Malik Afegbua, l’artiste qui fait défiler les modèles noirs et séniors que la mode oublie

Publié le par Anna Carolina Assuncao,

© Malik Afegbua

Ça vous dit une Fashion Week 100 % mamies et papis ?

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Les personnes noires, et qui plus est, séniors, souffrent du manque de représentation dans le monde de la mode et des médias. À partir de ce constat, l’artiste Malik Afegbua a imaginé une série nommée A Fashion Show For The Seniors (“un défilé pour les personnes âgées”). À première vue, vous vous dites sûrement qu’il s’agit de portraits mettant en lumière des personnes âgées en plein défilé. Désolée de vous l’apprendre, mais il n’en est rien.

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Ce ne sont pas de vraies photos. Et ce n’est pas un vrai défilé. Aussi étonnant soit-il, ces images sont créées grâce à une intelligence artificielle, à partir de portraits du peuple Ngochola, ayant vécu il y a 250 000 ans sur le continent africain. En d’autres mots, ces séniors n’existent pas et n’ont jamais existé sous cette apparence-là. Néanmoins, le message est clair : la volonté de les rendre visibles. C’est à travers son art que le photographe et réalisateur nigérian veut avoir un impact. Rencontre avec Malik Afegbua, depuis Lagos.

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Konbini arts | Bonjour Malik ! Peux-tu nous parler de ta série A Fashion Show For The Seniors ?

Malik Afegbua | Dans mon travail, j’ai toujours voulu rendre visibles les personnes sous-représentées. Dans ce cas-là, ce sont les personnes âgées. On ne prête pas assez attention à elles. On les aime, on prend soin d’elles, mais on n’y prête pas énormément d’attention, surtout lorsqu’elles dépassent la soixantaine. Je voulais les présenter sous une lumière différente, dans un contexte où on ne les voit jamais, celui d’un défilé de haute couture. Mon but était de les montrer débordant de confiance.

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Et tu as choisi un défilé de mode…

Ça n’a jamais été fait avant. Je n’ai jamais vraiment vu des photos de personnes âgées dans un contexte luxueux. Durant les Fashion Week, on ne voit qu’un groupe social bien précis, jamais des personnes âgées. Du coup, je me suis dit : “Pourquoi ne pas les télé-transporter sur un défilé de mode ?”

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Ça leur ferait du bien de voir ça et de se dire : “On est là et on a toujours le peps.” Je pense que c’est très important qu’elles soient représentées partout, pour ne pas se sentir exclues de la société. On ne doit pas les exclure, juste parce que ce sont des séniors. Et aussi, j’adore le monde de la mode, donc pourquoi pas !

Ton travail a fait le tour des réseaux sociaux et a beaucoup été commenté. Il y a eu un tweet intéressant qui disait : “Les personnes noires sont sous-représentées dans le monde de la mode, pourquoi créer de faux personnages avec une IA alors qu’on pourrait prendre de vraies personnes ?”

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J’adorerais le faire, mais la différence, c’est que je raconte des histoires. Mon travail n’est pas de les mettre en pratique forcément. Par contre, si une personne aime mon idée et veut la rendre réelle, on peut collaborer ! Ce que je veux surtout faire passer comme message, c’est qu’il y a différentes possibilités qui s’ajoutent à la réalité. En utilisant l’intelligence artificielle, je peux détourner la réalité de façon positive et inspirer d’autres personnes.

Mon but après ce projet, c’est que les gens se disent : “Faisons un défilé ou même toute une Fashion Week dédiée aux personnes âgées.” D’ailleurs, ça a déjà été le cas. Je pense qu’avec mon art, je peux titiller l’imagination de certaines personnes. Je veux que les gens s’identifient. Je vis beaucoup dans ma tête, j’imagine souvent des univers et des situations alternatives. J’imagine comment les choses pourraient être plus positives car le monde est très chaotique.

Pourquoi utilises-tu la technologie, et plus spécifiquement l’intelligence artificielle, pour faire de l’art ?

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Beaucoup de personnes ne l’acceptent pas et pensent que la technologie est en train de voler le travail des artistes. Moi, je ne pense pas que ça soit le cas. Je suis un artiste visuel et j’ai la capacité de produire des images moi-même en utilisant mon stylo et mon iPad. Par contre, l’IA est une façon plus facile d’atteindre mon imagination. Et ça, ça m’impressionne. J’essaye toujours de voir comment l’IA peut améliorer mon art et mes histoires. La combinaison de mon imagination et de l’IA est phénoménale. Je sens que le monde va dans cette direction. Le plus tôt tu l’acceptes, le mieux c’est.

Quels logiciels utilises-tu ?

J’en utilise trois : Stable Diffusion (le même que Lensa), Disco Diffusion et Midjourney. J’ajoute également du Photoshop. Quand on est novice, Midjourney suffit, car il génère une image à partir d’une description simple. Tu peux faire différentes variations de ces images en les changeant jusqu’à obtenir ce que tu souhaites. Mais encore une fois, ce n’est jamais parfait et l’IA ne pourra jamais reproduire exactement ce qu’on a dans notre tête.

Quels sont tes futurs projets ?

J’ai réalisé des documentaires et séries qui vont sortir sur Netflix, l’année prochaine, et plein d’autres projets avec mon studio Slick City Media, pour montrer que nous avons aussi de très bons storytellers au Nigeria. Celui qui sortira prochainement s’appelle Made By Design et je prépare un biopic sur Mama Nike, une légende dans l’industrie de l’art du Nigeria.