15 livres sur l’art à dévorer pour vous évader

Publié le par Lise Lanot,

Romans, bandes dessinées, essais et (auto)biographies : voici une sélection de tous les arts pour tous les goûts.

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Après avoir visionné nos 22 films sublimes sur l’art, voici (de nouveau) de quoi occuper vos yeux et votre esprit. De l’âge d’or de la peinture impressionniste aux frasques de la Factory d’Andy Warhol, en passant par les histoires de vie des plus grand·e·s artistes de notre époque tel·le·s Marina Abramović, Jean-Michel Basquiat, Yayoi Kusama ou encore Gordon Parks : coup de projecteur sur 15 romans, biographies, essais et romans graphiques à dévorer pour voyager confiné·e·s.

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Les (auto)biographies

Infinity Net, de Yayoi Kusama (2012)

“Infinity Net”, de Yayoi Kusama (2012).

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À 91 ans, Yayoi Kusama continue de fasciner le monde grâce à ses œuvres colorées et avant-gardistes dans lesquelles les spectateur·rice·s se perdent, face à l’infini de ses pois, de ses miroirs et de ses lumières – notamment dans ses Infinity Rooms et ses Infinity Nets. L’artiste japonaise vit depuis une quarantaine d’années dans un hôpital psychiatrique japonais. Cela ne l’empêche de laisser libre cours à ses hallucinations visuelles et à ses créations délirantes.

Son autobiographie, rédigée en Japonais et traduite en anglais, remonte à son enfance au Japon, lorsqu’elle commence à avoir des hallucinations (qui la mènent au dessin), jusqu’à son départ pour les États-Unis, influencé par la peintre américaine Georgia O’Keeffe. Elle se remémore les remous des années 1960 et 1970 à New York et sa rencontre avec Andy Warhol, entre autres. L’ouvrage est une immersion dans son esprit, aussi jeune et fourmillant que ses œuvres.

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Traverser les murs, de Marina Abramović (2017)

“Traverser les murs”, de Marina Abramović (2017).

La “grand-mère de l’art performance publiait en 2017 ses mémoires, Traverser les murs. Avec un humour aussi vif que ses performances sont tranchantes, Marina Abramović y retrace sa vie, son enfance “marquée de sévices quotidiens”, son adolescence (notamment ce moment où “elle tente de se casser le nez pour ressembler à Brigitte Bardot”), ses trois avortements, ses collaborations avec son compagnon de l’époque Ulay, décédé début mars et bien sûr, sa pratique artistique. “Pire est votre enfance, meilleur artiste vous deviendrez”, déclarait-elle aux Inrocks peu après la sortie de son livre.

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Ses œuvres, toutes plus intenses et émotives les unes que les autres, sont racontées par leur créatrice, qui considère que sa vie entière est une performance. Passionnée par la réalité virtuelle et la possibilité de se créer des avatars, “plusieurs Marina [qui pourraient] courir de-ci de-là dans le monde”, on imagine ses mémoires comme une possibilité supplémentaire de se démultiplier à travers le monde.

Si le format autobiographique vous rebute, l’écrivaine Claudie Gallay publiait, également en 2017, La Beauté des jours : un roman racontant la passion d’une jeune postière “à la vie singulièrement répétitive”, vouant un culte à Marina Abramović. Un bon moyen de se familiariser avec l’œuvre de l’artiste.

Voices in the Mirror: An Autobiography, de Gordon Parks (2005)

“Voices in the Mirror: An Autobiography”, de Gordon Parks (2005).

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Gordon Parks a traversé le XXe siècle avec force et ardeur. En tant que photographe, réalisateur, écrivain et musicien, il s’est attelé à lever le voile sur les conditions de vie des Afro-Américain·e·s et à leur donner davantage de pouvoir et de visibilité. Il est le premier Afro-Américain à produire et mettre en scène de grosses productions cinématographiques. S’il a marqué le monde du photojournalisme, il s’est également fait remarquer pour ses images de mode, en collaborant avec Vogue, Glamour et le magazine Life.

Ses mots emmènent le lecteur de son Kansas natal et du Minnesota de son adolescence jusqu’à ses voyages à Harlem, Rio ou encore Paris. Dans Voices in the Mirror (disponible uniquement en langue anglaise), Gordon Parks dresse des portraits d’emblèmes de sa génération : Malcolm X, Elijah Muhammad, Mohamed Ali ou encore Ingmar Bergman. Ce ne sont cependant pas seulement les noms les plus célèbres qui l’intéressent, au contraire. Le photographe donne une place d’honneur aux petites gens dans un livre à l’image de sa vie : résistant et puissant.

Edie, de Jean Stein et George Plimpton (1982)

“Edie”, de Jean Stein, en collaboration avec George Plimpton (1982).

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En 1987, le célèbre écrivain américain Norman Mailer disait de ce livre de Jean Stein que “dans le genre difficile de la littérature de témoignages, [ce dernier constituait] une brillante exception”. Plutôt que de raconter d’une seule voix et grâce à diverses documentations externes, la vie d’Edie Sedgwick (artiste et muse d’Andy Warhol) et par extension, de la Factory et du pape du pop art, l’ouvrage rassemble des centaines de témoignages directs.

La fureur créative des années 1960 et ses tourbillons de sexe, drogue et rock’n’roll sont largement illustrés dans ce livre, qui voit passer le Velvet Underground (qui écrit “Femme Fatale” en l’honneur d’Edie) ; Bob Dylan (qui composa “Just Like a Woman” pour elle) ; Patti Smith ; ou encore Truman Capote. Si vous avez soif de vous plonger davantage dans les extravagances des sixties et d’Andy Warhol, l’autobiographie de Debbie Harry, la chanteuse de Blondie, Face It, sera à ajouter à votre liste de lecture.

We Flew over the Bridge: The Memoirs of Faith Ringgold, de Faith Ringgold (1995)

“We Flew over the Bridge: The Memoirs of Faith Ringgold”, de Faith Ringgold (1995).

Depuis le début de sa carrière artistique dans les années 1950, Faith Ringgold a utilisé ses talents dans différents médias artistiques (la peinture, la sculpture, l’écriture, l’illustration et le patchwork), pour mettre en lumière le racisme inhérent à la société américaine. Les mouvements des droits civiques et de libération des femmes, ainsi que la lutte contre le racisme ont toujours été au centre de ses œuvres et des livres pour enfants qu’elle a écrits.

En 1995, Faith Ringgold publie ses mémoires sous forme d’album jeunesse. Ses dessins bruts relatent son enfance, pendant la Renaissance de Harlem, un mouvement de renouveau de la culture afro-américaine, ainsi que tous les obstacles qu’elle a dû surmonter en tant que femme noire au XXe siècle. Aujourd’hui, ses œuvres sont exposées au Metropolitan Museum of Art, au Guggenheim et au Museum of Modern Art, entre autres. Ses mémoires illustrées – en langue anglaise – sont un conte d’espoir et de résistance.

Les essais

Sur la photographie, de Susan Sontag (1977)

“Sur la photographie”, de Susan Sontag (1977).

Devenu un livre culte sur la photographie, l’ouvrage de Susan Sontag est en fait une compilation de six essais rédigés entre 1973 et 1977. L’activiste américaine met en regard le rôle de la photographie avec les sociétés capitalistes des années 1970.

Le constat principal de ses écrits ? “Écrire sur la photographie, c’est écrire sur le monde.” Pour l’autrice, le monde a changé sa façon d’observer en même temps que s’est épanouie et démocratisée la pratique photographique. Cette dernière aurait également formé une attitude “anti-interventionniste”, qui implique qu’une personne qui documente un événement ne peut intervenir et vice-versa. Une lecture exigeante, grâce à une essayiste de talent ayant partagé sa vie avec la grande photographe Annie Leibovitz.

La Chambre claire, de Roland Barthes (1980)

“La Chambre claire”, de Roland Barthes (1980).

La Chambre claire constitue sans doute l’un des ouvrages de référence de tout·e passionné·e de photographie. L’essayiste français y compile 25 photographies choisies par ses soins – parmi lesquelles des travaux de Nadar, William Klein, Richard Avedon ou encore Robert Mapplethorpe.

Fidèle à l’écriture rigoureuse et savante du philosophe, cet essai détaille les relations de la photographie à divers éléments, qu’il s’agisse de celui qui photographie ou de ce qui est photographié, mais aussi de la mort, de la surprise, de la sagesse ou de la folie.

Les récits de vie

Vie de David Hockney, de Catherine Cusset (2018)

“Vie de David Hockney”, de Catherine Cusset (2018).

À mi-chemin entre la biographie et le roman, Catherine Cusset publiait en 2018 sa perception de la vie de David Hockney. De façon chronologique, la romancière française retrace l’enfance anglaise de l’artiste, l’amour de sa famille, son talent, mais aussi ses coups de chance et de débrouillardise avant que n’arrive le succès, les excès, les amours, le travail, les années sida et une vieillesse calme.

Aujourd’hui âgé de 82 ans, le peintre est installé dans le Calvados, en Normandie. Malgré cela, Catherine Cusset n’a pas souhaité rencontrer l’objet de son roman de peur qu’il refuse, mais aussi afin de ne pas “être influencée par lui”. Sans ses réminiscences directes, l’écrivaine raconte avoir fait “un gros travail de construction”, puisque l’homme n’a jamais écrit sur “sa vie privée, les années sida, sa vie amoureuse”.

“J’avais peur que ce soit mal perçu par David Hockney, car je suis allée dans l’intimité, avec des choses dont il n’a jamais parlé et que je décris après les avoir devinées à partir d’une ou deux phrases”, confie l’écrivaine. Le livre permet une incursion dans l’œuvre et la vie de l’un des peintres les plus côtés du XXe siècle de façon mystérieuse et romancée : au fil des pages, on navigue entre chien et loup, entre faits documentaires et imaginés.

Diego et Frida, de J. M. G. Le Clézio (1993)

“Diego et Frida”, de J. M. G. Le Clézio (1993).

J. M. G. Le Clézio a décidé en 1993 de raconter Frida à travers Diego et Diego à travers Frida. Malgré une vie de couple faite de disputes, d’un divorce et d’infidélités, les noms de ces deux immenses figures de l’art mexicain vont difficilement l’un sans l’autre – c’est sans doute pour cela que le livre débute à leur rencontre et non à leur naissance.

L’histoire racontée par Le Clézio est celle d’un couple mythique, certes, mais aussi et surtout celle de leur art et de leur rôle dans son renouvellement, de leurs choix politiques, de leur “foi dans la révolution, leur rencontre avec Trotski et Breton”. Ce conte dédié à “la colombe et à l’éléphant” ne met pas de côté leurs histoires individuelles, telle que la douleur physique que Frida Kahlo aura connue toute sa vie ou la personnalité pantagruélique du séducteur Diego Rivera.

Les phrases ciselées et actives du romancier récipiendaire d’un prix Nobel de littérature concernent l’un puis l’autre des artistes, rarement les deux en même temps. Leurs existences sont indissociables, mais individualisées – par respect pour la puissance singulière de chacune de leurs œuvres, peut-être ?

Une femme en contre-jour, de Gaëlle Josse (2019)

“Une femme en contre-jour”, de Gaëlle Josse (2019).

La vie et l’œuvre de Vivian Maier avaient déjà connu l’intérêt du grand écran. En 2014, un documentaire, À la recherche de Vivian Maier, relatait l’histoire incroyable de cette gouvernante américaine, morte anonyme. La dizaine de milliers d’images réalisées par celle-ci avait été retrouvée après sa mort et immédiatement comparée aux œuvres des plus grands artistes du XXe siècle.

L’année dernière, la romancière française Gaëlle Josse a rendu hommage à la photographe dans un beau roman. Très documenté, l’ouvrage met en exergue l’immense solitude – voire l’isolation – de cette nourrice, qui a passé son existence dans l’ombre et n’aura jamais su comme son nom et ses images sont devenues célèbres. Cette biographie écrite à la manière d’un roman raconte une femme attachante, désintéressée, à laquelle on ne peut que se sentir lié·e·s.

Je suis Jeanne Hébuterne, d’Olivia Elkaim (2017)

“Je suis Jeann Hébuterne”, d’Olivia Elkaim (2017).

En même temps qu’elle rappelle l’œuvre d’Amedeo Modigliani, Olivia Elkaim emprunte la voix de Jeanne Hébuterne, artiste et compagne du peintre. La jeune fille n’a que 18 ans lorsqu’elle rencontre l’artiste italien. Très vite, elle ne voit plus qu’à travers lui et celle qui se destinait à devenir elle-même artiste devient sa muse. Une dizaine de toiles du grand peintre la représente.

Écrit près d’un siècle après la mort de Jeanne (qu’elle s’est donnée deux jours après le décès de son compagnon), le roman a pour vocation de donner plus qu’une silhouette et des poses à la jeune femme. Le récit, à la première personne, peint et brode autour d’une histoire d’amour passionnelle et éclair, qui dura de leur rencontre, en 1917, à leur mort, en 1920.

Les récits d’époques

La Jeune Fille à la perle, de Tracy Chevalier (1999)

“La Jeune Fille à la perle”, de Tracy Chevalier (2018).

Le titre, La Jeune Fille à la perle, vous fait peut-être davantage visualiser les visages de Scarlett Johansson et de Colin Firth que le roman éponyme de Tracy Chevalier. C’est pourtant bien elle qui, en 1999, a donné vie à un portrait de Johannes Vermeer, peint pendant le siècle d’or néerlandais, qui l’avait toujours intrigué :

“J’ai écrit ce livre, parce que j’ai toujours été fascinée par le tableau de Vermeer, ‘La Jeune Fille à la perle’. À quoi pense-t-elle ? Parfois, elle semble vouloir séduire, parfois elle paraît triste. Parfois, on croit qu’elle a 13 ans et d’autres 30 ans. Je me demandais ce que Vermeer avait bien pu dire ou faire pour qu’elle ait un tel regard. De cette interrogation est né ce roman.”

Intemporel et facile d’accès, le roman s’épanche sur la passion artistique et passionnelle entre un maître et son modèle. D’un tableau, dont on ne sait rien (ou presque), Tracy Chevalier élabore un univers fictif. Les mots de l’autrice américaine s’appesantissent sur la technique du maître, sur son regard, les couleurs de sa palette… Pendant les séances de pose, un silence qu’on n’oserait déranger se dégage des pages du livre. L’intrigue, se situant à Delft aux Pays-Bas, au XVIIe siècle, est un voyage spatio-temporel pour les lecteur·rice·s de tous les âges.

Falaise des fous, de Patrick Grainville (2018)

“Falaise des fous”, de Patrick Grainville (2018).

Entre 1868 et 1927, le personnage principal de la Falaise des fous de Patrick Grainville raconte l’aventure impressionniste. Le récit, installé dans les falaises normandes, à Étretat, balade les lecteur·rice·s de la guerre de 1870 à la Première Guerre mondiale, l’affaire Dreyfus ou encore la traversée de l’Atlantique par Lindbergh.

Aux côtés du Normand, on découvre la peinture de Claude Monet, qui agit sur lui comme un choc. Puis, grâce à ses deux amantes, on se retrouve en présence de Courbet, Boudin, Degas, mais aussi d’écrivains, Flaubert, Hugo et Maupassant en tête. Ce roman-fleuve (de plus de 650 pages) sert, à chacune de ses pages écrites à la première personne, des références artistiques, littéraires et historiques. De quoi se plonger dans le tournant de deux siècles où se sont bousculés nombre de destins et d’aventures créatives révolutionnaires.

Les romans graphiques

Basquiat, de Julian Voloj et Søren Mosdal (2020)

“Basquiat”, de Julian Voloj et Søren Mosdal (2020).

Le scénariste Julian Voloj et le dessinateur Søren Mosdal ont imaginé un roman graphique retraçant la courte carrière de Jean-Michel Basquiat, membre du tristement célèbre “club des 27”. De ses débuts de graffeur au sein du duo SAMO jusqu’à la gloire qu’il connaît jeune, il concentre son art, pictural et littéraire, autour de questionnements sociaux. Il s’intéresse aux conditions de vie des Noir·e·s dans l’Amérique des années 1970 et 1980, soutient la lutte des classes et infuse des arcs politiques à ses œuvres poétiques.

Le New York des années 1970 explose aux couleurs des toiles de l’artiste et au rythme du “punk, jazz [et] hip-hop” qu’il affectionnait. L’ouvrage s’inspire de faits réels et glose autour de “la lutte permanente entre l’artiste, ses créations et les démons intérieurs qui finirent par le détruire”, d’une overdose d’héroïne et de cocaïne à 27 ans.

Niki de Saint Phalle : Le Jardin des secrets, de Dominique Osuch et Sandrine Martin (2014)

“Niki de Saint Phalle : Le Jardin des secrets” de Dominique Osuch et Sandrine Martin (2014).

La bande dessinée de Dominique Osuch et Sandrine Martin s’attache à rendre compte de la boulimie créative de Niki de Saint Phalle, en témoigne son parcours artistique. Autodictate, elle a touché, le long de sa carrière, à la peinture, la sculpture, aux arts plastiques ou encore à la réalisation de films. Ses statues signatures, immenses et colorées, sont une énième preuve de cette avidité grandiose qui ne l’a jamais quittée.

L’ouvrage est émaillé de citations de l’artiste et le scénario est en noir et blanc, afin de laisser exploser toutes les couleurs de son œuvre, visible au fil des pages. Les deux autrices ont réalisé un hommage à la gloire de l’artiste militante (notamment aux côtés des Afro-Américain·e·s, des femmes et des malades atteint·e·s du sida), qui s’émancipe parfois des faits documentaires pour créer un récit facile à lire. Ce dernier s’adresse plus particulièrement à celles et ceux qui ne connaissent que peu l’artiste.

Mille mercis à Donnia Ghezlane-Lala, sans qui cet article n’aurait pas pu voir le jour.

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