Des sculptures de sperme et de mélanine soulignent l’absurdité du sexisme et du racisme

Publié le par Lise Lanot,

© Art21

"C’est comme une émission de cuisine : j’ai du sperme, du sang, de la mélanine et de l’urine", plaisante l’artiste Jes Fan.

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Pour réaliser ses sculptures, Jes Fan passe autant de temps au laboratoire que dans son atelier. Avec l’aide de scientifiques, il cherche à transformer des molécules, hormones, pigments ou liquides biologiques pour les fixer dans ses œuvres d’art. Ce n’est cependant pas par amour du scandale que l’artiste manipule sperme, mélanine, testostérone, sang, urine ou E. coli.

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Au contraire, ce sont des engagements politiques, culturels et sociaux qui sous-tendent ses œuvres. Dans une vidéo réalisée pour Art21 et partagée par Artnet, Jes Fan explique travailler avec “ce qui est considéré comme des matériaux genrés ou racialisés”, à l’instar de la testostérone ou de la mélanine.

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En travaillant chimiquement ces éléments, il souhaite souligner l’absurdité des injustices, inégalités et haines de l’autre liées à la présence plus ou moins importante d’une simple molécule : “Je pensais beaucoup à la façon dont la race, surtout aux États-Unis, est vue comme quelque chose d’infectieux. Pensez à la Chine et au Covid-19. Pensez au SRAS et à Hong Kong. Pensez à l’époque des lois Jim Crow – l’idée de ne pas partager des plans d’eau, l’idée que ce serait infecté.”

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Bouleverser les attentes et les mentalités

L’artiste joue sur des paradoxes avec ses sculptures. Il affirme aimer travailler des formes rondes, sensuelles, attirantes pour l’œil, avant de bouleverser les émotions du public quand celui-ci s’aperçoit que les travaux sont réalisés à partir de matériaux vus comme non hygiéniques tels que du sang, du sperme ou de l’urine. “La dimension érotique séduit. C’est de la beauté lustrée, la possibilité de voir son reflet à l’intérieur. Et en même temps, on contemple quelque chose qui nous révulse, qui est considéré comme infectieux ou sale”, développe-t-il.

Ainsi, Jes Fan espère susciter des réactions et des sentiments moins lisses que ceux démocratisés par les réseaux sociaux, où “la seule façon d’aimer est de double-taper”. Ayant grandi à Hong Kong, où “être queer était très oppressif” et où “aucun·e adulte queer n’est représenté·e, ce qui empêche de se projeter soi-même”, l’artiste espère changer les perceptions et les mentalités à travers ses œuvres protéiformes.

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Le travail de Jes Fan est visible dans l’exposition collective “Soft Water Hard Stone”, présentée au New Museum de New York jusqu’au 23 janvier 2022.