Le troisième chapitre de Channel Zero s’enfonce toujours plus loin dans le weird

Publié le par Adrien Delage,

© Syfy

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Tout juste quelques mois après la fin de No-End House, l’anthologie horrifique Channel Zero reprend sur Syfy avec son troisième chapitre intitulé Butcher’s Block. Après une maison hantée labyrinthique et l’émission dangereuse Candle Cove, l’imaginaire du showrunner Nick Antosca et la creepypasta Search and Rescue Woods de Kerry Hammond repoussent les frontières du weird, en nous plongeant dans les légendes urbaines d’une petite ville lugubre.

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À travers les yeux d’Alice et sa sœur Zoe, fraîchement débarquées à Garrett pour commencer une nouvelle vie, on découvre une bourgade américaine hantée par une série de disparitions mystérieuses. Toutes ont en commun des familles dysfonctionnelles, habituées aux visites des services sociaux. Les personnes concernées s’évaporent subitement dans la nature, un phénomène surnaturel apparemment lié à des escaliers magiques surgissant dans le parc lugubre de la ville, le nouveau MacGuffin de ce troisième chapitre de Channel Zero.

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Un monde en putréfaction

On le sait depuis deux saisons, et Butcher’s Block le confirme une nouvelle fois, Nick Antosca a un talent d’écriture incroyable pour planter un décor et une atmosphère singulière en 40 petites minutes. Si le rythme manque parfois de dynamisme, il vaut mieux avoir le cerveau et les tripes bien accrochés pour apprécier ses récits cauchemardesques. L’histoire d’Alice et de Zoe captive tout autant que Candle Cove et No-End House, et ce dès le season premiere.

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Le showrunner met en scène des personnages principaux en apparence archétypaux mais toujours frappés par un mal qui les habite. Ce sont des protagonistes traumatisés, voire brisés, qui font soudainement face à un événement surnaturel. Toutefois, ses histoires de fantômes se raccrochent à des thématiques réalistes : la perte de son frère pour Mike, le suicide de son père pour Margot et une famille déchirée par la schizophrénie dans le cas d’Alice et Zoe dans Butcher’s Block.

Ensuite, Nick Antosca plante un décor des plus glauques pour tourmenter ses personnages. Ici, il s’agit d’une petite ville de l’Amérique profonde oubliée par son gouvernement, qui empeste la mort à chaque coin de rue. Une bourgade transformée en zone économique morte, où les habitants survivent plutôt que vivent. On y trouve notamment une taxidermiste louche (sosie des personnages campés par Kathy Bates dans AHS), des voisins qui s’expriment par énigme, des usines d’abattage de viande laissées à l’abandon depuis plusieurs décennies…

À la manière du travail de Cary Fukunaga sur la première saison de True Detective, la mise en scène des réalisateurs de Channel Zero se fait le témoin d’un monde en décomposition. Une putréfaction symbolisée par le parc sinistre où les légendes urbaines naissent dans l’esprit des habitants. Les couleurs sont grises et froides, soulignant tout l’aspect macabre de la série. Le choix d’un rythme narratif lent se justifie alors, permettant une plongée contemplative dans l’horreur que s’apprêtent à découvrir les deux sœurs.

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Jamais un “jump scare” ne viendra vous faire sursauter dans l’anthologie horrifique de Syfy. En revanche, on vous met au défi de ne pas ressentir un sentiment de malaise à chaque fois que vous croiserez le bestiaire terrifiant et original de Nick Antosca. De ce côté-là, Butcher’s Block réalise encore un tour de force (pensée spéciale au gnome tueur d’enfants et sa manière flippante de se mouvoir, tandis que le monstre à dents de Candle Cove hante encore l’esprit du rédacteur de cet article). Channel Zero développe une intrigue subtile, composée de plusieurs couches et niveaux de lecture.

Alice au pays des cauchemars

L’œuvre de Nick Antosca est une catharsis pour l’homme qui y déverse ses craintes et ses réflexions, à la manière de Ryan Murphy dans American Horror Story ou encore de l’auteur Scott Snyder dans le comics horrifique Wytches. Dans Channel Zero, ces peurs sont liées à l’enfance. Le lien était très clair dans Candle Cove, où l’émission transformait les enfants en meurtriers, tout comme avec No-End House, où les souvenirs devenaient une source de danger pour les ados.

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Avec Butcher’s Block, la méthode est un peu différente puisque les enfants sont a priori les victimes des monstres qui errent dans la ville. Nick Antosca prend un sacré plaisir à pervertir les contes de notre enfance, comme cette fille qui disparaît sous les cris stridents de sa mère, vêtue comme le petit chaperon rouge. Mais le grand méchant loup est-il réel, ou bien est-ce une simple manifestation des esprits embrumés d’Alice et Zoe ?

De même, Butcher’s Block utilise à merveille la métaphore du trou du lapin blanc, tirée du roman de Lewis Carroll, qui nous permet de pénétrer dans un monde merveilleux. Ici, ce passage vers l’inconnu est symbolisé par l’escalier magique qui mène les vagabonds aux frontières de l’étrange. Les deux sœurs ont d’ores et déjà poussé métaphoriquement la porte de cet autre univers en débutant leur enquête sur les disparitions. Par ailleurs, dans l’esprit calculateur du showrunner, ce ne peut être une coïncidence si l’une d’entre elles se prénomme Alice…

Saison après saison, la série continue de cultiver le mystère de l’horreur avec brio. Dès la fin du season premiere de Butcher’s Block, on se demande si c’est vraiment Zoe, et non Alice, qui souffre de schizophrénie. Car l’horreur de cette famille, c’est bien cette épée de Damoclès qui trône au-dessus de leur tête : la maladie peut se déclarer chez elles à n’importe quel moment. Comme nous le disions précédemment, Nick Antosca rattache toujours ses peurs à quelque chose de réaliste, transformant son conte horrifique en un récit poignant et lourd de sens. Ce nouveau chapitre de Channel Zero est clairement un inratable de 2018.

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Dans l’Hexagone, la saison 3 de Channel Zero sera diffusée sur Syfy France à partir du 13 mars, chaque mardi soir à 22 h 30.