Des ouvriers italiens aux femmes transgenres : l’humanité dans l’objectif de Lisetta Carmi

Publié le par Sabyl Ghoussoub,

© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti

"J’étais très intéressée par l’humanité, la vie des êtres humains, en particulier celle des pauvres."

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Pianiste un temps, photographe un autre et, enfin, fondatrice d’un ashram, Lisetta Carmi a eu plusieurs vies. À son cou sont accrochés un chapelet et un collier duquel pend le portrait d’un homme en noir et blanc, lorsque la photographe dit dans une interview menée par le commissaire Giovanni Battista Martini, en 2018 : “J’étais très intéressée par l’homme, par l’humanité […], la vie des êtres humains, en particulier celle des pauvres.”

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Those With a Name to Come est le livre-catalogue, coédité par les éditions Filigranes et l’École nationale supérieure de la photographie, de ce qui aurait dû être la première grande exposition monographique de Lisetta Carmi en France. Elle devait se dérouler en 2020 lors des rencontres d’Arles mais, Covid oblige, elle n’a pas eu lieu.

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“I travestiti, La Cabiria”, 1965-1970. (© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti)

Projet collectif de recherche curatoriale qui impliquait étudiant·e·s et professionnel·le·s, l’exposition s’intéressait au travail réalisé par la photographe italienne, âgée de 96 ans, au cours des années 1960-1970.

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Divisé en cinq séquences distinctes, l’ouvrage présente d’abord une archive de la communauté transgenre à Gênes que Carmi a fréquentée et photographiée pendant six ans, des images en couleur et en noir et blanc où ces femmes transgenres resplendissent de beauté.

© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti

S’ensuivent, dans le désordre, une série sur les hommes du port de Gênes, une autre sur le cimetière Staglieno, l’un des plus grands d’Europe et, enfin, une prise en 1965 dans le métro parisien qui fascinait la photographe de par son architecture et sa fréquentation.

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La dernière série, la plus touchante, illustre sa rencontre avec le poète Ezra Pound devant sa maison située à Rapallo. Douze photographies en noir et blanc d’une tendresse incroyable, où l’on voit apparaître les mains squelettiques de l’homme, en robe de chambre, les cheveux blancs hérissés sur la tête, sur le pas de sa porte.

Ezra Pound, 1966. (© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti)

De cette rencontre, Carmi écrivit :[Ezra Pound] sort, fixe son regard sur nous, un regard indéfinissable qui nous dépasse et contemple l’infini.” C’est cet infini-là que Carmi semble avoir cherché toute sa vie, un infini qui ne durera que quelques minutes, le temps au poète qui vivait reclus d’observer, de la regarder et de se retourner sans avoir prononcé un mot.

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Pour Carmi, la photographie n’a jamais été suffisante, elle était un moyen parmi d’autres de comprendre le monde.

“Pour Lisetta Carmi, comprendre ne se réduit pas seulement à un travail intellectuel dirigé vers l’explication d’un phénomène. Encore moins à une simple représentation visuelle. La compréhension est chez elle une expérience spirituelle qui, dans un sens presque mystique, implique une fusion profonde avec ce qu’elle cherche à comprendre”, écrit Alejandro León Cannock, l’un des commissaires.

Métropolitain, Paris, 1965. (© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti)

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“I travestiti”, 1965-1970. (© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti)
© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti
© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti
“I travestiti, Dalida”, 1965-1970. (© Lisetta Carmi/Martini & Ronchetti)
Couverture du livre “Those With a Name to Come”, de Lisetta Carmi, aux éditions Filigranes et ENSP.

Le livre Those With a Name to Come, de Lisetta Carmi, coédité par les éditions Filigranes et l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, est disponible ici.