AHS: 1984 est un hommage (volontairement) indigeste aux slashers et aux années 80

Publié le par Marion Olité,

©FX

Une surenchère qui cache une critique de notre fascination pour les années 1980.

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Quand j’ai appris que la neuvième saison d’American Horror Story était sous-titrée 1984 et qu’elle comptait rendre un hommage appuyé au slasher, j’étais aux anges. Né à la fin de des années 1970 sur grand écran avec Halloween et Vendredi 13, ce genre horrifique où, en gros, une bande de jeunes fait face à un croque-mitaine venu les massacrer un à un (avec histoires de famille pas jojo à la clé), a connu un renouveau durant les années 1990 avec des succès comme Scream ou Souviens-toi l’été dernier.

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Le slasher n’a jamais vraiment quitté le cinéma, mais sans toutefois produire des chefs-d’œuvre. On est plutôt parti sur un gros manque d’inspiration et des œuvres de plus en plus nanars, parfois rentables (les six Détour mortel). Et il débarque depuis quelques années dans le business juteux des séries. Le film d’horreur culte de Wes Craven a connu trois piteuses itérations en séries. De son côté, Ryan Murphy a donné dans la parodie décérébrée avec Scream Queens, une série aussi fun que creuse, dénuée d’enjeux narratifs et d’émotion.

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J’espérais qu’avec AHS: 1984 le showrunner propose une nouvelle vision des slashers, ou un hommage rétro, fun, plus inclusif et en tout cas haletant. Les premiers épisodes me plongeaient dans une reconstitution fétichiste (cf. ce générique magique) et maîtrisée des années 1980 (pas les vraies, celles fantasmées version Hollywood) : des couleurs pastel, de la pop synthétique, des cours d’aérobic, puis la découverte du fameux Camp Redwood, théâtre de massacres passés, présents et futurs dans lesquels va se débattre une bande de jeunes adultes ainsi que le personnel présent sur place.

Problème : comment faire pour réinventer ou surprendre son audience quand on s’attelle au slasher, un genre ultracodifié mais déjà passé à la moulinette méta avec génie il y a plus de 20 ans (avec Scream) ? Peut-être justement en prenant l’histoire et ses personnages au sérieux. Sauf que Ryan Murphy et Brad Falchuk (scénaristes du 1er et du 6e épisode, ce dernier étant aussi le 100e de l’histoire d’American Horror Story) ont opté pour l’exact opposé, la surenchère systématique. Un procédé parfois réjouissant dans son chaos, mais aussi épuisant et qui mène souvent à un grand n’importe quoi.

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À compter de l’épisode 4 donc, les twists s’enchaînent, plus improbables les uns que les autres, transformant les bourreaux en victimes, et vice-versa. On ne compte plus les serial killers – entre Mr. Jingle, Margaret Booth, le Night Stalker et Montana dans une moindre mesure, puis Bruce (incarné par Dylan McDermott)… À tel point qu’au milieu de la saison, davantage de personnages ont tué ou été complices d’un meurtre que le contraire. Une fois de plus, AHS semble nous dire que la vie (et la mort) sont un cirque, donc autant y faire n’importe quoi.

C’est le mantra de la bande de fantômes, de plus en plus nombreux, qui hante le Camp Redwood, joue à se faire peur ou à terroriser les infortuné·e·s étranger·ère·s qui passeraient par là. À la manière d’American Horror Story: Hotel (la saison 5), la saison, comme ses fantômes, finit par tourner sérieusement en rond. Peut-on y voir un commentaire acerbe de la part de Ryan Murphy et Brad Falchuk sur les années 1980 en général – qui tournent à l’obsession superficielle depuis quelques années, en témoigne le succès d’œuvres pop comme Stranger Things ou Ça – et sur le genre du slasher en particulier ? Un jeu de massacre superficiel, qui se termine toujours de la même façon.

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Disque rayé

Les deux derniers épisodes achèvent de faire retomber la hype de ce qui s’annonçait comme un plaisir coupable. Une fois les points forts exploités – en gros, Billie Lourd qui incarne une Montana assez cool, le serial killer Richard Ramirez (Zach Villa), sataniste et fan de Billy Idol, la rédemption de Mr. Jingle (John Carroll Lynch) qui servait à nous montrer que nous créons nos propres monstres –, il ne reste plus grand-chose à se mettre sous la dent. Le suspens autour de la “final girl” trouve une résolution bancale : on garde Donna, parce que c’est une femme noire et que, d’habitude, les personnages racisés de font pas long feu dans les slashers, mais on garde aussi le stéréotype de la “final girl” – brune, mince, bonne, blanche, combative malgré les épreuves – calquée sur Jamie Lee Curtis dans Halloween ou Neve Campbell dans Scream. Un choix du duo féminin qui ne transgresse pas vraiment les codes du slasher, même si on appréciera sa sororité.

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On comprend bien le message sous-jacent d’une saison – le rock est la musique du diable… Nan, on déconne – qui brouille les pistes entre les “bons” et les “méchants”, avec pour seule boussole morale une Emma Roberts qui incarnait la Tueuse de Scream 4 il y a quelques années. Les personnages sont coincés au Camp Redwood, leur purgatoire, mais aussi dans les années 1980 tant vénérées dans un phénomène mondial qui relève de l’exonostalgie, c’est-à-dire de la nostalgie d’une époque que l’on n’a pas vécue, comme les millennials avec les années 1980, ou avant elle, la génération X avec les années 1970.

À force de donner dans le pastiche surconscient de ses effets et l’autodérision systématique, AHS 1984 a oublié de nous faire peur – ce qui est très dommage pour une série d’horreur, vous en conviendrez – et de nous intéresser à la trajectoire de ses personnages écrits à la truelle. Ils sont tous bons ou mauvais, vivants, massacrés (la dose de gore pour le coup, est bien présente) puis transformés en fantômes, donc pourquoi s’en inquiéter ?

À l’image d’un de ses nombreux hits eighties, au hasard “Too Shy” des Kajagoogoo (dédicace à ceux et celles qui ont été jusqu’à l’épisode 8) AHS: 1984 est un composite pop familier, réconfortant (pour les fans de slashers j’entends) dans lequel on pourrait rester vautrer longtemps… Jusqu’à se rendre compte qu’on perd son temps ?

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La saison 9 d’American Horror Story: 1984 est diffusée sur Canal+ Séries.