En saison 7, Arrow repousse les limites de la violence sur les chaînes publiques américaines

Publié le par Adrien Delage,

© The CW

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Le plus vieux super-héros DC de la décennie est en perte de vitesse depuis quelques saisons. Autrefois érigé comme un antihéros intransigeant aux méthodes expéditives, le Green Arrow est devenu plus lumineux à force de protéger Star City. La série de Greg Berlanti, Marc Guggenheim et Andrew Kreisberg peine à dépasser le million symbolique de téléspectateurs sur la CW depuis la saison 5, ce qui laisse craindre une annulation si la dégringolade se poursuit. À la rescousse de son porte-étendard du genre, le network a fait appel à la showrunneuse Beth Schwartz pour redonner ses lettres de noblesse à l’Archer vert.

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À la vue des deux premiers épisodes de la saison 7, elle n’a pas fait dans la dentelle. La scénariste s’est éloignée du style édulcoré de Berlanti pour se rapprocher du ton cru et réaliste, toutes proportions gardées, de mecs comme Kurt Sutter (Sons of Anarchy) et Drew Goddard (Daredevil). Son objectif : opérer un retour aux sources du vigilante de Star City, à l’époque où Oliver Queen n’hésitait pas à tuer pour cocher la liste des criminels tenue par son père. Une ère sombre où les flèches volaient en plein cœur de ses victimes et s’enfonçaient jusqu’à leur ôter la vie.

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Il faut dire que le contexte de la saison 7 est optimal : l’ex-maire de la ville s’est désigné en tant que Green Arrow afin de stopper Ricardo Diaz et protéger l’identité du reste de sa team. Le deal passé avec le FBI l’emmène tout droit à Iron Heights, un centre de détention de haute sécurité où Oliver retrouve les ordures qu’il a fait coffrer. Dans ces scènes au grain plus froid et gris que d’habitude, on sent l’envie de se rapprocher de l’atmosphère pesante et menaçante des cellules de The Night Of, Narcos et même de l’emblème du genre, Oz, diffusée à la fin des années 1990 sur HBO.

You have failed this TV

Si l’ambition est louable, la tâche est ardue, par rapport à des problématiques de censure. Les séries citées ci-dessus ont l’avantage d’appartenir à des chaînes câblées et des plateformes de streaming, où la liberté créative est dix fois plus importante que sur les networks américains type CW. Des diffuseurs chez qui il est possible de montrer une expression crue de la violence, de lâcher des “f-words” à longueur de temps et de mettre en scène des parties de jambes en l’air sulfureuses. Sur les chaînes publiques américaines, les censeurs sont beaucoup plus sévères, même si on remarque un assouplissement, avec l’évolution des mœurs, la multiplication des canaux de diffusion et la hausse de représentation des minorités.

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Aux États-Unis, chaque chaîne à son propre organisme de censure (les Standards and Practices). Ces entités ont donc la responsabilité de déterminer si un programme est toléré par le plus grand nombre de téléspectateurs, en fonction des cibles visées, de l’heure de diffusion et bien entendu des annonceurs, qui font vivre les coupures publicitaires. Si les séries ont l’obligation de se plier à ses règles, sur une tranche foncièrement familiale, voire adolescente concernant la CW, Arrow est parvenue à repousser ces limites à travers des scènes particulièrement brutales dans l’épisode “Inmate 4587”, pourtant diffusé en première partie de soirée (20 heures-21 heures) cette année.

La séquence la plus marquante survient à la fin du season premiere, alors qu’Oliver décide de passer à tabac les brutes de la prison à coups d’haltères. Le passage est violent, peu sanglant mais très réaliste, incroyablement cru même pour le super-héros le plus viscéral de l’Arrowverse. Le justicier quitte momentanément sa capuche de héros pour devenir “something else” si on s’amuse à paraphraser son célèbre monologue des génériques d’ouverture. En réalité, la scène est tellement violente que Beth Schwartz et James Bamford, réalisateur de l’épisode et accessoirement coordinateur des cascades de la série, ont dû contacter BNSP, l’organisme en charge de la censure sur la CW, pour avoir l’autorisation de l’inclure dans le montage final.

“Beth et moi avons dû contacter BNSP, qui sont nos censeurs… C’était un coup de fil interminable concernant une scène que nous n’avions jamais osé faire avant, confiait Bamford à Newsarama. On essaie vraiment de repousser les limites de la série sur le facteur de la violence. On tente d’aller le plus loin possible en accord avec la politique de la chaîne, ce qu’elle attend de nous et ce qu’on peut ou ne peut pas faire. Nous ne sommes pas sur Netflix, on ne peut pas se permettre de faire ce qui nous chante, mais on essaie quand même d’aller plus loin.”

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La comparaison du réalisateur avec la plateforme de streaming est particulièrement pertinente en cette rentrée 2018-2019. En effet, dans le season premiere de la saison 3 de Daredevil, Wilson Fisk vit l’exacte même scène dans la prison de Rykers Island, un haltère dans les mains, prêt à fracasser la tête d’un détenu. Et contrairement à Oliver, le Caïd se retient au dernier moment et épargne sa victime… Comme quoi le slogan de la CW (“Dare To Defy”, littéralement “oser défier”) n’a jamais été aussi juste.

Encore des progrès à faire

Il faut dire que la jeune chaîne, née de la fusion entre UPN et The WB en 2006, est généralement plus entreprenante que ses quatre concurrents principaux (ABC, NBC, Fox et CBS). Aline Brosh McKenna, la showrunneuse de Crazy Ex-Girlfriend, parlait en ces mots de l’audace de la CW par rapport aux autres networks pour le Hollywood Reporter en 2016 : “Il se passe tellement de choses à la télé de nos jours, les gens s’attendent à des programmes pour s’évader et qui font du buzz. À chaque fois qu’on a tenté quelque chose de controversé dans cette optique, la CW nous a soutenus. Ils ont vraiment adopté cette démarche.”

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Pour leur défense, il faut signaler que même la BNSP et consorts rendent des comptes à une autorité plus importante, appelée Commission fédérale des communications (FCC pour Federal Communications Commission), l’équivalent de notre CSA national. C’est elle qui a le dernier mot quand il s’agit de juger un contenu, qui a l’obligation de ne rien comporter d’indécent, d’obscène ou de blasphématoire pour être diffusé dans les médias. La FCC était notamment l’instigatrice de la “prime time censorship rule”, le cancer des networks avant son annulation dans les années 1970, décrétant que l’heure de grande écoute (avant 21 heures) était réservée à un public familial voire enfantin. À l’époque, ABC avait aussi interdiction de diffuser des programmes violents plus de cinq fois par semaine, des sports comme le hockey étant compris dedans !

Si Arrow est parvenu à passer outre la grande instance, il reste encore des progrès à faire sur les chaînes publiques et notamment en termes de représentation de la nudité. Crazy Ex-Girlfriend avait elle aussi essayé de repousser la censure des networks en montrant les tétons de Rachel Bloom. Et contrairement à Arrow, la BNSP s’est montrée intransigeante. Un raisonnement absurde, comme l’explique très justement Aline Brosh McKenna : “Vous pouvez très bien prendre un pic à glace, le planter dans la tête de quelqu’un à la télévision et le montrer de la manière la plus dégoûtante et violente possible […] mais on ne peut pas montrer des seins. Je crois pourtant que regarder quelqu’un en train de faire un garrot avec sa ceinture est un peu plus flippant que de voir le téton d’une femme.”

En France, la saison 7 d’Arrow est diffusée sur Netflix, à raison d’un épisode par semaine.

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