Voyage en Écosse : sur les traces du monstre du Loch Ness et d’Outlander

Publié le par Violaine Schutz,

Une route des Highlands @Violaine Schütz

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Alors que le tartan écossais revient à la mode cet hiver et que la série Outlander cartonne, on est partis à la pêche au monstre du Loch Ness dans les Highlands, le plus beau coin d’Écosse. Comme plus d’un million de touristes par an, fascinés par ses paysages sublimes et ses mystères, on a voulu percer le secret de l’attraction du fameux lac.

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Jour 1 : passion animaux

En attendant de croiser le monstre du Loch Ness, on a rencontré beaucoup d’autres animaux, en arrivant en Écosse, réels ou mythiques. La région des Highlands, près d’Inverness, semble autant peuplée de mammifères et de poissons que d’êtres humains. Sur cette terre sauvage, où les paysages sont à couper le souffle, on s’est fait tout un tas d’amis. Il y a eu un lapin appelé Peter qu’on a vu grignoter une carotte près d’une distillerie de Whisky (et on n’avait pas bu), des vaches des Highlands, toutes plus mignonnes (bien qu’assez agressives) les unes que les autres, des moutons (dont certains à la tête noire), des biches, des chevaux et on en passe.

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Le soir de notre arrivée, j’ai testé dans un restaurant chic (The Adams Room dans un hôtel du 18e siècle, le Kingsmills, où le poète du coin, Robert Burns, venait manger), le haggis, fameuse spécialité locale. Les Écossais aiment bien faire croire aux touristes crédules qu’il s’agit d’un animal bizarroïde. Le haggis serait une créature des Highlands ressemblant à un oiseau aux ailes atrophiées ou selon des variantes, un animal à deux pattes, trois, voire quatre de longueurs différentes vivant dans les montagnes. Cette bestiole proche du dahu serait capable de nager et très difficile à capturer.

Un sondage publié dans The Guardian datant de 2003 révélait que le mythe du haggis attirait les touristes, les Américains venant en Écosse pour essayer d’en attraper un. En fait, le haggis est bien moins ragoutant. Il s’agit d’une panse de brebis farcie d’abats de mouton (poumons, foie, cœur), d’oignons, d’avoine, de graisse de rognon de mouton, d’épices et de sel. Le tout ressemble à un ballon gonflé qu’on déguste lors d’une fête à grand renfort d’alcool, de poésies et de cornemuse.

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L’Addams Family à l’Adams Room

Lors de la cérémonie du haggis, après le toast, l’entrée et quelques chants, un couteau est planté vigoureusement dans la poche. Il existe même une discipline dédiée au plat : le lancer de haggis, activité sportive estivale. Si le haggis éclate pendant le lancer, le candidat a perdu. Nous n’y avons pas joué mais le soir nous avons goûté à la panse de brebis (finalement succulente, dégustée façon hachis parmentier de luxe), étrange présage, à la table en face de nous – je voyageais avec quelques sympathiques blogueuses voyage –, l’actrice Anjelica Huston était installée avec une ribambelle d’amis.

La Anjelica des films de Wes Anderson et de La Famille Addams a des origines écossaises par son père, le cultissime réalisateur John Huston. Manger en face de l’interprète de l’effrayante et néanmoins sexy Morticia Addams, quoi de plus symbolique pour nous indiquer que nous sommes bien en terrain hanté où l’impossible pourrait advenir.

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Jour 2 : château hanté et champ de bataille spectral

Nous avons ensuite rendu visite dans un froid glacial aux Clava Cairns, des menhirs mystiques semblables à ceux que Claire, l’héroïne over-romantique d’Outlander, touche dans la série. Puis nous avons filé sur le champ de bataille de Culloden vu aussi dans la série TV aimée par George R. R. Martin de Game Of Thrones. Le paysage presque gothique semble encore habité par quelques spectres. Ce qui sera le cas des autres demeures de la région, comme les ruines du château d’Urquhart. Il est encore question de fantômes lors de notre rencontre avec Lady Cawdor au Cawdor Castle, une amie de Stéphane Bern qui lui a même consacré tout un livre et vient souvent lui rendre visite. La demeure incroyable du XIVe siècle fut l’un des personnages centraux du Macbeth de Shakespeare.

La veuve (son mari est mort mais lui a tout de même laissé un château) nous raconte vivre ici accompagnée de 23 présences, ce que lui a confirmé sa célèbre amie voyante, Yaguel Didier. D’après elle, les esprits restent à cause de la tourbe et de la terre de Bruyère présente dans les alentours. La maison est immense et tout le monde (vivants et morts) cohabite apparemment très bien. Les tapisseries, les tableaux de maître, la collection de boules de cristal, la salle de méditation et les jardins labyrinthiques dignes de Tim Burton donnent envie de s’y installer pour écrire un roman fantastique effrayant.

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Lady Cawdor, toujours très belle malgré le temps qui passe, vit dans ce décor racé sans homme mais avec un petit chien qui n’a rien d’effrayant. Beaucoup de visiteurs de Cawdor disent y avoir vu des fantômes, notamment celui d’une petite fille. Mais toujours pas de monstre à l’horizon…

Jour 3 : entrevues avec les spécialistes de Nessie

Aujourd’hui est un grand jour. Toute mon enfance, j’ai été fascinée par trois grands mystères : le triangle des Bermudes, la Dame Blanche et le monstre du Loch Ness. C’est donc un honneur que de déjeuner avec deux grandes spécialistes du monstre appelé affectueusement Nessie à des fins toutes mercantiles. D’un côté, le naturaliste Adrian Shine, la caution scientifique de la légende de Nessie. Ce dandy barbu au chic fou (trois pièces en tweed, verve du chercheur passionné et port de tête altier) a sondé le lac à l’aide d’une machine qu’il a fabriquée et rencontré un grand nombre de ceux qui disent avoir vu le monstre sous la forme d’un serpent de mer ou d’un plésiosaure (créature préhistorique) depuis 1973.

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Pour celui qui a travaillé avec de nombreux universitaires, tous ces témoignages – environ 1 000 au total – s’expliquent par les réflexions sur l’eau noire, de densité trouble et la profondeur du lac. Mais aussi par la présence de nombreux grands poissons (notamment des saumons), de daims qui nagent et de branchages dans le lac. Si on y ajoute quelques litres de Gin et de Whisky et les légendes venues du Nord qui ont bercé les habitants, on peut comprendre les hallucinations et autres mirages. Plus sérieusement, Shine insinue que ce que les hommes ont infligé à la nature fait peut-être d’eux les vrais monstres en tant que responsables des empreintes néfastes en matière d’écologie laissées sur notre terre et ses eaux.

Charlie Sheen versus Nessie

Moins scientifique, Willie Cameron croit avec ferveur son père qui figure parmi ceux à avoir vu le monstre. Le soir où son paternel a aperçu quelque chose, neuf autres personnes ont été témoins d’une présence ressemblant à un grand serpent de mer. Pour lui, ça ne peut pas être une coïncidence… Cameron a rencontré beaucoup d’autres personnes qui ont vu une forme étrange mais n’osent pas témoigner de peur “d’avoir l’air con de croire à un monstre en 2017”. Il a même tenté de le pêcher avec Charlie Sheen : 

“L’acteur voulait un bateau en bois mais le modèle qu’il voulait n’existait pas alors on a dû lui acheter, cash. Il nous a raconté qu’il avait trois rêves dans la vie : acheter une voiture blindée, posséder un jet privé et pêcher le monstre du Loch Ness. On est partis avec lui en bateau toute une nuit, il enchaînait les bouteilles de Whisky et tenait sa canne à pêche au bout de laquelle figurait un énorme harpon fait spécialement pour lui et un gigot d’agneau (pour appâter le monstre). On n’a rien pêché mais on a bien rigolé. Contrairement à ce que j’avais lu sur lui dans la presse, Charlie était un vrai gentleman avec nous.”

Jour 4 : tout quitter pour vaincre le monstre (et ses démons ?)

Plus folklorique encore, nous avons fait la connaissance de Steve Feltham, un original qui vit dans une caravane au bord du lac (en face d’un pub) depuis des années pour guetter le monstre. La première année, il ne regrette pas d’avoir tout laissé tomber pour ce lifestyle loufoque : “J’ai aperçu une torpille sillonnant dans l’eau mais je n’avais pas de caméscope et à l’époque, les téléphones portables n’existaient pas. Je me suis dit : ce boulot est facile finalement. Il me suffit juste d’attendre une seconde chance. C’était en 1991 et depuis, la deuxième chance ne s’est jamais repointée. Cet Anglais a décidé de faire ce dont il rêvait depuis l’enfance après une rupture amoureuse et la prise de conscience que trop de gens autour de lui avaient un job et une vie qu’ils détestaient.

Depuis 1991, le “Nessie Hunter” attend en reluquant l’horizon avec sa longue-vue, près d’un chat noir rescapé et des montagnes sublimes des Highlands. “Je ne me suis toujours pas lassé de la vue”, nous confie-t-il, en confectionnant en pâte à sel un Nessie à l’air amusé qu’il vend pour gagner sa vie. Il a retapé une roulotte qui faisait autrefois bibliothèque itinérante et semble heureux, la cinquantaine séduisante et le regard profond. Il nous confie être en train d’écrire ses mémoires qu’on imagine truffées de rencontres folles et de réflexions sur le monde ; Steve pense qu’il n’y a peut-être pas de monstre, mais qu’il y a définitivement “quelque chose”.

La région attire irrésistiblement. On a rencontré une femme médecin qui a choisi de cueillir des baies pour faire du Gin appelé Loch Ness près du lac, comme happée par cette eau fascinante. Depuis les années 1930, des “true believers” pensent qu’une “bête”, un “serpent de mer” ou un “animal à long cou” vit sous cet élément liquide mystérieux et profond.

Dans le coin, il y a aussi l’inquiétante légende du très vilain kelpie, cheval aquatique qui noie les humains… Nessie semble beaucoup plus gentil, comme le montrent les peluches à son effigie en vente un peu partout. À Inverness, presque personne n’est au chômage grâce au million de touristes qui viennent traquer la bête (merci Nessie). On a fini notre périple par le musée Loch Ness Centre & Exhibition pour écouter les témoignages audio de ceux qui ont assisté à son apparition furtive. Ils n’avaient pas l’air fous.

On a aussi fait la croisière sur le lac, comme 100 000 curieux le font chaque année. On s’est laissé hypnotiser par cette eau noire qui semble ne pas avoir de fond et on a réfléchi longuement sur la naissance des légendes. On n’a pas aperçu le monstre, mais on a compris pourquoi l’homme en fabrique. Quand la nature est aussi luxuriante, immense et insondable, il est difficile de croire qu’il n’y a pas anguille sous roche. Que la beauté puisse ne rien avoir de suspect dans un monde devenu si troublé. Mais les monstres ne sont jamais ceux qui en ont l’apparence…

Remerciements à Florence de Visit Britain et à Alan de Visit Scotland