée d’un oiseau fragile à sauver.

Diffusé à la fin des années 1990, l’anime était ambigu dans son rapport à la gent féminine : il tombait parfois dans des travers sexistes (sursexualisation, syndrome du sauveur de Spike, male gaze dans les plans sur Faye…) mais son rapport aux personnages féminins ne se résumait pas non plus à ce biais, dont il avait parfois conscience. Il bénéficie également d’une multitude de personnages féminins, et même Faye, au design sexualisé, se révèle être au fil des épisodes un personnage aussi attachant et complexe que ses deux acolytes masculins.

On n’est pas hyper convaincus par la version live action de Vicious (Alex Hassell) et son look de Lucius Malefoy du pauvre. Mais on admet qu’il faut, de manière générale, faire le deuil du design de certains personnages. L’anime propose des protagonistes physiquement dingues et plus cool mais tellement irréalistes (on pense aussi à Faye, très sexualisée) qu’il est juste impossible de trouver des interprètes qui leur ressemblent dans la vraie vie.

© Netflix

En un mot, vous ne retrouverez pas exactement l’essence de ce qui faisait l’anime Cowboy Bebop. Ces 26 épisodes restent uniques en leur genre, et attachés aussi à une époque, la fin des années 1990. Mais vous retrouverez un esprit similaire. Cette version 2021 mise beaucoup sur l’action et l’humour, au détriment de la poésie. Les amateurs de répliques mordantes à la Joss Whedon s’y retrouveront. On appelle ça le “Whedonspeak”. Cette forme de dialogues humoristiques, popularisés par le scénariste de Buffy contre les vampires puis avec le film Avengers (qu’il scénarise et réalise), se caractérise par l’utilisation de néologismes, d’argot et par des personnages qui ont conscience d’eux-mêmes. Le genre de dialogues clin d’œil au public, où les personnages font “les malins” et nous font marrer, mais qui peut aussi avoir tendance à éteindre toute émotion et à nous distancier du récit. In fine, cela peut lasser si c’est utilisé de façon systématique. Cowboy Bebop (2021) en regorge.

Alors, soyons clairs : si vous avez envie de regarder un bon divertissement, fun et original, et si en plus vous kiffez le jazz (la partition musicale est vraiment très cool), cette nouvelle série qui truste le top 10 Netflix depuis sa sortie le 19 novembre dernier est tout indiquée. Mais si vous voulez comprendre pourquoi Cowboy Bebop est inscrit au panthéon des meilleurs animes de l’histoire de la pop culture, lancez également l’anime original. Ça tombe bien, les deux sont disponibles sur Netflix.