Chapelwaite, une adaptation gothique et crado de Stephen King

Publié le par Adrien Delage,

© Epix

Adrien Brody est à la tête de cette énième adaptation de l’œuvre du romancier américain qui manque de mordant.

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Une année sérielle sans adaptation de Stephen King n’aurait pas la même saveur. L’année dernière, nous avons eu le droit à The Outsider du côté de HBO et The Stand pour la plateforme Paramount+. En 2021, c’est la petite chaîne américaine Epix qui s’y colle en s’attaquant à l’une des nouvelles les plus populaires du romancier, Celui qui garde le ver (Jerusalem’s Lot en VO).

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Ce récit horrifique publié pour la première en 1978 est également un prologue contextuel du roman Salem, qui se déroule dans une région bien connue des lecteurs de l’auteur, le Maine. Une histoire, entre autres, de morts-vivants et de créatures gluantes où l’on croise des références à H. P. Lovecraft et Edgar Allan Poe, qui a été renommé Chapelwaite dans cette version adaptée pour le petit écran.

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C’est aussi le nom du vieux manoir où vient s’installer Charles Boone et ses trois enfants, un marin en deuil après la mort de sa femme et traumatisé par une enfance terrifiante, où sa mère et lui subissaient régulièrement la violence d’un père abusif et malade. À peine arrivée dans la petite ville de Preacher’s Corners, la famille découvre qu’elle n’est pas la bienvenue, la faute à un sombre passé entourant la mort du papa de Charles.

La nouvelle demeure des Boone recèle également de secrets et d’étranges manifestations lugubres, dont la présence désagréable de vers de terre dans chaque recoin de la maison. Petit à petit, le capitaine va comprendre que Chapelwaite a la réputation d’être maudit, à cause de cérémonies occultes qui s’y déroulent depuis sa création. En fouillant le passé du manoir et du village proche, Jerusalem’s Lot, Charles va comprendre que ses enfants et lui auraient mieux fait de rester à l’abri sur leur bateau et qu’ils sont désormais aux prises avec un culte impie pratiquant la magie noire.

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Des vers de terre(ur)

© Epix

Même si la série et le roman ne tournent pas uniquement autour du thème de la maison hantée, Chapelwaite reprend les codes du genre. Le manoir des Boone est au centre de la fameuse malédiction qui tourmente Charles et sa famille, si bien que la plupart des twists et des scènes horrifiques s’y déroulent. Cette vieille bâtisse poussiéreuse possède tous les attributs de la maison hantée à fuir dès qu’on a passé la porte d’entrée : bruits grinçants dans les murs, cave nauséabonde et glauque, portraits d’anciens locataires qui semblent vous suivre du regard, vers de terre et autres créatures rampantes qui s’agglutinent dans le bois pourri… La série et la mise en scène comtemplative travaillent bien la personnalisation de Chapelwaite à travers ces petits détails pour nous faire frissonner, en attendant que les véritables dangers se révèlent aux protagonistes comme un fantôme attendant la nuit noire pour errer dans les couloirs.

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Forcément, cette adaptation souffre d’une comparaison avec un modèle du genre sorti récemment : l’anthologie The Haunting of Hill House de Mike Flanagan, et plus particulièrement sa première saison adaptée d’un certain roman culte de Shirley Jackson. Les spectres qui hantaient la famille Crain résonnaient en eux à travers leur deuil, thème central de la série Netflix, qui est également présent dans Chapelwaite.

Le show s’ouvre sur la mort de la femme de Charles, première péripétie qui l’amène à rejoindre la ville de Preacher’s Corners et ce manoir flippant. Mais là où The Haunting of était plus poétique et subtile, inscrivant son aspect horrifique dans la terreur psychologique et émotionnelle des personnages, l’adaptation de King opte pour une version spectaculaire, sanglante voire carrément crade par moments, visuellement plutôt réussie mais où l’on perd cette proximité avec cette famille endeuillée.

Adrien Brody porte quasiment à lui tout seul la série (même si on apprécie la présence et le talent d’Emily Hampshire au casting, l’une des stars de la sitcom Schitt’s Creek), et il n’est malheureusement pas toujours très juste sur le registre de l’émotion. L’acteur cabotine souvent dans une adaptation qui, il faut le dire, en fait aussi des caisses pour instaurer une atmosphère sombre. On retrouve par exemple cet excès de noir dans l’image, si bien qu’il faut souvent plisser des yeux pour comprendre l’action dans certaines scènes.

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On retrouve également dans la série quelques effets “pop-corn” du cinéma d’horreur actuel, avec des jump scares pas toujours bien sentis et des musiques plombantes, qui sont là pour vous rappeler que, oui, les personnages évoluent dans un univers glaçant. Chapelwaite en fait parfois des tonnes pour pas grand-chose et même si l’exécution est efficace, elle manque cruellement d’ambition et d’originalité pour tirer son épingle du jeu.

© Epix

En soi, cette adaptation de King n’est pas mauvaise mais n’a pas le mordant, ce petit quelque chose qui la différencie d’une série d’horreur banale. On pense à l’univers poisseux inspiré de True Detective de The Outsider, ou encore à l’onirisme mélancolique d’Histoire de Lisey, aussi diffusée cette année sur la plateforme d’Apple. Chapelwaite s’appuie davantage sur la surenchère de gerbes de sang et d’insectes (vraiment) dégoûtants, si bien que les amateurs de sensations fortes y trouveront sans doute leur compte.

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Par ailleurs, si l’adaptation du roman est assez fidèle dans les grandes lignes, elle cherche à s’étendre d’une nouvelle de 400 pages à travers des sous-intrigues pas très intéressantes (une pseudo-romance par-ci, un personnage inédit par-là). Le rythme narratif aurait pu être plus soutenu, car la méthode du slow burner employée dans Chapelwaite peine à véritablement exploser dans un climax long, très long à atteindre en milieu de saison. Pas le haut du panier des adaptations de Stephen King donc, mais c’est toujours plus maîtrisé et travaillé que The Mist ou les dernières saisons d’Under the Dome.

En France, la série Chapelwaite sera diffusée prochainement sur Amazon Prime Video.