En images : dans les loges d’un cabaret de transsexuels à Athènes en 1996

Publié le par Joséphine Faisant,

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Avant de travailler pour le quotidien national grec Kathimerini, le photographe Pavlos Fysakis opérait en free-lance. C’est durant cette période que lui est venue l’idée du projet Dolls. Au-delà de l’esthétique des scènes capturées dans ce cabaret, les photos de Pavlos Fysakis nous invitent à repenser la définition d’identité sexuelle.

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Drag-queens, travestis, transsexuels, transfemmes, androgynes ou encore shemales… Les termes qui se déclinent autour de la notion de “transgenre” sont nombreux mais se rejoignent en un point : le questionnement de son identité. C’est ce qui a intrigué en premier lieu le photographe Pavlos Fysakis, en 1996, lorsqu’il a passé la porte du cabaret Dolls de l’avenue Sygrou à Athènes, très réputé pour ses activités nocturnes en tout genre.

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Admiratif de leur courage, il s’est intéressé aux personnages hauts en couleur de ce cabaret où se produisent des transsexuels. Il est alors venu plusieurs soirs pour assister aux différents numéros et tenter de créer un contact, en vain. En effet, il explique que les premières fois qu’il est venu dans ce théâtre confiné, il a été rejeté. Établir un lien au-delà du contexte festif semblait impossible. Pourtant, le photographe n’a pas renoncé, il a continué à venir régulièrement assister aux spectacles.

Une obstination qui a payé, car Pavlos Fysakis a fini par obtenir la confiance et l’approbation de la manager de l’établissement, Marilou. Avec sa bénédiction, le photographe a pu alors accéder aux coulisses et tisser des liens avec les transsexuels qui s’y préparaient. Autrement dit, il a pu se glisser dans l’antichambre de leur seconde identité. Une expérience qui a suscité chez le photographe un grand nombre d’interrogations sur le sujet. Un questionnement que l’on peut palper à travers les photos de la série Dolls.

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Une série pour s’interroger sur le genre

La plupart des photos sont prises en coulisse, sur le vif, au rythme agité des multiples opérations à exécuter pour devenir cette autre personne. Grand ou petit, mobile ou accroché, le miroir est l’élément clé du décor, ce qui est peu surprenant dans cette loge où l’apparence est au centre de toutes les attentions. On voit alors ces personnes plonger dans leur reflet avec concentration puis satisfaction, et parfois avec hâte.

Ces portraits sont marqués par l’affection qu’il a développée pour elles. On ressent au fil des photos son regard admiratif et attendri. Leur lutte pour changer de sexe est difficile à différents niveaux. Même si le décor est fait de strass et de plumes, cette transformation n’est pas légère et demande un courage et une détermination sans borne. De telles qualités se nourrissent d’une énergie et d’une force combative qui parfois menacent de s’échapper au fil des épreuves.

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C’est ce que l’on peut constater avec la photo d’une danseuse assise en bas résille qui semble nouer ses chaussures avec le regard vide, presque désabusé. Son reflet se dédouble dans deux miroirs, l’un rond et l’autre carré, au milieu de produits de beauté en pagaille. On pourrait y voir la métaphore de son existence qui oscille perpétuellement entre deux rives. Le destin est entre leurs mains et elles ne le laissent pas s’échapper. Outre la question du genre, c’est aussi la question de la construction de l’identité, de la seconde naissance qui est illustrée par cette série.

Donner naissance à une nouvelle identité

“Je me suis demandé : comment se définit-on ? Quel est le procédé pour faire naître une nouvelle identité ?” Ce projet est le fruit des questions que Pavlos Fysakis s’est posées durant cette année où il fréquenta les coulisses du cabaret Dolls. Il se positionne au plus près d’elles pour nous transmettre toute l’agitation du moment, la ferveur du lieu qui s’anime pour donner naissance à ces nouvelles femmes.

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Il semble ainsi déterminé à nous dévoiler une image de vérité sur les secondes naissances qui ont lieu chaque soir. Renaissance mise en exergue avec les photos en diptyques “avant/après”. Le photographe juxtapose les deux photos en plan américain de chacune des danseuses du cabaret sur fond blanc, à gauche avant passage en loge, à droite après.

Afin d’accentuer l’effet miroir produit par l’association de ces deux images, chacune des personnes photographiées conserve la même expression, le même regard, parfois dans une posture identique. À gauche, c’est le portrait de la réalité anatomique de l’individu et à droite, la réalité de son âme. L’identité se dédouble : on perçoit ainsi toute la complexité, la souffrance mais aussi la délivrance de leur combat au quotidien.

Si le travestissement détient une certaine esthétique burlesque, sous l’objectif de Pavlos Fysakis, il se dote d’une réflexion philosophique qui place l’être humain et ses vagues à l’âme au cœur du sujet.

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